France

Dates : 7 juin 1944 – 21 août 1944.

 

Après le succès du Débarquement de Normandie, les stratèges alliés s’attendaient à ce que la bataille de Normandie soit de courte durée. Ils se trompaient. Les conditions étaient idéales pour les défenseurs allemands : connaissance d’un terrain difficile et propice à la défense, troupes endurcies, etc… Une bataille qui n’aurait dû durer que trois semaines et qui se prolongea pendant presque trois longs mois…

 

L’offensive depuis les plages

Les débuts de la bataille étaient prometteurs pour les Alliés : après l’établissement de leur tête de pont, Bayeux tomba aux mains de la 50e division britannique le 8 juin. Malheureusement, les Allemands réussirent à s’emparer de plans alliés, ils purent ainsi prévoir les emplacement exacts des têtes de ponts alliées ainsi que les troupes qui y stationneraient, leur permettant donc de préparer leur défense en conséquence.

 

Carte de la progression allié durant l'été 1944

Carte de la progression allié durant l’été 1944

En plus des troupes régulières, les hommes de la Résistance participèrent à l’effort de guerre en exécutant le plan Vert, visant à nuire au transport des troupes et des munitions. Cette opération fut un succès et, en deux jours, 98 locomotives furent détruites.

Au matin du 10 juin 1944, plus de 326 000 soldats alliés avaient déjà débarqués sur les plages normandes, accompagnés de plusieurs milliers de véhicules. Les Alliés entreprirent les jonctions entre les différentes plages du débarquement. Elles furent toutes effectives d’ici le 13 juin. Les premiers contretemps se firent sentir à Caen, où les soldats canadiens butèrent sur la 12e division blindée SS « Hitlerjugend ». Ces jeunes soldats, complètement fanatisés, opposèrent une farouche résistance aux Alliés.

 

Des Allemands soignant leurs camarades près de Ranville

Des Allemands soignant leurs camarades près de Ranville

Les troupes britanniques n’avaient cessé de se battre depuis le 6 juin et étaient exténuées. Montgomery refusa donc de les envoyer tout de suite en renfort à Caen, estimant que ses soldats n’étaient pas en état de faire face à une telle opposition. Les Canadiens n’apprécièrent qu’à moitié cette décision, bien qu’elle fut logique.

Les Américains eurent plus de chance : dans les premiers jours de la bataille, ils affrontèrent des unités de la Wehrmacht dont une bonne partie des soldats n’étaient même pas allemands. Ils n’avaient donc pas reçu le même entraînement et n’étaient pas aussi motivés. L’exception est la ville de Cherbourg où les troupes allemandes combattaient avec acharnement.

 

Français accueillant les troupes américaines

Français accueillant les troupes américaines

Le terrain avantageait également les Allemands : la ville était entourée de champs marécageux et de haies, idéales pour tendre des embuscades. Le général Bradley eu tôt fait d’exiger l’envoi de renforts. Le 14 juin, le général de Gaulle était de retour en France, geste symbolique qui redonna du courage à la population.

 

Caen : l’enfer des Canadiens

Pendant ce temps, la tentative de Montgomery pour prendre Caen à revers via Villers-Bocage (opération Charnwood) s’était avérée un échec complet coûteux en vies humaines, notamment parmi certaines unités d’élites. Les Allemands avaient tout bonnement laissés les soldats britanniques progresser sans leur opposer de résistance pour finalement les prendre de flanc avec la 501e division blindée SS (majoritairement composée de blindés lourds, contre lesquels les Shermans avaient peu d’espoir de vaincre).

 

Prisonniers allemands

Prisonniers allemands

Les immenses pontons flottants Mulberries d’Arromanches permettaient cependant aux troupes alliées de recevoir un apport constant en hommes et en armes, ce qui leur permettait de résister. À défaut de pouvoir prendre un port (comme ce fut tenté à Dieppe), les Alliés se résolurent à en construire un de toutes pièces, chose rendue possible grâce aux ingénieurs britanniques.

Les combats se poursuivaient donc en Normandie et certains généraux américains commençaient à se douter que la bataille serait bien plus longue que prévue. Il aura fallut attendre le 18 juin pour que la ville de Carteret (ouest du Cotentin) soit atteinte et le 20 pour que Cherbourg soit en vue.

Le 24 juin, les rapports alliés indiquaient que 750 000 hommes avaient débarqués depuis le jour J, ils annonçaient également que plus de 5 000 d’entre eux avaient déjà été tués. Le 30 juin, le cap de La Hague (et avec lui tout le reste du Cotentin) tombait aux mains des Américains. 6 000 soldats allemands se rendirent.

