Allemagne
INTRODUCTION
Panzer : ce mot, né en 1940, évoque encore aujourd’hui l’idée d’une force destructrice et d’une puissance en mouvement. Il y a un mythe autour de ces Panzer comme autour de la légion romaine ou des hordes de cavaliers mongols de Gengis Khan. Les chars, et les divisions allemandes en général, furent toujours précédées d’une vague d’effroi et d’une envie de fuite. Aujourd’hui encore, les blindés sont le fer de lance de l’armée moderne (bien que très vulnérables désormais). Pourtant que de difficultés pour mettre sur pied, dans une Allemagne déchirée par l’entre-deux-guerres, une telle force. C’est ce long cheminement de 1918 à 1945 que nous allons étudier.
Tous les industriels allemands furent mis à contribution, toutes sortes de techniques et d’innovations mises au point durant cette période. Le problème était le suivant : faire mouvoir un véhicule blindé et armé d’un canon dans les conditions d’un champ de bataille. Mais qui pouvait penser en regardant les A7V de 1918, char monstrueux, qu’un jour naîtraient les Königstiger ou les Maus. Entretemps, on fit du solide, comme le Panther, le Tiger ou le Jagdpanther. Les Alliés en savent quelque chose ! Mais les Occidentaux et les Soviétiques en tirèrent des conséquences, qui aboutirent à la défaite totale des Nazis
I. LA GENÈSE DES BLINDÉS ALLEMAND
1. Les leçons de la défaite
Les chars mis en œuvre en nombre par les Alliés contribuèrent à la défaite finale de l’armée impériale allemande en 1918 . Dès les limitations imposées à la nouvelle armée allemande concernant les armes lourdes par le Traité de Versailles, de jeunes officiers pensaient déjà à une nouvelle dimension du combat terrestre. Par la suite, les chars de carton furent remplacés par les premières Panzerdivisionen de l’Allemagne nazie.
a. La genèse
La vraie histoire des blindés allemands commence en 1926, avant la montée du parti national-socialiste comme force politique prédominante en Allemagne. Dix ans avant le programme « les canons avant le beurre » de Hitler. À ce moment, les forces allemandes, regroupées au sein de la Reichswehr, étaient très affectées par le Traité de Versailles : limitée à 100 000 hommes, sans chars, seules quelques automitrailleuses étaient autorisées. Le général von Seeckt, homme qui voyait loin, avait tiré des enseignements de la défaite, c’est à dire la mobilité et la souplesse, comme le montraient les FT-17 français. Du fait de moyens limités, von Seeckt utilisa au mieux le personnel dont il disposait, mettant l’accent sur les manœuvres et l’entraînement. C’était sous son commandement que furent formés Guderian, Rommel et tant d’autres. Pendant ce temps, les Alliés se limitaient à des activités de temps de paix, ne tirant pas les véritables leçons de la victoire alors qu’ils avaient été les pionniers du combat blindé.
b. Les premiers chars
Pour rendre sa fierté à l’Allemagne la Reichswehr, en ces années difficiles, s’entraîna durement. L’apothéose de von Seeckt fut le lancement du programme clandestin d’un char expérimental. Construit en acier doux par Rheinmatal-Borsig, il fut désigné sous le nom de Grosstraktor, un nom anodin destiné à induire en erreur les comités d’inspection alliés. Dans ses grandes lignes, l’engin était semblable au Mark II, pesait 20 tonnes et était armé d’un 75. L’année suivante, la même firme sortit le Leichttraktor, avec un 37. Un autre engin fut à son tour équipé d’un 75, mais en 1929, une version améliorée vit le jour. Elle pesait 10 tonnes, armée en tourelle d’un 37. Ces engins permirent à l’armée allemande d’acquérir une certaine expérience de l’arme blindée. Ils furent essayés en Russie à Kharkov avec l’autorisation des Soviétiques, de telle sorte qu’il n’y avait pas violation du Traité de Versailles.
Pendant ce temps l’emploi de chars factices, idée attribuée à Guderian, permit aux Allemands d’expérimenter l’arme nouvelle à plus grande échelle. Ces blindés étaient en fait des voitures légères BMW Dixi, véhicules d’état-major recouverts de plaques de bois et d’acier. Elles étaient complétées par des « boîtes à savon », démunies de moteur et sur roues, sortes de chars de carnaval.
c. Un disciple fervent
Guderian fut un des disciples de Liddel Hart et de Fuller, ainsi que de différents officiers du corps royal des chars de 1917. Ces mêmes officiers avaient eu un impact limité dans leur pays du fait d’une optique conservatrice et d’un faible budget. Au contraire, Guderian les étudia patiemment. En 1931, il devint chef d’état-major du général Lutz, inspecteur des forces motorisées. Les deux hommes étaient convaincus que l’arme blindée devait être organisée en grandes unités blindées, appelées Panzerdivisionen. Ils exigeaient deux types de chars, un de 20 tonnes armé d’un 75 en tourelle (évolution face aux chars casemates) et de deux mitrailleuses, pour le combat anti-char, et un autre plus léger équipé d’un 50 mm et de deux mitrailleuses.
Ces conclusions furent acceptées, sauf pour le char léger dont le calibre passa à 37 mm, calibre du canon de campagne allemand anti-char standard. Le chef des matériels de guerre et l’inspecteur de l’artillerie étaient favorables à ce canon en vue d’une standardisation. Pendant ce temps, Rheinmetal sortit le NbFz A, abréviation de Neubaufahrzeug A, inspiré du Independant, et du Mark III. Il ne sera pas retenu. Un nouveau projet fut lancé, qui aboutit aux Panzers III et IV étudiés ci-après. Pour répondre à l’impératif d’une mise en service rapide on décida la construction d’un char léger, qui permettrait un approfondissement des connaissances en matière de guerre blindée. Les Allemands achetèrent donc un Mark VI britannique, officiellement comme tracteur de canon antiaérien, dont ils étudièrent le châssis.
d. La concurrence
Tout en continuant sa politique d’armement, le Heereswaffenamt exprima le besoin d’un char de 5 tonnes, avec deux mitrailleuses en tourelle pour un tir tous azimuts et à l’épreuve des armes de petit calibre. Cinq firmes furent mises en concurrence, Rheinmatal-Borsig, Daimler-Benz, MAN, Henschel et Krupp. Toutes possédaient un service d’étude et de conception. Finalement, c’est le LKA 1 de Krupp, sur châssis Carden-Loyd Mark VI, qui fut choisi. Krupp eut pour charge de construire le châssis, tandis que Daimler-Benz devait se charger de la tourelle et de la caisse. Il reçut le nom de Landwirtschaftlicher Schlepper, dont l’abréviation était LAS. La présérie fut finie au moment où le parti national-socialiste prit le pouvoir, prêt à passer ouvertement outre le traité. De son côté, Krupp fournit 3 prototypes. C’est en février 1934 que le premier véhicule roula : il était très simple en réalité, avec un châssis dérivé. La production débuta en 1934, avec une commande de 150 machines ; c’est le 1ALAS Krupp, bientôt suivi d’une version B, plus longue avec un moteur plus puissant, 1BLAS.
e. Désignation des Panzer
La désignation LAS fut conservée jusqu’en 1938, où les chars en reçurent une nouvelle, par exemple 700 ou 2 000 comme série d’identification. Le premier ou les deux premiers chiffres désignaient la classe de l’engin et son poids, les deux derniers le numéro du prototype. Le préfixe VK signifiait que l’engin était entièrement chenillé. Les initiales de la firme étaient entre parenthèses. Exemple : VK 2001 (H), char de 20 tonnes construit par Henschel. Une fois le char adopté, il était désigné par le nom de la classe, puis par le numéro du modèle. Par exemple : Panzerkampfwagen I Ausf. C. Il recevait aussi un numéro de répertoire du département des matériels de guerre. Ainsi PzKpfw I Ausf. A (SdKfz 101), pour Sonderkraftfahrzeug.
