Dès le début de la Seconde Guerre mondiale, Adolf Hitler et Hermann Göring avaient envisagé de déposséder les vaincus de leurs œuvres d’art. Dans ce sens, le théoricien Alfred Rosenberg mit au point l’organisation des opérations. La spoliation d’œuvres d’art a ainsi débuté en Allemagne dès 1933 avec la confiscation des collections privées des Juifs. Elle s’est ensuite étendue dans toute l’Europe au fur et à mesure de l’avance de l’armée du Troisième Reich.

 

Un projet personnel d’Hitler

Bien avant le début de la guerre, Adolf Hitler avait déjà en tête de déposséder les Juifs de tous leurs biens, y compris leurs collections d’œuvres d’art. Éprouvant un ressentiment à l’encontre de Viennes pour avoir été recalé deux fois à l’entrée aux Beaux-arts, le Führer avait projeté de construire un gigantesque musée dédié à l’art véritable à Linz, capitale désignée de son empire. Ce choix n’est pas anodin : c’est dans cette ville du nord de l’Autriche qu’Hitler a passé son adolescence.

Pour justifier ce pillage organisé, les nazis évoquent le Kunstschutz, un principe selon lequel le patrimoine artistique doit être préservé en temps de guerre. Or, le pillage des Juifs a commencé dès 1933 afin d’approvisionner le Führer Museum et la collection personnelle d’Hermann Göring.

 

Un pillage généralisé

De 1933 à la fin de la guerre, les nazis procédèrent méthodiquement au pillage des collections privées et publiques. Si la Sonderauftrag Linz était chargée de réunir les œuvres de la future collection du musée d’Hitler, l’Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg (ERR) travaillait pour le compte de Göring. De petites équipes installées en France, aux Pays-Bas et en Belgique pour leur part vidaient systématiquement les maisons et appartements des Juifs de leurs contenus.

Rien qu’à Paris, près de 38 000 appartements de Juifs ont été pillés. Entre 1940 et 1945, les historiens estiment à près de 100 000 le nombre d’œuvres d’art volées aux Juifs sur le territoire français. Les œuvres qualifiées d’arts véritables étaient alors confisquées pour concrétiser le projet d’Hitler ou la collection privée de son second, tandis que celles étiquetées en tant qu’art dégénéré étaient brûlées.

Les pièces saisies par la Sonderauftrag Linz étaient ensuite transférées par train en Allemagne et en Autriche, tandis que celles de l’ERR étaient rassemblées au musée du Jeu de Paume avant de rejoindre la résidence secondaire de Göring à Carinhall. Les historiens estiment que près de 400 000 œuvres d’art avaient été volées par les nazis au cours de la Seconde Guerre mondiale.

 

Des missions de sauvetage

Face à cette spoliation généralisée des œuvres d’art par les nazis, la résistance projeta dès 1937 de mettre en lieu sûr les collections des musées publiques. Ainsi, Jacques Jaujard, directeur des Musées nationaux et de l’École du Louvre en 1940, organisa avec les conservateurs André Chamson, Germain Bazin et René Huyghe l’envoi en province de près de 4 000 pièces de la collection du Musée du Louvre.

Les œuvres étaient ensuite conservées dans divers endroits, dont le château de Saint-Blancard, dans le Gers, et le château de Sourches, dans le département de la Sarthe. L’expérience de Jaujard lors de l’évacuation du musée du Prado au cours de la guerre civile espagnole a constitué un atout dans la réussite de la mission. De son côté, Rose Valland, attachée de conservation au musée du Jeu de Paume, informa régulièrement Jaujard des déplacements des officiels de l’ERR et des œuvres d’art qui y transitaient.

Il est par ailleurs désormais possible de retrouver les moments clés qu’à vécu le Musée du Louvre pendant la seconde guerre mondiale à travers des visites guidées du musée.

 

La restitution des œuvres d’art pillées après la Guerre

Pendant la guerre, les Monuments Men, membres de la Monuments, Fine Arts and Archives Programs, sont allés sur le terrain pour expertiser et répertorier les œuvres d’art retrouvées un peu partout en Europe. Après la capitulation de l’Allemagne nazie, la Commission de récupération artistique fut créée en France tandis que l’armée américaine créa l’Art Looting Investigation Unit (ALIU).

Grâce au travail effectué par Rose Valland pendant la guerre, de nombreuses œuvres furent retrouvées dans des mines de sel situées près de Salzbourg. Au total, plus de 60 000 œuvres ont été rendues à la France. Environ 45 000 ont été remises à leurs propriétaires ou à leurs ayants droit et 13 000, dont les propriétaires ne se sont pas manifestés, ont été vendues aux enchères à l’initiative du Service des domaines.

Et aujourd’hui, plus de 2 000 pièces de grande valeur non réclamées par leur propriétaire sont conservées dans divers musées publics français sous le sigle MNR pour Musées Nationaux Récupération. Juridiquement, l’État en a la garde temporaire en attendant leur réclamation.

 

Pour aller plus loin :

Le documentaire d’Arte « Spoliation Nazie – Trois chefs d’œuvre miraculés » à consulter sur le site Arte TV https://www.arte.tv/fr/videos/076829-000-A/spoliation-nazie/