 

Blindé de la 21e Panzer passant devant un planeur Horsa

Blindé de la 21e Panzer passant devant un planeur Horsa

À Caen, les combats ne semblaient pas vouloir baisser en intensité. Durant la nuit du 7 au 8 juillet, des bombardiers de la RAF ainsi que le cuirassé Rodney bombardèrent lourdement la ville de Caen, toujours ardemment défendue par les Allemands. Au soir du 8 juillet, la rive droite de l’Orne était prise (malgré l’action des blindés du colonel SS Meyer). Les Canadiens (présents depuis le début des hostilités) notèrent cependant une baisse dans l’organisation des défenseurs (il faut savoir que presque tous les officiers allemands avaient été tués). Montgomery, incapable de faire avancer la situation à Caen, était ouvertement critiqué par les autres généraux alliés.

 

Prisonniers de la 6e division aéroportée britannique

Prisonniers de la 6e division aéroportée britannique

Les Allemands tenaient toujours la côte 112 (point stratégique capital) et les pertes humaines étaient énormes des deux côtés. Le 10 juillet, dans un désir de faire avancer les choses, Montgomery ordonna l’opération Goodwood. Celle-ci consistait en l’attaque de Caen par l’est au moyen de la IIe armée britannique. Il ordonna également l’opération Cobra : l’attaque de Saint-Lô par la Ière armée américaine du général Patton.

L’offensive sur Caen était énorme, surtout en matière de blindés où 750 chars foncèrent sur la ville. Malheureusement, les Allemands purent contenir cette attaque et, au matin du 20 juillet, le général Dempsey décida d’arrêter l’opération qui avait coûté aux Britanniques 5 537 hommes et 400 chars. Montgomery ordonna une autre attaque, mais les 80 chars Tigres et Panthers allemands placés sur les hauteurs du Bourguébus (et sous les ordres du général Joseph Dietrich, réputé intraitable) réussirent à repousser tous les assauts alliés.

 

Soldat canadien lors du siège de Caen

Soldat canadien lors du siège de Caen

Arrivée en Bretagne

Dans le cadre de l’opération Cobra, les Américains attaquèrent Saint-Lô et réussirent à en conquérir les hauteurs le 18 juillet, après de longs et durs combats. La bataille du bocage était particulièrement violente : on assistait parfois à des charges à la baïonnette qui auraient parfaitement trouvé leur place durant la Première Guerre mondiale. Malgré une victoire quasi-totale sur les troupes allemandes, les 5 000 victimes américaines firent réfléchir les généraux qui estimèrent que ces opérations avaient été bien trop coûteuses en hommes et en matériel. Les combats pour la prise de la route allant de Saint-Lô à Coutances (premier objectif de l’opération) avaient été particulièrement difficiles.

 

Construction du port d'Arromanches

Construction du port d’Arromanches

La route étant entourée de haies, les Allemands purent tendre des centaines d’embuscades aux Américains, allant parfois jusqu’à dissimuler des chars entiers qui ne révélaient leur position qu’après avoir tiré. Le 28 juillet, Coutances tomba enfin aux mains des libérateurs.

Le 31 juillet, la ville d’Avranches fut libérée, mais cela exigea cinq jours de violents combats livrés par les troupes américaines face à des troupes allemandes tenaces. Il était évident que les Allemands de ce secteur se battaient avec l’énergie du désespoir. Après la conquête de la ville, les généraux Bradley et Patton (respectivement en charge des Ière et IIIe armées américaines) tournèrent leurs regards vers la Bretagne. L’intensité des combats autour de Caen avait convaincu les Allemands que se secteur était la première priorité alliée et que la Bretagne serait attaquée par la suite. Von Kluge y envoya donc le gros de ses troupes. La perte d’Avranches empêcha les Allemands d’organiser une contre-attaque dans le secteur, ce qui permit aux unités américaines de souffler un peu.

 

Grenadiers de la Hitlerjugend

Grenadiers de la Hitlerjugend

Reprise de l’offensive américaine dans le sud de la Normandie

Le 1er août, les 16 000 hommes de la 2e division blindée du général Leclerc débarquaient à Utah Beach en Normandie avec leurs 240 chars et 650 canons, un jour qu’ils attendaient depuis quatre ans. Les combats continuaient de plus belle en Normandie. Le 11 août, les Canadiens de la Ière armée attaquaient Falaise dans le cadre de l’opération Totalize, mais ils furent repoussés. Pendant ce temps, Leclerc et sa 2e DB entraient dans Alençon sans trop de difficultés. Ses hommes durent cependant essuyer le feu de canons embusqués allemands, un autre exemple de l’avantage de défendre le bocage.

Le 7 août, la RAF s’en prit aux blindés allemands de la région de Falaise, pour permettre aux troupes canadiennes et polonaises de passer. Tandis que les Typhoons britanniques faisaient mouche en détruisant nombre de blindés allemands, les appareils de l’US Army Air Force tuèrent 65 de leurs propres hommes. Ce drame n’aida en rien les soldats américains dont le moral était déjà rudement éprouvé.