Ce char était rustique, sans rien de spécial, avec un moteur Krupp M 305, de 3,5 litres, 4 cylindres développant 57 chevaux à 2500 tours/mn, à l’arrière du char, avec refroidisseur à huile. Le mouvement était transmis directement à une boîte à vitesse à cinq rapports et à pignons coulissants. D’autres engins furent équipés d’un Krupp M 601 de 45 CV à 2200 tours/mn, mais les essais ne furent pas concluants. Ce moteur fut employé sur tous les Panzer I.
f. Amélioration de la suspension
Le premier prototype de Krupp comportait 4 galets de suspension de chaque côté, une poulie arrière de tension de chenille en contact avec le sol et trois rouleaux porteurs montés sur la caisse. Sur les modèles de série un longeron arrière recouvrait les deux galets de suspension arrière, fixé à l’axe des seconds galets de suspension et à la poulie arrière de tension des chenilles par des barres d’accouplement à fourche portant des ressorts elliptiques dont les extrémités reposaient sur les axes des 3e et 4e galets de suspension. Le mouvement des galets était contrôlé par des ressorts hélicoïdaux. Aux basses vitesses la suspension était satisfaisante, mais à vitesse élevée elle communiquait un tangage très gênant, accentué par la poulie de tension arrière.
g. Dernières évolutions du Panzer 1
Le Panzer I était un très petit char, de 4 mètres 30 sur 2 mètres 10 et 1 mètre 70. Mais il était très souple d’emploi et avec ses deux MG 34 de 7,92 mm il donnait bonne impression (certains prototypes étaient équipés de MG 13). Le 1BLAS, ou Panzer 1 Ausf. B, était très proche du modèle A mais comportait de nombreuses petites améliorations. Le moteur passa à un Maybach NL 38 TR à refroidissement par eau, avec un compartiment moteur plus long et haut. La longueur du char fut accrue ainsi que celle des superstructures, afin de donner au char un volume supérieur. Le moteur développait 100 CV à 3 000 tours/mn. De plus il reçut un masque intérieur.
En 1941 une transmission modifiée, avec boîte de vitesse à 5 rapports dotée d’une meilleure démultiplication, remplaça celle qui équipait le modèle A. L’avant du char fut redessiné, mais rien ne fut prévu pour faciliter l’observation du chef de char qui était tireur et chargeur. Dans le modèle B, la suspension fut modifiée, et on ajouta un galet. La poulie de tension arrière fut relevée de manière à ne plus toucher le sol, ce qui lui conféra plus de maniabilité. La tourelle fut installée à droite de la superstructure, le pilote à gauche. Ce char avait une meilleure mobilité et une stabilité latérale supérieure à celle des chars de son époque.
2. L’expérimentation par le combat
Les colonnes de chars faisaient très bonne impression lors des défilés, mais cet étalage de forces dicté par la propagande était très éloigné des réalités de la guerre. La guerre civile d’Espagne permit d’essayer la tactique et le matériel.
a. Un successeur
Deux modèles de Panzer I subirent les combats de la guerre d’Espagne de 1936 à 1939. Pour les Allemands, c’était l’occasion rêvée d’essayer leurs différentes armes nouvelles lors de vraies batailles, le Panzer I fut ainsi testé par la légion Condor. Il en sortit que des chars plus lourds, mieux armés et blindés, seraient nécessaires à une guerre blindée à grande échelle. Guderian eut la charge de dresser les plans des chars complémentaires. Il en sortit un char de reconnaissance et un char de bataille léger, futur Panzer III, équipé d’un canon à obus perforant, avec mitrailleuses de caisse et de tourelle.
L’autre type de char, futur Panzer IV, serait un engin d’appui avec un canon de 75 à faible vitesse initiale. Mais la mise au point de ces deux chars mit plus de temps que prévu, et il fallait un successeur au Panzer I. Ce char « bouche-trous », sera finalement déterminant au cours de la guerre d’Espagne et en 1940/. Il y eut trois prototypes : le LKA II ressemblait beaucoup au Panzer I ( LKA I), de Krupp également, et les autres prototypes furent réalisés par Henschel et MAN, semblables au Panzer I à part pour la suspension. Ce fut l’engin de MAN qui se démarqua sous la désignation de LAS 100. En 1935 25 chars furent construits, mis en service sous le nom de Panzer II.
b. Le Panzer II
Le Panzer II Ausf. a (SdKfz 121), pesait 9,5 tonnes et avait un équipage de 3 hommes. Il était équipé d’un canon KwK 30 de 20 mm, et d’une mitrailleuse coaxiale. Le moteur était à essence, un Maybach HL 57 TR à six cylindres. Un embrayage à disque et une boite de vitesse à six rapports transmettaient la puissance à un arbre transversal. La suspension consistait en six galets de roulement groupés deux à deux. Un longeron extérieur reliait les extrémités des axes de pivot des supports de galets. Bientôt un second lot de 25 Panzer II Ausf. a2 suivirent, très semblables aux a1 mais avec un meilleur système de refroidissement et un compartiment moteur plus spacieux. En 1936 sortirent 50 Panzer II Ausf. a (espace) 3, améliorés au niveau du refroidissement, des chenilles et de la suspension. La même année sortit le 2/LAS 100 ou PzKpfw II Ausf. b. Les Allemands construisirent 100 de ces chars, avec un blindage porté à 30 mm, et un poids de 8 tonnes. Un nouveau moteur Maybach HL 62 TR fut installé sur ces modèles, développant 140 CV. Ils possédaient un nouveau démultiplicateur dans la transmission transversale et d’un nouveau type de barbotin, ainsi que de nouveaux patins de chenilles, adoptés comme standard pour les modèles suivants.
En 1937 sortit le 3/LAS 100 ou Panzer II Ausf. c, avec le même canon Solothurn de 20 mm et la plaque de blindage devant le pilote prolongée sur toute la largeur du char. La suspension subit un changement radical, les longerons externes et les petits galets disparurent au profit de cinq galets de roulement chacun contrôlé individuellement par des ressorts, qui fut utilisée sur les modèles suivants. Les premières versions du Panzer II furent employées en Espagne, et leur comportement s’avéra très bon pour des chars d’instruction : ils étaient de bonne facture mais mêmes les plus petits canons pouvaient percer leur blindage. Le Panzer II était virtuellement surclassé.
La vulnérabilité des chars fut sous-estimée et, en 1939, la production continue de ce char commença, alors qu’il était dépassé. Malgré un blindage accru, il ne faisait pas le poids face à des chars plus lourds, et ne tirait pas de munitions à effet brisant. Les Panzer II Ausf. a, b et c virent le jour entre 1937 et 1939. Peu différents des modèles c, la protection devint soudée au lieu d’arrondi et en acier coulé. La tourelle était presque inchangée, à part un épiscope pour le chef de char ou d’un tourelleau sur le modèle B.
c. La machine de guerre tchèque
En 1940, pour attaquer la France, l’Allemagne disposait de 955 Panzer II, et de 1067 en 1941 contre l’URSS. Au début 1942, ils n’en avaient plus que 866, du fait des très puissants chars moyens T-34 et KV-1, qui leur étaient très supérieurs. À la fin des années 30, les Allemands ressentirent douloureusement l’absence des chars prévus. Le mythe créé par la propagande allemande, entretenu encore aujourd’hui, que les Panzerdivisionen qui déferlèrent en Pologne et en France étaient impossibles à arrêter est faux. Seule l’acquisition de l’industrie tchécoslovaque après les accords de Munich procura aux Allemands suffisamment de chars pour constituer une Panzerwaffe adéquate. De plus, les chars étrangers étaient souvent égaux voire supérieurs aux chars allemands. Les principaux chars tchèques étaient les Skoda LT 35 et le CKD, renommés Panzers 35 (t) et 38 (t). Les projets tchèques avant l’annexion furent vus en annexe, ainsi que les modèles d’exportation.
À partir du 15 mars 1939 la Wehrmacht s’empara de tous les blindés de l’armée tchèque, et poursuivit leur construction jusqu’en 1942. En 1940, la firme CKD fut rebaptisée BMM. Au départ les Allemands produisirent 40 chars par mois pour en obtenir au final 1168. Le chiffre tomba à 522 en avril 1942 du fait de la résistance russe. Le Panzer 38 (t) servit sur tous les fronts, et constituait 25% des forces allemandes en 1941. Ce char était très supérieur aux Panzer I et II. En 1940, 90 chars fabriqués pour la Suède furent réquisitionnés, équipés de radios et devinrent les Panzerbefehlswagen 38 (t), chars de commandement. Sur ces chars, les Allemands portèrent le blindage à 50 mm sur l’avant et à 30 mm sur les cotés. L’avant de la tourelle faisait 25 mm plus une autre plaque de 25 mm, ils modifièrent parfois le canon. Le poids augmenta à 11 tonnes, ce qui donna le TNHP-S (Schwehr).
La conception du Panzer 35 (t) date de 1934, quand la Skoda sortit le T-11, qui devint le LTM-35. Il devait pouvoir franchir de vastes espaces avec son carburant, ainsi qu’être très maniable et très en avance pour son époque. Il sortit en masse en 1935, avec un blindage de 35 mm, un canon de 37, monobloc et semi-automatique avec des possibilités de blindage allant de –10° à 25°. Au moment du tir, le canon était maintenu par un système hydraulique. Il y avait une mitrailleuse coaxiale pouvant faire feu en même temps que le canon, avec sa propre lunette de visée. La vitesse initiale du canon fut portée à 800 m/s. Il était très proche du Panzer 38 (t).
