États-Unis, 1925

Porte-avions Classe Lexington

Ces deux bâtiments, le « Lex » ou encore « Lady Lex » et « Sara », pour les générations de marins et d’aviateurs qui servirent à bord durant les années vingt et trente, étaient la quintessence du savoir-faire des ingénieurs Américains, et la fierté de l’US Navy. Le Lexington était en particulier aussi célèbre et populaire que l’était le Hood pour les Anglais. Leur genèse remonte à la fin de la grande guerre, lorsque l’amirauté décidait devant les prouesses au combat des croiseurs de bataille Allemands et Britanniques, d’équiper leur flotte de ce type de navire. Sans expérience, ils conçurent quantité de plans jusqu’à la fixation de celui qui fut approuvé. Six navires étaient programmés, le Constitution, le United States, le Constellation, le Ranger et naturellement le Lexington et le Saratoga, les deux célèbres batailles de la guerre d’indépendance Américaine. Ces géants devaient remiser au rang de « barques » tous les navires conçus par les États-Unis jusque là : avec 270 mètres hors-tout, 40 000 tonnes en standard, et leurs 8 pièces de 457 mm, ils éclipsaient tous ceux qui étaient en service dans le monde, mais ils restaient dans la norme de ceux qui étaient programmés par la Grande-Bretagne et le Japon à cette époque.

 

Le USS Lexington en 1941, peu avant le retrait de ses tourelles de 203 mm. Noter la livrée

Le USS Lexington en 1941, peu avant le retrait de ses tourelles de 203 mm. Noter la livrée « navy blue » et la fausse vague d’étrave

Arriva le traité de Washington. Signé en 1921, il imposait un moratoire de 10 ans et en même temps une limitation au tonnage de 35 000 tonnes et au calibre 406 mm pour les navires de ligne. Les États-Unis durent mettre un terme à la construction de leurs nouveaux dreadnoughts North Dakota et à leurs croiseurs de bataille. Presque immédiatement, l’amirauté envisagea de les transformer en porte-avions, notant les succès observés par la Grande-Bretagne, pionnière en la matière depuis 1918 avec le Furious.

Le Charbonnier d’escadre Jupiter, renommé Langley et transformé en porte-avions assura la transition et la formation des pilotes, la conception des brins d’arrêts, des catapultes, des ascenseurs. Pendant ce temps, les ingénieurs travaillaient sur les plans de conversion. Les plans furent prêts en 1923. Leurs coques, mises en chantier en 1920 et 1921, avaient été achevées pour lancement en 1925, et les deux porte-avions furent opérationnels en novembre et décembre 1927. Malgré le fait qu’ils dépassaient les 35 000 tonnes admis par le traité, ils étaient classés comme navires de défense et d’éclairage et non d’attaque, et ils furent donc acceptés.

Ils se reconnaissaient immédiatement à leur immense cheminée latérale, réunissant tous les conduits des 16 chaudières. Ils recevaient en outre un armement propre apte à les défendre contre de grosses unités, et furent dotés d’un armement de croiseur lourd, 8 pièces de 203 mm en tourelles doubles, réparties classiquement entre l’avant et l’arrière. Pour le reste, ils pouvaient embarquer 63 avions. Une capacité relativement faible, eu égard à leurs dimensions généreuses. Mais la taille de leur hangar était limitée par l’espace immense occupé par les turbines et les chaudières, les magasins et les réserves, ou encore les soutes à munitions pour les tourelles. Ces deux navires étaient cependant les plus grands porte-avions de leur époque, et bon nombre d’aviateurs de divers pays vinrent y faire leur apprentissage. Contrairement au poussif Langley, ils pouvaient s’insérer dans l’escadre de ligne, mais aussi rivaliser avec des destroyers en terme de vitesse. Leurs 180 000 chevaux leurs donnaient 33,25 nœuds, et aux essais, ils frisèrent les 35. Leur protection n’était cependant pas très bonne, très inférieure à ce que sera celle des prochains bâtiments, dont le Ranger en 1934.