 

Paras de la 82e à Ste-Mère-Église

Paras de la 82e à Ste-Mère-Église

Les Américains voulaient profiter que les Allemands en Bretagne soient bloqués pour en finir avec la Normandie. Patton faisait donc route vers la Seine. Le 12 août, les Alliés tenaient déjà Le Mans et Alençon, mais il restait à prendre Argentan. La tactique de Patton était simple : attaquer la ville de manière à ce que le 2e corps SS Panzer (dirigé par le général Hausser) se retrouve coincé entre ses troupes et les troupes canadiennes qui attaquaient Falaise.

 

Paras de la 101e américaine à Carentan

Paras de la 101e américaine à Carentan

Lors d’une tentative de contre-attaque, dont les ordres avaient été préalablement décryptés par les Américains, les Panzers durent faire face à une nuée de chasseurs-bombardiers alliés venus les arrêter, tâche dont ils s’acquittèrent sans trop de difficultés. Von Kluge pria Hitler de le laisser battre en retraite pour préserver ses hommes et pouvoir organiser une contre-attaque décente, mais ce dernier ne voulut rien entendre.

 

Argentan et Falaise et l’ouverture de la route vers Paris

Tandis que les Canadiens se battaient à Falaise, le 15e corps américain (dirigé par Bradley) s’arrêta devant Argentan le 13 août, privant ainsi les soldats canadiens d’un support dont ils auraient bien eu besoin.

 

Soldats britanniques à Saint-Manvie le 26 juin

Soldats britanniques à Saint-Manvie le 26 juin

En effet, une attaque américaine aurait forcé les Allemands à envoyer plus de troupes à Argentan, autant de troupes en moins à affronter pour les Canadiens. Le 14 août, 13 Canadiens moururent héroïquement en tirant des fusées éclairantes pour la RAF (pour repérer les cibles). Ils furent immédiatement repérés et abattus. À ce stade, les Canadiens étaient à 7 km de la ville.

Le 15, les Alliés (dont les troupes du général de Lattre de Tassigny) débarquèrent en Provence, ouvrant ainsi un deuxième front en France. Le 17, la Ière armée canadienne du général Crerar prit Falaise et le reste des défenseurs de Saint-Malo se rendirent aux Américains. Cependant, des troupes allemandes résistaient toujours dans la région de Falaise.

Le 19 août, les troupes de Patton tenaient Chartres et Orléans. De plus, Fontainebleau n’était plus très loin. Les Allemands étaient donc dans une situation précaire. Les Canadiens les repoussèrent de plus en pus autour de Falaise, et les Américains les talonnaient. Le général von Kluge, après avoir été démis de ses fonctions par Hitler (persuadé qu’il tentait de négocier avec les Alliés), écrivit une lettre à ce dernier lui demandant d’arrêter la guerre et se suicida.

 

Soldats canadiens à Caen le 9 juillet

Soldats canadiens à Caen le 9 juillet

Il fut remplacé par le maréchal Model, mais celui-ci ne pouvait pas faire grand chose de plus. Les Alliés n’étaient alors plus qu’à 65 km de Paris. Le 20 août, les restes de la VIIe armée allemande tentèrent de fuir la poche de Falaise, harcelés par les assauts ininterrompus des Canadiens. Le 21 août, la poche de Falaise n’était plus, mais 30 000 soldats allemands avaient réussi à s’en extraire. Cette ville aura vu couler le sang de la Ière armée canadienne pendant plus de deux semaines.

 

Patrouille allemande à Caen

Patrouille allemande à Caen

Le bilan

Le bilan de la bataille de Normandie est effroyable. Les Alliés comptaient 37 000 tués et 172 000 blessés. Côté allemand, on croirait voir des statistiques provenant du front de l’Est, avec 50 000 tués, 80 000 blessés et 210 000 disparus. 20 000 civils périrent durant les combats (majoritairement victimes des bombardements des villes). 1 500 chars, 2 000 canons et 20 000 véhicules furent également détruits (tous camps confondus).

Ruines de Saint-Lô le 18 juillet

Ruines de Saint-Lô le 18 juillet

 

Guerre des haies près de Saint-Lô

Guerre des haies près de Saint-Lô

 

Cathédrale de Caen après la victoire

Cathédrale de Caen après la victoire

Combats dans les rues de Saint-Malo

Combats dans les rues de Saint-Malo

Char Panther détruit devant l'église St-Germain à Argentan

Char Panther détruit devant l’église St-Germain à Argentan

 

Photos : http://www.dday-overlord.com/

Source et cartes : Catherine et Jacques Legrand dir. Chronique de la Seconde Guerre mondiale. Éditions Chronique, novembre 2002