L’avantage de ce char était sa capacité de manœuvre, avec sa boîte de vitesse à 12 rapports et son système de direction à servomécanismes. Il pouvait parcourir 200 kilomètres par jour à 26 km/h, avec des pointes à 40 km/h. La durée des galets de suspension était de 8 000 kilomètres, ce qui était beaucoup pour l’époque. Les chars tchèques représentaient le gros des forces allemandes au cours des années décisives de la constitution des Panzerdivisionen mais ils souffrirent du froid russe. Peu après, les nouveaux Panzer III et IV entrèrent en action.
3. Les premiers chars lourds
Les chars lourds allemands d’avant-guerre étaient construits sur les mêmes bases et représentaient une bonne propagande. Il y eut trois grands modèles : les Grosstraktor I, II et III, produits par Daimler-Benz, Rheinmetal et Krupp. Ils avaient les mêmes dimensions mais différaient quant à la suspension et à certains détails. Le premier avait un armement principal de 105 mm et les autres un canon de 75. Tous avaient une tourelle à mitrailleuse à l’arrière pour prendre les tranchées en enfilade. En 1934, un nouveau projet fut conçu avec de nouveaux éléments caractéristiques, comme des canons auxiliaires sous tourelle à l’avant et à l’arrière dans le style des chars lourds russes et britanniques.
Ce nouveau modèle fut appelé Neubaufahrzeug. Six furent construits par Rheinmetal et Krupp en acier doux. Ce char était puissamment armé, soit d’un obusier de 75 et d’un canon de 37 montés coaxialement, modèle A, soit d’un obusier de 105 mm et d’un canon de 37 dans un plan vertical. Un seul exemplaire de ce dernier fut construit. Les tourelles auxiliaires à l’avant et à l’arrière étaient armées de mitrailleuses jumelées MG 13. Le moteur était un Maybach de 360 CV, avec une boîte à 6 vitesses. Il y avait 7 hommes d’équipage : le chef de char, le pilote, deux tireurs pour les canons et deux pour les mitrailleuses, ainsi qu’un radio. Le blindage atteignait 14,5 mm pour une vitesse de 24 km/h. En fait, ces chars ne furent jamais commandés, les Panzer III et IV étant en effet choisis pour former l’ossature des Panzerdivisionen. Un nouveau char lourd, le DW I, sera « le char de percée » de 1937. Le modèle A du NbFz devint le Panzer V et le B le Panzer VI. Ces désignations furent reprises pour les Panther et Tiger. Ces chars furent photographiés à Oslo, pendant l’invasion de la Finlande. À la fin de la guerre, on trouva des ordres concernant leur destruction ; ils ne devaient plus jamais réapparaître.
II. LE TEMPS DE LA VICTOIRE
1. Meilleurs chars, meilleure tactique
À partir de 1935, les Allemands n’avaient plus à dépendre des réalisations étrangères. Comme nous l’avons déjà vu, Guderian avait défini deux types de chars : le premier devait être armé d’un canon tirant une munition perforante avec une mitrailleuse de tourelle et de caisse ; l’autre devait être un engin d’appui avec un canon plus gros, à faible vitesse initiale pour l’appui-feu.
a. Panzer III
Il y avait des divergences quant à ces chars. Le Ministère de l’armement et de l’artillerie considéraient qu’un 37 mm était suffisant tandis que l’Inspection des forces motorisées exigeait un 50 mm. Dans un but de standardisation, on choisit le 37 mm. Mais la tourelle fut conçue de telle manière que l’on puisse ultérieurement adapter un canon de calibre supérieur. Le poids était limité à 24 tonnes pour une vitesse de 40 km/h. L’équipage comprenait cinq hommes : le chef de char, avec un siège surélevé entre les places du tireur et du chargeur, au milieu de la tourelle, le pilote et le radio dans le compartiment avant. Un système permettait les communications à l’intérieur du char.
En 1935 l’Heereswaffenamt passa des contrats avec MAN, Daimler-Benz, Rheinmetal-Borsig et Krupp, le nom de cet engin était Zugkraftwagen. À partir de 1936, les prototypes furent testés. En 1936, le premier Panzer III fut fabriqué par Daimler-Benz, et dix engins subirent les essais. La caisse et la tourelle blindée ne subirent pas de modifications importantes. La suspension était constituée par un barbotin d’entraînement avant, une poulie de tension arrière et deux rouleaux porteurs. Le blindage variait entre 5 et 14,5 mm pour un poids de 15 tonnes. Le moteur était un dérivé du Maybach DSO à 12 cylindres, le 108 TR avec une cylindrée de 11 litres. Il fournissait 250 CV pour 32 km/h. Le char transportait 150 obus et 4 500 cartouches pour mitrailleuses. C’était devenu désormais le Panzer III Ausf. A.
Au cours de l’année 1937, les modèles B et C virent le jour et un nouveau système de suspension fut expérimenté, avec 8 petits galets à ressorts à lames et trois rouleaux porteurs. L’armement était le même, mais une troisième mitrailleuse MG 34 était installée devant le radio. Il y eut 15 exemplaires de chacun. Fin 1938, le modèle D sortit enfin en série, avec un blindage de 30 mm et une suspension améliorée. À partir du modèle E il y eut un moteur Maybach HL 120 TR de 320 CV avec une cylindrée portée à 11,9 litres. La transmission compliquée permettait de faciliter le passage des vitesses. Les 9e et 10e vitesses furent surmultipliées pour atteindre 40 km/h. On construisit 55 exemplaires. Tous ces modèles servirent en Pologne, malgré leur nombre insignifiant.
Le 27 septembre 1939, la Wehrmacht annonça que « le Panzer III avait été admis à entrer en service en raison de la réussite de ses essais en corps de troupe ». La production débuta dès qu’un plan fut mis en place. L’Allemagne étant en guerre, des entreprises signèrent un consortium. Le char construit en série, le modèle E avait une forme de caisse définitive ainsi qu’un système de suspension qui ne devait plus être modifié que dans le détail. Il sortit des chaînes de montage dès 1939, et fut mis en service en 1940. Il avait six galets, montés sur des barres de torsion fixées transversalement à la caisse. Il pesait 19,8 tonnes pour une épaisseur de base de 30 mm et était équipé d’un Maybach HL 120 TR, comme les modèles précédents. La caisse seule pesait 14 tonnes. Les MG 34 furent jumelées en tourelle, puis remplacées par une mitrailleuse coaxiale. Seuls quelques modèles furent équipés de la tourelle de base.
Ces nouveaux blindés devaient fournir la puissance de feu principale des régiments de char, alors constitués de Panzer I et de chars tchèques ; l’industrie ne pouvait cependant fournir qu’un nombre limité de ces chars. Les Allemands disposèrent de 349 Panzer III pendant la campagne de France, avec tous les modèles de pré-série.
b. Un effort d’amélioration
Malgré le fait que les chars étaient difficile à produire en masse, les idées ne manquaient pas. Le Heereswaffenamt demanda au Ministère de l’armement de remplacer le canon de 37 par un canon de 50, comme demandé au départ par l’Inspection des forces motorisées, et d’améliorer la tourelle et la caisse. Quelques-uns de ces chars servirent en France. Ce nouveau char reçut la désignation F, avec un moteur plus puissant et un tourelleau plus bas. Les poulies de tension furent également modifiées pour simplifier le char. 450 exemplaires sortirent des usines, à une vitesse de 100 chars par mois. En octobre 1940, le modèle G fit son apparition ; véritable fer de lance des Panzerdivisionen. Il fut équipé d’un filtre Fiefel et d’un radiateur spéciaux pour être utilisé en Afrique (dont le sable des déserts grippaient vite la mécanique).
Hitler était très intéressé par les canons et les chars, du fait de son expérience des tranchées. Certains de ses conseils furent judicieux mais, généralement, son entêtement aboutit à des résultats catastrophiques. Pour le Panzer III, en revanche, il était en avance sur ses conseillers. Il approuva les idées de Guderian mais fit en sorte que le pays soit en avance pour les blindages et les canons. Il faut noter que malgré une idée très répandue, l’armée allemande était principalement hippomobile, voire transportée dans des véhicules civils. Les officiers allemands renversèrent toutes les règles de la guerre statique pour finalement préparer la « drôle de guerre ».
c. Les défauts
Mais face aux lourds blindés alliés, les chars allemands ne faisaient pas le poids, mis à part les rares Panzer IV avec obusier de 75, contre des Matilda, des B1 bis ou des S-35. Les Allemands souffrirent de leurs calibres trop faibles : le Panzer I tomba aux mains de l’infanterie, le Panzer II servit contre les engins légers. Les Panzer redoutaient surtout le B1 bis et son 47 mm, de plus les Matilda supportaient sans broncher les coups des Panzer et détruisirent quelques-uns des rares Panzer IV de Rommel. Seuls les canons antiaériens de 88 mm étaient aptes à percer les blindages des chars alliés. Un Matilda, par exemple, reçut 14 coups de 37 mm qui finalement ne firent que des entailles sans gravité à son blindage. Il fallait un certain courage aux équipages allemands pour s’opposer à ces monstres, à l’instar des équipages alliés, plus tard en 1944, qui affrontèrent des Tiger, Panther et autres Sturmgeschütze.
