Koga, Mineichi (1885-1944)

Né le 25 septembre 1885, Koga suit, de manière générale, le même parcours que les grands leaders de la Marine japonaise du XXe siècle. Sorti 34ème de l’Académie navale et 15e du Collège naval, il effectue différents stages à bord de contre-torpilleurs, destroyers et croiseurs : Matsushima (1906-1907), Katori (1907), Otowa (1907-1908), Suma (1908-1909). En 1909, il suit des cours à l’école d’artillerie, puis se lance dans l’arme de la torpille.

Il ne participe pas à la Première Guerre Mondiale, mais sa carrière poursuit sa trajectoire ascensionnelle. Effectuant des stages à l’École navale, il devient commandant de division le 20 décembre 1912, sur le Kashima. De 1920 à 1922, il séjourne en France. Après avoir été instructeur au Collège naval, il est nommé attaché naval de l’ambassade japonaise à Paris en 1926. En 1927, il participe à la conférence sur le désarmement naval de Genève. De retour au pays l’année suivante, le 01 décembre 1931, la Marine lui confie le commandement du cuirassé Ise. Le 15 novembre 1932, il prend la tête du Troisième bureau de l’état-major naval, puis, en 1933, du Second bureau, ce qui lui permet de jouer un rôle non négligeable dans le réarmement naval du Japon dans les années 30.

Mineichi Koga

Mineichi Koga

Contre-amiral le 01 décembre 1932, il est promu vice-amiral exactement quatre ans plus tard et devient commandant en chef de l’escadre de formation. Le 01 décembre 1937, il devient vice-chef de l’état-major naval.

Le 21 octobre 1939, alors que la Pologne cesse d’exister, Koga est élevé au grade de commandant de la 2e Flotte. Le 01 septembre 1941, il prend le commandement de la Flotte du théâtre d’opérations chinois. Il sera fait amiral le 01 mai 1942, quoique sa participation à la « campagne de libération de la Grande Asie » n’ait guère été notable. Le 10 novembre, il devient préfet maritime de Yokosuka, ce qui lui donne l’occasion de superviser la reconstitution de l’aéronavale japonaise, décimée à Midway et à Guadalcanal. Toutefois, un événement imprévu – ou presque – va permettre à cette carrière brillante et sans faille de connaître un tournant.

L’amiral Yamamoto ayant succombé à l’interception de son avion de transport par des chasseurs P-38 Lightning américains le 18 avril 1943, il lui faut un successeur. Tojo et le Ministère de la Marine tombent d’accord pour nommer Koga à la tête de la Flotte combinée. Même si beaucoup jugent, sur le moment, que Koga n’a ni le charisme, ni la compétence de son prédécesseur, le choix s’avère judicieux. Ainsi l’a décrit un historien français, spécialiste des questions navales en général et de la Guerre du Pacifique en particulier : « C’était un homme à la haute stature et au visage buriné, dont le type asiatique était à peine marqué par le pli léger des paupières. Pétri des traditions de l’ancienne marine, il possédait le même esprit offensif que son prédécesseur. Il avait une vue très claire de la situation générale et était un des seuls grands chefs japonais à en mesurer la gravité. » (Albert Vuillez : Tonnerre sur le Pacifique, Livre de Poche, 1973, p. 340)

En cette année 1943, Koga doit affronter une situation périlleuse. La Marine impériale ne manque ni de bâtiments, ni d’avions, ni même d’équipages qualifiés, mais de pilotes. Or la première année de guerre dans le Pacifique a démontré que la victoire appartenait à la nation qui possédait une aéronavale conséquente. Conscient des faiblesses de la Flotte combinée, Koga refuse de l’engager de nouveau contre les Américains. Il estime qu’il lui faudra attendre quelques mois avant d’avoir reconstituer son aviation embarquée. Koga, pas très optimiste, pense néanmoins avoir le temps pour la formation des nouveaux pilotes. L’US Pacific Fleet a en effet subi de lourdes pertes depuis Pearl Harbor. Il est douteux que cette dernière puisse le prendre de vitesse. Ce en quoi l’amiral japonais fait une grave erreur, par sous-estimation du potentiel industriel américain. Il le constatera avec douleur – et particulièrement son successeur, l’amiral Toyoda – en 1944.

Koga entreprend une véritable réorganisation de la Flotte combinée. Tenant compte des batailles navales passées, il affecte ses meilleurs cuirassés (les géants IJN Yamato et IJN Musashi, ainsi que les IJN Kongo, IJN Haruna et IJN Nagato) à la protection des porte-avions, définitivement classé comme première arme défensive-offensive de la Flotte. Cette Flotte sera divisée en deux puissantes escadres : la première (trois divisions de porte-avions), dite « 1ère Flotte mobile » dirigée par Jisaburo Ozawa, la seconde (cinq cuirassés et dix croiseurs lourds) commandée par Takeo Kurita.