Formant l’épine dorsale de l’aéronavale Américaine jusqu’à cette date, ils servaient dans la flotte du pacifique, depuis Pearl Harbor. En 1941, leurs vieux canons de 127 mm et de 203 mm étaient désormais périmés et une charge pour la stabilité des navires. Leur DCA comprenait surtout des mitrailleuses lourdes de 12,7 mm en affûts doubles et simples. On envisagea de les retirer et de les remplacer. A ce moment, lorsque l’attaque Japonaise fondit sur l’île d’Oahu, le Lexington livrait des avions sur l’île de Midway. Il échappa donc au désastre. Le déclenchement des hostilité pressa donc les modifications dont il avait besoin, et ses tourelles et 4 canons de DCA furent retirés au profit de pièces légères de 20 mm Oerlikon. Peu après, il fut engagé à Wake, puis fin janvier 1942, il assura la couverture pour le raid des îles Marshall. Il resta dans le pacifique sud-ouest, puis gagna pearl Harbor pour une courte refonte. Il en sortit précipitamment pour contrer la tentative de débarquement Nippone de Port-Moresby, en nouvelle-Guinée, opération préparant l’invasion de l’Australie.

Ce fut la bataille de la mer de Corail, le 7 août 1942. Les avions du « Lady Lex » ne parvinrent pas à couler le Shokaku et le Zuikaku, en revanche, les appareils de ces deux porte-avions engagèrent le malheureux bâtiment américain, qui encaissa deux torpilles, puis deux bombes. Les incendies le ravagèrent durant des heures, finalement maîtrisés. Mais une menace plus insidieuse le guettait: Les réservoirs d’aviation ayant étés éventrés, les vapeurs s’étaient lentement accumulées dans le bâtiment mal ventilé, et – court-circuit ou reste d’incendie -, une série d’explosions le détruisirent de l’intérieur. Prenant l’eau à bâbord, il s’inclina, et fut évacué en hâte par les hommes qui craignaient une nouvelle explosion fatale ou d’être aspiré avec le géant dans les eaux du pacifique. Une célèbre photo le montre, assisté par un destroyer pour l’évacuer et donnant de la bande, tandis que ses matelots sautent depuis les 18 mètres de son pont d’envol bondé pour échapper au brasier. Le Lady Lex sombra, mais Port Moresby et l’Australie avaient étés sauvés.

Le Saratoga était de son côté à San Diego le 7 décembre 1941, pour une refonte. On le débarrassa sine die de ses encombrants canons de 203 et de 127 mm, et il reçut des Oerlikons 20 mm. Il repartit rapidement assister d’autres navires pour tenter de reprendre Wake. Pendant la bataille de Midway, il était occupé à transporter des appareils de renfort pour le pacifique central. Il rejoignit le secteur le 8 juin, après la perte du Yorktown. Le 7 août, il était engagé à Guadalcanal, pour empêcher un débarquement japonais. Avec le Wasp et l’Enterprise, il fut ensuite mobilisé continuellement aux Salomons. Le 31 août, le Saratoga fut torpillé par le submersible Japonais I-68. Privé de ses turbogénérateurs électriques et donc immobilisé, il fut réparé en seulement deux heures sous la menace constante de l’aviation et de la flotte ennemie, et parvint à rejoindre à petite vitesse, avec un partie de ses machines noyées, le port de Pearl Harbor, 6 jours plus tard. 6 semaines après, il était de nouveau en opérations. Il participa aux reconquêtes jusqu’à la mi-44, et partit en extrême-Orient, prenant part avec la Royal Navy aux combats destinés à la reprise de Java et Sumatra. Il était présent à Iwo Jima, et y fut frappé par un Kamikaze le 21 février 1945. Envoyé en métropole pour réparations, il fut mis en réserve puis désarmé en 1946.

 

Spécifications techniques

Déplacement 36 000 t. standard -47 700 t. Pleine Charge
Dimensions 270,66 m long, 39,6 m large, 9,75 m de tirant d’eau
Machines 4 hélices, 4 turbines GE, 16 chaudières Yarrow, 120 000 cv.
Vitesse maximale 33,25 nœuds
Blindage Ponts 20 mm, ceinture 180-130 mm, tour 50 mm
Armement 8 canons de 203, 12 canons de 127 mm, 48 mitt. de 12.7 mm AA, 66 appareils
Équipage 2 357