Le 7 juillet 1941, l’OKW reçut une lettre stipulant que « Le Führer estime qu’il est utile d’améliorer le blindage de notre nouvelle classe de chars en ajoutant des plaques de blindage supplémentaires, séparées par un intervalle. L’augmentation du poids et la perte de vitesse doivent, de l’avis du Führer, être acceptées ». En effet, les Britanniques s’apprêtèrent à sortir un canon de 6 livres au moment ou Rommel était empêtré en Afrique. Fin 1940 sortit le Panzer III Ausf. H, dont la caisse pesait 16 tonnes pour un poids total de 22 tonnes. Les chenilles passèrent de 360 à 400 mm tandis qu’une transmission compliquée Maybach Variorex était remplacée par une boite à vitesse à six rapports synchronisée et un embrayage à disques durs.
Peu après, Hitler estima qu’un modèle de 50 mm L/62 était préférable au modèle L/42, plus long et à grande vitesse initiale. Mais à la fin 1941, après l’apparition du T-34, il fallait redessiner totalement les blindés allemands. L’Opération Barbarossa nécessitait à elle seule 36 Panzerdivisionen, c’est à dire 7 992 Panzer III. Hitler, très rapidement, appela ce char modèle « raté », malgré le fait qu’il représentait une avancée. S’il avait été équipé du canon de 50 mm dès le début, il aurait précédé le T-34 et aurait sans doute été le meilleur char du monde.
d. Évolution des canons
L’ordre de mettre en service un canon de 50 mm L/60 arriva en 1941. Ce canon tirait l’obus perforant Panzergranate 40 avec une vitesse initiale de 1 182 m/s. La version de série de ce char fut appelée Panzer III Ausf. J. À partir d’avril 1941, tous les Panzer III furent renvoyés en Allemagne pour y subir une reconstruction générale. Le calibre supérieur nécessitait cependant que la dotation en munitions passe de 99 à 78 obus. Sur ce modèle, l’inverseur de vitesse était actionné par un levier à main. Ce char pesant 21,8 tonnes fut construit à une vitesse de 190 chars par mois. Fin 1941 apparut le Panzer III Ausf. L, avec blindage renforcé ( blindage frontal de 50 mm, soit 20 de plus qu’auparavant). Il pesait 22,6 tonnes, et la dotation en cartouches passa de 2 000 à 4 950.
e. Le Panzer IV
Nous allons maintenant parler du dernier char fabriqué selon les plans de Guderian dans les années 30. Initialement prévu pour un rôle d’appui, avec un canon de 75 à faible vitesse initiale tirant un obus explosif brisant et un obus fumigène, il était en outre assez grand pour être un char de commandement. Au printemps 1935, Krupp, Rheinmetal et MAN soumirent leurs projets à l’Heereswaffenamt. Ce devait être un char de la classe des 20 tonnes, le VK 2001, sous code BW (Bataillonsführerwagen) . C’est le projet Krupp qui sera retenu. Le char subit des essais à Ulm et Kummersdorf en 1937. Comme pour le Panzer III, quelques exemplaires furent construits pour les tests. En 1939, les modèles A, B et C participèrent en petit nombre à la campagne de Pologne ; ils étaient presque identiques.
Mais, le Panzer IV était peu important, une seule firme le fabriquait contre 8 pour le Panzer III. Au cours de la Blitzkrieg, il remplissait le rôle préconisé par Guderian, mais il supplanta finalement le Panzer III comme squelette des Panzerdivisionen, mieux armé et blindé, plus large et lourd, il était une réponse aux nouveaux chars soviétiques. Il fut construit tout au long de la guerre comme char de bataille ou comme châssis pour les canons automoteurs et chasseurs de char.
Avec la guerre, le projet fut gelé et on lança la fabrication à grande échelle du modèle D. Mais sa production était modeste, il n’y en avait que 174 en 1939, 386 en 1940 et 769 fin 1941. Il n’y eut en réalité qu’une production de 480 en 1941, malgré un ordre en demandant 2160. La production à atteindre était de 40 chars par mois, puis 57 en janvier 1942. L’objectif était dépassé et les 964 modèles nécessaires de toute urgence furent fabriqués en 1942. Le montage général était à la charge de l’usine Krupp de Gruson, les caisses et les tourelles à Essen et l’usine Eisen de Bochum.
Tout changea en 1942 du fait des raids alliés. La réimplantation des industries de guerre dans des zones difficilement accessibles aux bombardiers commença en 1940, l’une d’elle était la Niebelungenwerke située à St Valentin, en Autriche ; initialement prévue pour le Leopard, elle devint opérationnelle à temps pour recevoir la production accrue de Panzer IV. À partir de 1943, la production se limitait à cette usine. Les besoins de la construction d’un char étaient les suivants : 39 tonnes d’acier, 1,18 kg d’étain, 195 kg de cuivre, 238 kg d’aluminium, 64 kg de plomb et 116 kg de caoutchouc ainsi que 0,14 kg de magnésium.
La caisse était très simple, les jonctions réalisées par soudure à l’acier austénitique et les plaques de blindage étaient en acier au chrome et au molybdène obtenu par traitement au four électrique. Deux cloisons séparaient la caisse en trois parties : pilotage, combat et moteur. À l’avant, le compartiment du pilote renfermait les ensembles de transmission et de commande finale, les sièges du pilote et du radio, qui était en même temps le tireur de la mitrailleuse de caisse avant. Il y avait trois réservoirs à essence de 480 litres sous le compartiment de combat.
f. La superstructure
La superstructure du véhicule était remarquable, assemblée par soudure et boulonnée. L’assez grande circulaire de tourelle débordait un peu. La tourelle soudée renfermait le chef de char, le tireur et le radio. Le canon de 75 était monté sur un axe à tourillon et l’extrémité avant du mécanisme de recul dépassait. Le tourelleau était très en arrière et comportait 5 fentes, dont une dans l’alignement du canon. Il était fermé par deux capots de trappe semi-circulaires. Le ventilateur aérant l le compartiment de combat rejetait l’air par le toit. Le moteur était un Maybach HL 120 TRM à 12 cylindres, de 300 CV à 3 000 tours/mn.
La puissance du moteur était transmise par l’intermédiaire d’un arbre de transmission et d’un embrayage sec à trois plateaux. Il y avait une boîte de vitesse à six rapports. Chaque chenille était constituée de 98 patins de 40 cm, de type squelette en acier au manganèse. Le système de suspension comportait 4 supports de galets de chaque coté, dont chacun était équipé d’un galet de 18,5 cm muni de bandages en caoutchouc. Des ressorts étaient montés sur le dessous de la fusée d’essieu, en tête de chaque support de galet, mais passons tous les détails techniques. On peut donc voir que le Panzer IV était plus simple que le Panzer III mais il influença cependant les derniers III.
2. Les derniers chars légers
Les Panzer II Ausf. D et E étaient construits par Daimler-Benz et étaient prévus pour être des versions rapides. Le moteur, la superstructure et la tourelle ne changeaient pas. Mais la suspension était modifiée, à la manière du Christie, les convertissant en tous-terrains plus lents que les autres types. Certains étaient équipés d’un lance-flammes, sous le nom de Flammpanzer. Ses deux projecteurs incendiaires balayaient 180° pour une portée de 36 mètres. Pour augmenter la portée, on utilisa un système de pression à gaz. Mais en 1940, le projectile à charge creuse devenait un danger, il fut donc décidé que tous les futurs engins blindés seraient équipés d’un blindage à espacement.
Le Panzer II Ausf. F fit son apparition fin 1940. Il pesait 9,65 tonnes avec un maximum de 35 mm de blindage. Il avait la même apparence que le Panzer II C, dont il conservait la suspension, la transmission et l’armement. Le fait d’augmenter le blindage venait de la nécessité de limiter au maximum les pertes. Le modèle F fut construit à 45 unités par mois au maximum. En 1941, on demanda un nouvel engin de 10 tonnes, fortement blindé et rapide. MAN fournit les plans d’un blindé équipé d’un Maybach HL-P de 200 CV permettant d’atteindre 64 km/h, avec un blindage de 30 mm, armé d’un canon de 20 mm de type 38, et d’une mitrailleuse de 7,92. Cette commande fut finalement annulée car le char était dépassé.
En 1942 sortit le Panzer II L Luchs. Sa conception remontait à 1938, quand Daimler-Benz reçut l’ordre de concevoir une nouvelle version du Panzer II, utilisant le Maybach HL 45 de 145 CV et six cylindres. On voulait atteindre une vitesse de 60 km/h, mais à l’époque aucun moteur n’était assez puissant. Le char sortit finalement avec ces caractéristiques : blindage de 30 mm pour 9,3 tonnes, vitesse de 51 km/h, canon de 20 mm et mitrailleuse coaxiale de 7,92. Les armes étaient montées sur un axe stabilisé. En 1940, on construisit 75 chars de présérie, avec télémètre et instruments de repérage.