Autre décision, liée à la nouvelle stratégie défensive du périmètre japonais de la Grande Asie (ligne de défense passant par les Mariannes, Truk et Biak, au nord de la Nouvelle Guinée), la répartition sur ce secteur des 1.500 avions de la 1ère Flotte aérienne dirigée par le vice-amiral Kakuta. Koga a clairement fait son choix : il n’est plus question de lancer d’offensive. Il s’agira désormais de repousser les Américains, à n’importe quel prix.

Ces nouvelles orientations stratégiques déplaisent en haut lieu. Il faut toute la réputation et la fermeté de Koga pour imposer ses conceptions à des militaires encore persuadés que l’armée japonaise se trouve en mesure de gagner la guerre. D’autant que la mise au repos de la Flotte combinée permet aux Américains de progresser vers Rabaul et de s’emparer des îles Gilbert. Début 1944, les Américains prennent d’assaut les îles Marshall. Koga renonce à y envoyer ses navires pour tenter d’enrayer une situation sans issue. Il découvre l’ampleur de la puissance américaine : la Task Force du contre-amiral Mitscher engage à elle seule six porte-avions lourds et six porte-avions légers, aidés de nombreux navires de surface dont deux cuirassés.

La base navale de Truk est soumise à des raids dévastateurs. Koga a cependant réussi à sauver ses meilleures unités, même si 200.000 tonnes de navires sont détruites, ainsi que 275 appareils japonais, sans parler du port lui-même, rendu inutilisable. Une nouvelle saignée qui compromet quelque peu le redressement naval nippon que mène Koga depuis des mois. Ce dernier a basé ses unités au Japon et aux îles Palaos, puis aux Philippines et dans la mer des Célèbes. Les Américains l’ont pris de vitesse, et il n’ignore nullement que la Flotte combinée n’est pas prête à entrer en action.

Alors que ses forces rejoignent la mer des Philippines, Koga compte les rejoindre pour établir son quartier général à Manille. Dans la nuit du 31 mars au 01 avril 1944, son hydravion, parti de Palau, disparaît en mer, pour cause d’orage tropical. Le 04 avril, Toyoda le remplace à la tête de la Flotte. La nomination de ce dernier sera rendue publique le 03 mai. Deux jours plus tard, soit près d’un mois après ces événements, le décès de Koga est annoncé au peuple nippon. Le communiqué, qui admet la version de l’accident d’hydravion, précise : « L’amiral Koga a été nommé grand amiral à titre posthume et a reçu la médaille d’or » (nota : Yamamoto avait reçu, pour sa part et toujours à titre posthume, la grande médaille d’or).

Il semble qu’en réalité Koga ne soit pas mort de la même manière. Si l’on en croit un officier d’état-major de la XXXVe armée japonaise, le capitaine Bumpei Kimura, Koga et ses adjoints auraient réussi à fuir leur hydravion et auraient été recueillis par des pêcheurs de l’île philippine de Cebu, où grouillent les partisans, lesquels auraient réussi à mettre la main sur les rescapés nippons. Un détachement japonais dirigé par le lieutenant-colonel Nishimura serait parvenu, après plus de deux mois de recherche et de traque, à libérer Koga. Nishimura devait éviter que ce dernier soit évacué par un sous-marin américain. Mais l’amiral japonais était désormais mort et enterré pour le monde entier. Nishimura lui aurais alors remis un pistolet chargé, permettant au successeur de Yamamoto de mettre fin à ses jours dans la jungle philippine, à l’abri des regards… Le détachement nippon étant pour sa part muté sur le front de Leyte pour éviter quelques indiscrétions.

Compte tenu du certain mystère entretenu par le gouvernement impérial autour des circonstances du décès de l’amiral Koga, l’on est en droit de supposer – avec les réserves d’usage – que cette édifiante histoire correspond à la réalité. Koga méritait sans doute une fin autrement plus digne. Quoiqu’il en soit, il n’aura pas l’occasion d’assister à la destruction de la Flotte qu’il s’était acharné à reconstituer. À dire vrai, ses efforts n’auraient pu permettre au Japon d’inverser la tendance et de reprendre l’initiative dans le Pacifique. La machine de guerre américaine était lancée à plein régime contre Tokyo et Berlin. Koga, comme Yamamoto, n’aurait pu que retarder l’inévitable.

 

Source : http://www.1939-45.org/