Un autre engin naquit de l’alliance de Daimler-Benz et de Man, le VK 1601. Il devait avoir « le plus épais blindage possible » et un équipage de trois hommes. Le moteur était un Maybach III 45 de 200 CV, pour un poids de 16,8 tonnes, un blindage de 80 mm frontal et 50 mm latéral. Il avait un canon de 20 mm et une mitrailleuse. Les deux chars VK 901 et VK 1601 avaient un nouveau type de suspension avec cinq grands galets de roulement sans rouleaux porteurs. Cette suspension conduisit à celle des Tiger et Panther.
De ces deux modèles naquit le Luchs, l’un trop lourd et l’autre trop léger. Le VK 1301 ressemblait beaucoup au VK 901. Conçu pour la reconnaissance, ce char devint le Panzerpähwagen II Luchs. Pesant 12 tonnes, avec un équipage de 4 hommes, il était équipé d’un Maybach III 66 P à six cylindres de 180 CV. Il avait une boîte de vitesse à six rapports lui permettant d’atteindre 61 km/h. La suspension était à barres de torsion et à galets, et le blindage variait entre 20 et 30 mm. Le châssis était de MAN, la caisse et la tourelle de Daimler-Benz. Les 100 premiers exemplaires eurent un canon de 20 et les 31 suivants un canon de 50 mm.
En 1941, le service de l’armement demanda un char de reconnaissance de combat ; ce fut le Leopard. Avec 80 mm de blindage, 60 sur les cotés, un canon de 50 mm, une mitrailleuse coaxiale, un équipage de 4 hommes et une vitesse de 60 km/h, ce char ne sera pas retenu. Mais ses tourelles servirent sur le blindé de reconnaissance Puma. À part quelques Panzer I et II, le Puma et le Leopard, il n’y eut plus de char léger allemand. En effet, la reconnaissance pouvait être faite par des automitrailleuses. Mais ces chars serviront jusqu’en 1945 comme tracteurs, châssis pour canon automoteur, véhicules d’instruction pour les pilotes ou ravitailleurs.
3. Les premiers chars de commandement
Bien avant la guerre, l’armée allemande avait exprimé le besoin d’un char de commandement. Il y eut d’abord des véhicules semi-chenillés avec six ou huit roues, mais rapidement on utilisa des Panzer III D de présérie. Tous ces véhicules étaient équipés de radios et d’antennes. Au début de la campagne de France, il y en avait 39. L’absence d’armement laissait beaucoup d’espace pour le personnel de commandement, mais limitait les possibilités d’emploi en service actif. Un autre modèle, le Pwb III était armé d’un 50 mm avec un équipage de 5 hommes. En 1941 il y en avait 331, mais plus que 273 en 1942.
Cependant, le premier char de commandement était un Panzer I Ausf. B, datant de 1939. Sa superstructure avait été modifiée et des plaques de blindage ajoutées. On construisit également 200 châssis de Panzer II B mais ils furent abandonnés car trop étroits. Il était occupé par 3 hommes, deux radios et une table de cartes. 96 exemplaires furent utilisés pour la première fois en Pologne mais, malgré le fait qu’ils fonctionnaient encore correctement en 1944, ils furent remplacés par des Panzer III et IV.
4. Les chars amphibies
En vue de l’opération Seelöwe (le débarquement en Grande-Bretagne), certains Panzer III ou IV furent rendus submersibles : les fentes furent étanchéifiées et ils étaient alimentés en oxygène par un Schnorkel . En plongée le moteur était refroidi à l’eau de mer, et les infiltrations étaient refoulées par une pompe d’épuisement. La profondeur maximale atteignable était de 15 mètres , avec une latence de sécurité de trois mètres. Ils étaient mis à l’eau par des bacs, et la direction était maintenue grâce à des ordres donnés par un navire. En outre, la navigation sous l’eau s’effectuait grâce à un compas gyroscopique, et l’équipage bénéficiait d’une sortie de secours. Mais l’opération fut annulée, ils servirent alors à traverser le Bourg.
III. Le reflux
Les chars allemands avaient déferlé sur tout le continent européen et en Afrique, mais une amère leçon les attendait dans les plaines russes. Les T-34, KV-1 et autres chars les surclassaient nettement. En effet, malgré une perte de 15 000 engins, l’armée rouge s’était relevée et contre-attaquait. Avant l’apparition de la seconde génération de blindés, les modèles désormais désuets devaient contenir le flot russe.
À partir de fin 1941, les Allemands se heurtèrent au très puissant T-34, très en avance pour son époque et de construction facile. De même en Afrique, les Américains engagèrent leurs nouveaux chars moyens, les M3 Grant et Lee puis le M4 Sherman, eux aussi supérieurs (la preuve en fut faite à El Alamein). Grâce à ces deux engins, les Américains disposèrent de chars armés d’un canon de 75, équivalent aux puissants canons allemands de l’époque, tirant un obus explosif brisant ou un projectile anti-personnel. Le Sherman subit de nombreuses améliorations, son armement fut amélioré (canon de 17 livres à grande vitesse initiale sur le Firefly ou canon de 76). Sans compter les chasseurs de chars américains et les IS russes, les chars les plus blindés de la guerre, que même les chars lourds allemands craignaient.
En raison de tout cela, les Allemands placèrent leurs blindés en position défensive. Le Panzer III fut vite démodé, car il ne pouvait recevoir au maximum qu’un 50 mm. La version M avait été simplifiée pour la production en masse et le modèle N, armé d’un 75, fut le dernier. La production cessa définitivement en août 1943. Il fut utilisé pour l’instruction des équipages de chasseurs de char, qui jouèrent un rôle important jusqu’à la fin de la guerre.
Le Panzer IV, plus grand, le remplaça comme char principal de bataille, et reçut le titre de « cheval de bataille des Panzerdivisionen ». Inférieur au T-34, il avait les qualités du Sherman, fiable et d’un entretien simple. Le type E fut le type principal de la production, avec un avant simplifié, un canon de 75 et un blindage amélioré. Le Panzer IV F2 reçut un nouveau canon, et était d’une « efficacité exceptionnelle » face aux blindés américains. Son canon était plus long avec frein de bouche, pouvant perforer 77 mm de blindage à 1 800 m avec six types de munitions. Il emportait en outre 87 obus et 2 250 cartouches pour deux MG 34. La rotation de la tourelle était électrique.
Au milieu 1943 apparut le modèle H, avec un canon long plus puissant (Il avait été allongé de 38 cm), un blindage frontal de 85 mm et des éléments de suspension simplifiés. De plus, du fait des charges creuses, une jupe de blindage en acier doux fut ajoutée à des rails sur la superstructure. Il y avait aussi un système contre les mines magnétiques.
IV. Une nouvelle race de Panzer
1. Le Tigre
a. Genèse
Le char Tigre était issu d’une série d’études commencées en 1937. Henschel se chargea des plans et de la construction d’un char de 30 à 33 tonnes, qui devait succéder au Panzer IV. Cet engin fut appelé DW I (Durchbrüchswagen). Mais après qu’un châssis comportant une suspension à galets imbriqués fut construit et que ses essais eussent commencé, son expérimentation fut suspendue pour porter l’effort sur un char de 65 tonnes, le VK 6501, développement du NbFz B de 1934. Le projet fut finalement annulé après les essais des deux prototypes, et la mise au point du DW I. En 1940 le projet fut amélioré et reçut la désignation DW II : il pesait 32,5 tonnes pour un équipage de 5 hommes., un canon de 75 court et deux MG 34. Les essais d’un nouveau châssis se déroulèrent jusqu’en 1941, au moment où Henschel reçut commande d’un nouveau projet de même classe. Ce nouveau projet reçut la désignation de mise au point VK 3001 et les concurrents d’Henschel durent soumettre leurs projets.
La version d’Henschel était une suite améliorée du DW 2, quatre prototypes très semblables furent construits. La superstructure était celle des anciens char lourds avec un canon de 75. La suspension comportait de chaque côté sept galets imbriqués et trois rouleaux porteurs. Mais l’apparition du T-34 en faisait un engin dépassé et la production fut arrêtée. Deux châssis furent convertis en canons automoteurs de 128 mm K 40.
b. Les prototypes
La version de Porsche, dépourvue de tourelle et aussi appelée Leopard, comportait des caractéristiques nouvelles, telles une transmission électrique et une suspension à barres de torsion longitudinales. Mais tous les projets furent vite périmés. Un autre projet de char de 36 tonnes, fut proposé par Hitler en personne : il devait être très lourd, avec un épais blindage, un canon puissant à grande vitesse initiale et aller à 40 km/h. Un prototype fut lancé en mars 1942 alors que l’expérimentation des VK 3001 et 3601 fut stoppée en mai 1941, pour laisser place à un char de 45 tonnes.
Ce projet, appelé VK 4501, devait être armé d’une version pour char du très puissant canon de 88 mm et être livré le 20 avril 1942, pour l’anniversaire du Führer. Henschel incorpora toutes les avancées réalisées dans les blindés précédents ; il y eut deux modèles : H1 et H2. Le H2 ne fut jamais construit et resta en l’état de maquette de bois. Porsche également se servit de ses acquis et les deux prototypes s’affrontèrent devant Hitler à Rastenburg. C’est le projet de Henschel qui fut retenu. Il sera renommé Panzerkampfwagen VI Tiger Ausf. E SdKfz 181. Le Tigre était l’engin le plus élaboré et le mieux construit de son époque.
c. La production
Le Tiger fut construit d’août 1942 à août 1944. 1 350 chars furent livré sur une commande de 1 376. La production maximale fut atteinte en avril 1944, avec un total de 104 Tiger. Mais le projet dépassa le poids, spécifié à 45 tonnes, de 11 tonnes. La caisse était divisée en quatre compartiments, les deux de têtes abritaient le pilote et le radio (qui servait aussi la mitrailleuse), au centre figurait le compartiment de combat, et le compartiment moteur à l’arrière. Le pilote était assis à gauche, il conduisait avec un volant qui agissait sur la direction à différentiel contrôlée par l’intermédiaire d’un système hydraulique. Les trappes de sortie de secours du pilote et de la radio étaient toutes deux pourvues d’épiscopes fixes, et les deux compartiments avant étaient séparés par la boîte de vitesse. Le radio/tireur avait une MG 34, la visée se faisait avec une lunette KZF.
Le compartiment de combat central était séparé des compartiments avant et arrière par une traverse cintrée et une cloison pleine, le plancher du compartiment de combat pivotait avec la tourelle. La caisse et la tourelle étaient assez simples, les côtés et l’arrière étaient faits d’une seule plaque de 82 mm d’épaisseur, courbée en fer à cheval. L’avant était assemblé par deux barres rectangulaires de 100 mm, de plus le toit de la tourelle faisait 26 cm d’épaisseur. La tourelle était équipée de trois générateurs de fumigènes NbK 39 de 90 mm. Le Tiger était le premier char de combat allemand dont les galets s’entre-couvraient avec une disposition de galets à triple recouvrement et imbrication, et dont les disques d’acier munis de bandages pleins en caoutchouc.
Deux types de chenilles étaient utilisés, l’une d’une largeur de 72,4 cm et l’autre de 52 cm. Le seul problème était que si la boue gelait dans les chenilles imbriquées, le char était paralysé. Mais dans les derniers modèles, des mesures limitaient le risque de gel. Le premier Tiger était équipé d’un Maybach V 12 de 21 litres de cylindrée, mais en 1943, un moteur plus puissant, le HL 230 P 45 de 24 litres, fut installé. Pour la guerre en Afrique, des filtres Feifel furent installés. De plus, le système de direction était perfectionné, du fait de la nature même de l’engin. Les premiers Tiger étaient très bien équipés pour le franchissement de gués jusqu’à 4 mètres de profondeur avec des Schnorkel, mais leur installation fut annulée par la suite du fait du coût très important et du besoin de simplifier la production. Une des innovations majeures était son mode de construction, privilégiant les plaques de blindage lourds, et une caisse entièrement faite de surfaces planes, le tout soudé. La superstructure frontale et arrière était d’un seul tenant.
d. Le canon
Le canon de 88, armement principal du Tigre, avait des caractéristiques semblables aux 88 AA Flak modèles 18 et 66. Une MG 34 coaxiale était aussi installée. Le canon avait une culasse semi-automatique, et des volants permettaient le déplacement de celui-ci. Il y eut plusieurs variantes du Tigre : une version de commandement, le PzBefWg Tiger Ausf. E SdKfz 267 et 268 (la seule différence tenait en l’équipement radio, plus fourni) et une version de remorquage, le Bergepanzer Tiger I Ausf. E (la transformation entraînait l’enlèvement de l’armement principal, et l’installation d’un treuil à l’arrière).
Fin 1942, le Tiger était le meilleur char du monde, avec son canon puissant et son blindage de 100 mm. Ce char de 56 tonnes était très cher et s’adaptait mal à la construction en série. Au début, il devait servir de canon lourd d’infanterie ou d’assaut. Ils devaient représenter le fer de lance de la Panzerdivision tandis que des Panzer IV devaient s’occuper des flancs. Les Tiger furent incorporés aux Panzerdivisionen, mais ils ne le furent finalement que dans les divisions SS, telles la 1ère Panzerdivision Leibstandarte SS « Adolf Hitler » ou la 2e SS « Das Reich » . Mais il n’y eut jamais assez de Tiger pour renverser le cours de la guerre.
Ainsi à Leningrad, le 23 septembre 1942, les Tiger durent avancer en file du fait des marais et leur emploi fut à tel pont limité en nombre, qu’ils étaient des cibles de choix pour les artilleurs soviétiques. Les Britanniques se heurtèrent à leur tour aux Tiger en Tunisie, en 1943. Avertis de l’imminence d’une attaque, ils ne tirèrent qu’à 450 mètres sur les deux engins, flanqués de 9 Panzer III et IV ; ils furent tous détruits par les canons de 6 livres.
e. Un autre Tiger
Le Tigre avait été conçu comme une puissante arme d’assaut, mais il devint vite, avec le retournement du conflit, une arme défensive de premier choix. En effet son volume, ses problèmes mécaniques et sa mobilité limitée l’empêchaient de participer à une guerre de mouvement. Mais ces conclusions étaient trop tardives pour influer les futurs blindés allemands. Le projet de Porsche avait déjà reçu l’appellation Leopard, il avait deux moteurs et une caisse semblable à celle du Panzer IV. En mai 1941, Porsche se vit attribuer le même contrat de mise au point pour le VK 4501, engin de la même classe que celui de Henschel.
Le moteur de ce véhicule était mixte, deux moteurs à explosion fournissaient l’énergie nécessaire à des moteurs électriques qui entraînaient les barbotins avant. Mais le projet de Henschel fut préféré à celui de Porsche, appelé Tiger (P). La seule partie du Tiger de Porsche qui fut retenue fut la tourelle. Mais 90 Tiger de Porsche furent commandés, en raison des retards et de l’insuccès du Tiger d’Henschel et surtout pour apaiser Porsche et Hitler. Mais l’OKW ne voulait pas du Tiger de Porsche, du fait de ses problèmes mécaniques. Il fut décidé de les convertir en Panzerjäger Ferdinand (plus tard renommés Elefant). Engagés pour la première fois à Koursk, ils ne changèrent pas le cours de la bataille.
2. Le Panther
a. Les leçons d’une victoire à la Pyrrhus
L’origine des Panther est à lier avec l’apparition sur le champ de bataille du T-34, qui faisait du jour au lendemain des matériels allemands des engins périmés. Ils ne soupçonnaient pas que les Soviétiques puissent atteindre ce niveau de maîtrise pour réaliser un modèle si avancé. Face à ce char, on tira les leçons du Panzer IV et on chercha à réaliser un char souple d’emploi, grand, fortement blindé, équipé d’un 88 et de la classe des 45 tonnes. Il en sortit le Tiger vu précédemment.
Il fallait en effet disposer d’un char présentant ces caractéristiques pour parer à toute évolution du T-34 (comme le T-34/85 ou les IS). Guderian, commandant du Panzergruppe II dans un secteur ou grouillaient les blindés soviétiques, proposait au Ministère des armements de désigner une commission pour rechercher une nouvelle sorte de char. Les trois caractéristiques du T-34 qui rendaient les chars allemands obsolètes étaient les suivantes : son blindage incliné qui faisait dévier les coups, ses larges galets de roulement qui lui conféraient une grande stabilité, et un canon en porte-à-faux, système rejeté par les Allemands. C’est le premier de ces points qui était révolutionnaire. Le ministère des armements signa un contrat avec MAN et Daimler Benz pour un char de 30 tonnes, le VK 3002 : il devait avoir un blindage frontal de 60 mm et latéral de 40 mm, un avant incliné et une vitesse de 55 km/h.
b. Les différents projets
La proposition de Daimler-Benz était une copie du blindé soviétique avec quelques améliorations, elle possédait donc une tourelle très en avant (le pilote était dedans) et un moteur diesel MB 507 transmettait la puissance aux barbotins arrières (comme sur le T-34), c’était un modèle très économique avec galets tout acier (pénurie de caoutchouc). Le moteur était compact et il permettait l’installation ultérieure d’un plus gros canon. Le modèle de MAN était plus allemand, avec une tourelle très en arrière et un 75, un V 12 Maybach HL 210 dont la puissance était transmise aux barbotins arrières (comme chez son homologue de Daimler-Benz). Finalement, Hitler choisit le premier et il en commanda 200.
c. Le « comité Panther »
Mais le comité Panther accepta la proposition de MAN en mai 1942, et reçut l’ordre de continuer ses travaux. La commande de Daimler-Benz fut ainsi secrètement annulée. En effet, le comité était pour les industriels allemands et avait une logique allemande, le projet Panther devint alors prioritaire. Le prototype arriva en septembre 1942 et fut testé à Nuremberg. Un autre prototype le fut testé à Kummersdorf et, du fait des défauts du Tiger, il devint « priorité n°1 absolue ». Il sortit des usines en novembre 1942, et devait respecter une cadence de 250 par mois. Fin 1942, voyant la défaite venir, la commande passa à 600 chars par mois. On mit à contribution tous les grands industriels, et de nombreux sous-traitants dans ce qui devait être le projet le plus concentré de la guerre. Il devint le Panzerkampfwagen V Panther Sondekampfzeug 171.
La production commença en 1943 à Hanovre, et la fabrication des avions et des sous-marins fut même ralentie. La production mensuelle requise ne fut cependant jamais atteinte, la moyenne tournant autour de 154. En 1944 elle atteignit 330 chars par mois. En février 1945, quand la production fut arrêtée, on avait produit 4814 Panther. Ils furent employés pour la première fois à Koursk, mais ils n’empêchèrent pas la défaite.
d. Caractéristiques
Le Panther avait la même disposition que les autres Panzer allemands : le pilote et la transmission à l’avant, la tourelle au centre et le moteur à l’arrière. Le pilote était à gauche et avait une fenêtre de conduite avec une vitre, que l’on refermait au moment du combat. Sur le dernier modèle G, un périscope remplaçait l’épiscope. Ainsi le modèle G est facilement reconnaissable du fait qu’il n’y a pas d’ouvertures. Sur les premiers Ausf. D, le radio/mitrailleur disposait d’une fente à travers laquelle il tirait. Entre pilote et radio se trouvait une boîte de vitesse, modifiée du fait de la puissance et de la taille du Panther.
Dans la tourelle le tireur était à gauche du canon, dont la mise à feu était électrique. La mitrailleuse coaxiale était activée par le pied. Le chef de char était à l’arrière gauche de la tourelle, position déterminée par la longueur de la culasse qui divisait celle-ci en deux. Il y avait un tourelleau à six fentes avec une circulaire pour MG 34, à but antiaérien. Le chargeur était à droite de la tourelle. Cette dernière était arrondie, et l’avant recouvert d’un masque incurvé. Le plancher tournait avec la tourelle, et la rotation était hydraulique. Les ouvertures étaient réduites au maximum, et il y avait une trappe pour l’évacuation des douilles, supprimée sur les modèles suivants. De même étaient supprimées des fentes pour le tir au pistolet.
Le moteur était un Maybach HL 230 P 30 V 12 de 23 litres qui fournissait 700 CV à 3000 tours/minute. Les premiers étaient équipés d’un HL 210, mais il changea en raison d’un blindage plus lourd (le poids passa à 43 tonnes). On entretenait le moteur par la vaste trappe de visite située dans la plage arrière, le reste étant occupé par des grilles de refroidissement et des ventilateurs. Des tuyaux situés sur l’arrière servaient à l’échappement, à côté de coffres de rangement. La caisse et les superstructures étaient d’un seul tenant, l’avant (80 mm) était incliné de 33°.
La suspension consistait en huit galets imbriqués de chaque coté, avec des bandages en caoutchouc ou en tout acier à suspension élastique comme sur le Tigre II. Les 1er, 3e et 5e étaient devant, la disposition n’était pas symétrique. Mais cette suspension qui donnait à l’engin une excellente assise était d’entretien difficile, comme le remplacement des galets. Le canon de 75 mis au point par Rheinmetal pouvait perforer 140 mm de blindage à 1 000 mètres, la tourelle était d’ailleurs étudiée en fonction de ce canon et non pas l’inverse. Le canon fut par la suite allongé.
e. La production
Les premiers Panther de MAN furent nommés Panther Ausf. A, la dénomination B fut réservée à une version avec une boîte de vitesse AK-7-200, mais elle ne fut jamais réalisée. Les 20 premiers furent une version de pré-série, avec 60 mm de blindage et un dôme de tourelleau. Mais en janvier 1943, des améliorations furent apportées au Panther : le blindage passa à 80 mm, la nouvelle boîte de vitesse le rendait plus maniable et le tourelleau fut légèrement déplacé. Le premier type fabriqué en série était le modèle D (il n’y eut pas de C), proposant quelques améliorations mécaniques.
Les caractéristiques du modèle D étaient les suivantes : un tourelleau en forme de dôme, une tape de mitrailleuse sur le glacis, des lance-fumigènes… Sur les modèles suivants, le lance-fumigène fut remplacé par un lance-bombe. Puis, les modèles D antérieurs adoptèrent une jupe blindée pour protéger le haut des chenilles des coups de lance-roquettes. Il y avait aussi une composition anti-magnétique pour empêcher le mines de se coller aux chars. Le Panther de série suivant fut appelé Ausf. A, erreur administrative , et arriva en 1943. Il comportait lui aussi quelques améliorations : tout d’abord un support-rotule pour la mitrailleuse de caisse, des jupes de série – comme un fini Zimmerit – et une lunette monoculaire pour le tireur. Plusieurs trappes furent aussi supprimées.
Le Panther A était le principal char que les Alliés durent affronter en Normandie. L’Ausf. G prit aussi part aux affrontements. Désormais le char se nommerait simplement Panther. Sur ce modèle, des différences permettaient de simplifier la fabrication : l’épaisseur des flancs passait de 40 à 50 mm, et l’incidence de 30 à 40°. La fente de vision du pilote était supprimée, mais son champ de vision élargi grâce à un périscope rotatif.
f. Les problèmes de l’Allemagne
La production du Tiger et du Panther étaient lancées, une nouvelle génération de chars était prévue pour 1943. Elle tenait compte de tous les renseignements fournis par les modèles existants. À ce stade les conditions étaient très difficiles en Allemagne, avec le rationnement et la standardisation de tous les éléments de consommation et de production. Les bombardiers alliés ne laissaient aucune pause aux Allemands, et le ravitaillement ne suivait plus toujours les différents fronts. Les Allemands essayaient dans la mesure du possible de retravailler les plans pour une interchangeabilité maximale de leurs pièces. De plus, il fallait un successeur au Tiger. On produisit aussi le Panther II, avec une caisse semblable mais des galets différents tout acier, comme le Tiger II.
g. Le Panther II
Le blindage du haut de la caisse atteindrait théoriquement 25 mm, et le support de mitrailleuse serait modifié pour recevoir une MG 42. Mais le plus grand changement devait être le nouveau dessin de la tourelle, la Panzerturm Schmal, bien plus petite afin de réduire le poids et faciliter la fabrication, ainsi qu’éliminer les pièges à éclats sous le masque et installer un canon plus gros. Il devait y avoir un télémètre stéréoscopique et un stabilisateur gyroscopique pour la lunette et le canon. De plus, à titre expérimental, on équipa un Panther d’un stabilisateur gyroscopique pris sur un char américain, cela se traduisit par une visibilité et une précision deux fois plus grandes. Une nécessité tactique imposait que le Panther soit converti en char de commandement et équipé des consoles nécessaires ainsi que d’une antenne supplémentaire. Il fallait que le poste radio à ondes ultra-courtes de commandement puisse être immédiatement branché sur n’importe quel engin, de sorte que les officiers puissent changer aisément de char.
La nouvelle tourelle fut mise au point par Daimler-Benz sous le contrôle du Dr. Wunderlich, assisté du colonel Henrici. Kniepkampf reçut la responsabilité des deux projets Tigre II et Panther II. La nouvelle tourelle était très réussie, elle avait la même circulaire mais nécessitait 30% de travail en moins et avait 30% de blindage supplémentaire, pour les mêmes limites de poids. En plus du canon L/70, elle pouvait recevoir la version allongée L/100. Elle pouvait aussi recevoir le même 88 que le Tiger II. On fabriqua un masque simple, mais le recul passa de 12 à 18 tonnes.
La tourelle fut prête pour le Panther II, mais ce char ne fut jamais construit. Il aurait sûrement été plus utile et plus puissant que le lourd Tiger II, une chance donc pour les Alliés. Les derniers Panther Ausf. G tout acier avaient un moteur amélioré, on proposa aussi d’augmenter son taux de compression et de lui incorporer des surcompresseurs. Mais ce moteur très en avance ne passa pas le cap de 1945 à cause de la fin du conflit. Ainsi les derniers Panther, très supérieurs à ceux de Koursk et qui, en grand nombre, auraient indéniablement retardé l’échéance, n’ont jamais vu le jour.
h. Conversions spéciales
Le Panther fut converti de différentes manières. Tout d’abord, comme nous l’avons déjà vu, afin de faire un char de commandement. Le Befehlspanzer fut construit pour les chefs d’unités, dérivés des Panther Ausf. A ou G, avec un équipement radio supplémentaire et des antennes. Un second poste fut installé sur la paroi intérieure droite, le chargeur servant d’opérateur. Il y eut deux modèles, différant par leurs radios. Le premier était équipé d’un FU 5 et d’un FU 8, le second d’un FU 5 et d’un FU 7. Le FU 5 était le poste de char allemand pour les communications à courte distance dans les régiments et bataillons, le FU 7 servait pour les communications avec les avions, et le FU 8 pour les réseaux au niveau des divisions.
Ensuite, le Beobachtungspanzer était un Ausf. D reconvertit en observatoire d’artillerie avec un faux canon en bois, une tourelle fixe, un poste de radio et une table de cartes. Il servait dans les régiments de canons automoteurs et avait pour seul armement une MG 34 à l’avant de la tourelle. Enfin, le Bergepanther SdKfz 179 était un véhicule de dépannage pour chars lourds (il fallait avant 3 Bergepanzer pour un Tiger). Ce char était un Ausf. D sans tourelle, avec une chèvre de levage et une MG 34 ou un canon de 20 mm.
i. La fin
Si la guerre s’était prolongée, le Panther II serait devenu l’ossature des Panzerdivisionen, avec les Tiger II et Jagdtiger. À partir de fin 1944, le Richtwert-Programm IV mettait fin à la production de blindés anciens au profit des engins de nouvelle génération. Les autres véhicules devinrent alors des tracteurs ou des automoteurs. La fin de la guerre marquait celle des Panther. Quelques-uns servirent dans l’armée française, d’autres furent répartis entre les Alliés. Le Britanniques en construisirent avec du matériel récupéré pour le comparer avec leurs chars Black Prince ou Centurion. Le Panther servit dans les Ardennes, certains déguisés en M 10 pour tromper les troupes américaines, mais sans réel résultat. Le Japon en commanda un en vue de fabriquer leurs propres versions. Cette transaction datant de novembre 1944 n’aboutit à rien, et les chars ne furent jamais livrés.
3. Le roi des Panzers
Le premier Tigre avait été conçu avant l’affrontement avec le T-34, il manquait donc des qualités des Panther. Fin 1942, le Waffenamt demanda une version modifiée avec des plaques latérales inclinées, comme sur les Panther. De plus, du fait de ses problèmes mécaniques, il lui fallait un remplaçant. Porsche fournit deux prototypes avec la tourelle soit à l’avant, soit à l’arrière. Ce furent les types 180 et 181. Ils étaient équipés d’un très long canon, comme sur l’Elefant. Les propositions de Porsche concernant une propulsion mixte furent une fois de plus rejetées. De plus la pénurie de cuivre interdisait la transmission électrique.
Henschel proposa un projet de moteur conventionnel comme sur le Tiger, il fut mis en fabrication avec une priorité haute et finalement livré en retard, après qu’il fut décidé que le plus grand nombre de pièces possible devaient être standardisées. Le nouveau char, le Tiger Ausf. B, fut prêt en novembre 1943 et les modèles de série apparurent en février 1944. Les 50 premiers exemplaires furent équipés d’une tourelle Porsche, en excédent après l’annulation du type 180. Henschel fut le seul fabriquant de ce char, dont la production du Tiger I cessa en septembre 1944.
On fixa un taux de production de 145 chars par mois, mais les bombardements et la pénurie de matériaux fit que le meilleur rendement était de 84 en août 1944, puis 25 en mars 1945. Au final, il y eut 484 exemplaires. Ce char avait plusieurs noms, Tiger Ausf. B, Tiger II, Königstiger (bien que ce nom ne lui fut donné qu’après la guerre). Engagés en juin 1944, le premier fut détruit en août. Ce char ressemblait beaucoup au Panther II : il en avait les mêmes tourelleaux, moteurs, galets…
Le Tiger II avait un blindage de 150 mm, un petit masque, et une tourelle à parois très inclinées. Il était équipé d’un 88, et possédait les mêmes caractéristiques que les autres chars allemands pour la disposition intérieure ; de plus la tourelle était circulaire, avec un diamètre de 1,85 mètre pour permettre le chargement des gros obus de 88 mm (au nombre de 22). La rotation de la tourelle se faisait comme sur les Panther et Tiger. La suspension était à barres de torsion comme sur le Tiger aussi, mais les galets se recouvraient, afin de simplifier l’entretien. Le problème du gel était ainsi aussi évité. Des galets élastiques à bandage d’acier furent montés. Il y avait une version de commandement, le Befehlpanzer Tiger B.
V. LES CHARS SUPER LOURDS
L’obsession de la taille atteignit son paroxysme avec des chars super lourds. L’Allemagne s’intéressa pour la première fois aux chars lourds fin 1941, quand Ferdinand Porsche dessina un projet nommé Maus (« Souris », en allemand). Pour Hitler, le projet dédommagerait Porsche de ses échecs passés. En réalité, il était enthousiaste.
1. Un rêve de concepteur de char
Le Maus était un rêve d’inventeur de char. Ce projet montre la divergence d’idée entre militaires et ingénieurs. L’engin pesait 182 tonnes, 9 mètres de long pour un moteur Daimler de 12 000 CV. Il avait une transmission électrique, et sa disposition intérieure était proche de celle de l’Elefant. Son blindage était fait d’une seule plaque recourbée de 93 mm, et la plaque arrière de tourelle était légèrement inclinée. Il pouvait aller à 20 km/h et avait 48 galets partiellement imbriqués ; la hauteur des chenilles était modeste pour ce super char. Celui-ci était à l’épreuve des gaz, et pouvait franchir des gués profonds jusqu’à 9 mètres, au moyen d’un Schnorkel (peu de ponts supportaient son poids). La tourelle pesait 50 tonnes, il était armé d’un 128 mm et d’un canon de 75 coaxial. Les tourelles arrivèrent très tard, au milieu 1944. On fit donc des essais avec de fausses tourelles de même poids.
Initialement, le projet devait être appelé Mammut. Le premier prototype fut achevé en novembre 1943 avec une fausse tourelle. Les essais eurent lieu au cours de l’hiver, et six exemplaires furent commandés. En avril 1944, Hitler donna l’ordre d’abandonner le projet au profit des chars de seconde génération. Quand les Russes atteignirent Meppen, les prototypes furent détruits, et on n’en retrouva que quelques pièces détachées.
2. Les autres projets
Porsche et Krupp cherchèrent des chars de 110 à 170 tonnes. Une version, le Bär (« Ours » en allemand), était un mortier de 305 mm à chargement par la culasse. Le plus gros projet concernait un char de 1 500 tonnes avec un canon de 800 mm et deux canons de 150 mm dans des tourelles auxiliaires. Il avait un blindage frontal de 250 mm, et était propulsé par 4 moteurs de sous-marin ! Le E-100 était le rival du Maus, ils utilisaient tous deux des pièces standardisées. Mais seul le E-100 fut réellement commencé.
De plus, l’Heereswaffenamt commanda une version plus lourde que le Tiger II,le Löwe (« Lion »). Finalement, c’est le E-100 qui sera retenu. C’était un char de 140 tonnes, très semblable au Maus à l’intérieur, avec un canon de 150 mm et un moteur Maybach HL 234 pour les modèles de série. Les galets, les barbotins et les poulies de tension étaient les mêmes que sur le Tiger II, avec de nombreuses protections supplémentaires.
Après que Hitler ordonna d’arrêter les travaux concernant le E-100, la construction du prototype avança lentement. Les pièces subirent des retards en raison de la situation confuse de l’Allemagne. À la fin de la guerre, seules la caisse nue et la suspension étaient construites. Récupéré par les Britanniques, le projet mourut. C’était la fin des chars super lourds.
CONCLUSION
Pendant l’entre-deux-guerres, l’Allemagne devint une puissance que rien ne semblait pouvoir arrêter, mais ce mythe est faux. Les premiers Panzer étaient nettement surclassés par les chars alliés, notamment par le T-34 soviétique ou le B1 bis français. Il fallait tirer des leçons de la défaite et de la victoire. Bientôt sortirent des « vrais chars de combat », tels les Panzer III et IV. La course au calibre et au blindage ne s’arrêta pas, et de nouveaux chars lourds firent leur apparition, jusqu’à donner les projets de chars super lourds. Tout comme l’Allemagne nazie, le développement des engins blindés était arrivé à son terme.
Auteur : Guillaume Sevin