Afrique du Nord

Date : 8 novembre 1942.

 

« Okay, okay, come on bye bye ». Voilà comment les Marocains ont vécu le débarquement des GI’s, au Maroc, en 1942.

La volonté d’Hitler de dominer l’Europe dans les péripéties de la Seconde Guerre mondiale a poussé les puissances Alliées – Angleterre, France, Maroc, URSS, États-Unis…, pour venir à bout des armées hitlériennes, à ouvrir plusieurs fronts.

Celui de l’Afrique du Nord marqua le début de la défaite des armées allemandes.

 

Carte du débarquement allié

Carte du débarquement allié – Par Lahlou Outtassi – Haj Abdelmalek

Opération Torch

Le 8 novembre 1942, les forces américaines débarquaient à Casablanca, Safi, Fédala et Mehdia; le même jour, des troupes anglo-américaines débarquaient à Oran et Alger. C’était l’ « Opération Torch » – nom de code – ou la « Guerre des Trois Jours ».

Ce débarquement, suivi, 67 jours après, par la Conférence d’Anfa, allait écourter la Seconde Guerre mondiale et changer la face du monde. Le plan d’invasion de l’Europe hitlérienne qui fut élaboré à la conférence susnommée contribua à retourner la situation en faveur des Alliés, notamment en ralliant le Maroc à leur cause, jusqu’alors favorable aux Forces de l’Axe . Ces événements furent une étape importante dans la marche vers l’indépendance du Maroc.

Malgré le risque important que couraient les Alliés à voir leur plan d’attaque dévoilé, les Casablancais purent observer, une semaine durant et peu de temps avant le débarquement, inscrit sur les murs de leur ville à la peinture, la date du 8 novembre 1942. Un signe avant-coureur. Le débarquement américain à Casablanca. Des tracts lâchés par des avions américains au moment dudit débarquement rassurèrent la population que les Américains venaient en libérateurs et non en conquérants.

Mais le général Noguès, Résident Général de France, fidèle au Maréchal Pétain, décida de résister aux forces américaines, malgré la position favorable à ces derniers de S.M. Mohammed V qui avait refusé de se replier sur Fès, comme le lui avait demandé le général.

Après l’entrée en guerre des États-Unis, les Alliées n’avaient pas encore déterminé l’endroit où ils ouvriraient un front contre l’Allemagne. Ce n’est que le 24 juillet 1942 que le sort de la Deuxième Guerre mondiale allait se jouer. L’État-major combiné anglo-américain, comprit l’intérêt politique et stratégique de mettre sur pied une opération de débarquement de leurs forces, simultanément au Maroc et en Algérie, pour y établir une base à partir de laquelle serait lancée la grande attaque contre Hitler, en Europe. Plusieurs officiers allemands étaient convaincus de l’importance stratégique de la Méditerranée, et du Maroc en particulier. Ils essayèrent de persuader Hitler de s’emparer de Gibraltar, verrouiller l’entrée de la Méditerranée, franchir le Détroit et débarquer au Maroc, à 15 km de là, visible par temps clair. Mais Hitler donnait la priorité à l’attaque contre la Russie. Sa Majesté Mohammed V avait compris, dès octobre 1940, que « Qui perdrait la Méditerranée, perdrait la guerre ».

Témoignage de Francis :
J’étais gamin ce 8 novembre 42, né en mai 39, mon père me tenait dans ses bras et par la fenêtre de la salle de bain je voyais des boules rouges que je voulais aller chercher dans le jardin (je sus ensuite que c’était des balles traçantes). Un éclat d’obus arracha une partie de pilier et plus loin un énorme obus fut retrouvé devant la maison des Carlier (je me souviens encore de ce nom). Ensuite les américains installèrent leur camps à proximité de notre maison qui était au 421 Bld Foch à l’angle de la rue Barra. Il y avait un énorme terrain vague et un camp fut installé. les américains venaient à la maison avec d’énormes boites de lait en poudre (qui n’existait pas à Casa) des bonbons acidulés de toutes les couleurs (j’ai encore le souvenir de leurs goût , j’avais 4 ans et mes premiers chewing-gum). Ils venaient avec un command car qui laissait de profondes ornières, je jouais aux billes dans ces marques. Ils avaient aussi ces fameuses allumettes à bout rouge et bleu qui s’allumaient dès qu’on les frottait n’importe où (comme dans les westerns) Mon père, instituteur, était estomaqué de leur jeunesse et surtout du fait qu’ils ne connaissaient pas Jack London, Curwood, Marc Twain. Ils sont restés quelques années et on voyait des nouvelles têtes, ils devaient essayer de trouver une chaleur familiale et ils apportait des monceaux de victuailles, à Casa, coupé de la métropole, il n’ y avait que des produits locaux, mais rien d’importé, on frère qui allait allait au lycée Lyautey avait des pneus de vélo en rondelles de chambre à air que traversait un fil de fer ! J’ai appris beaucoup plus tard quels avaient été les enjeux des rencontres d’Anfa.

Ruée sur le Maghreb

Les convois d’attaque destinés aux secteurs de Safi, Fédala et Mehdia partirent de Norfolk. Les forces de couvertures appareillèrent de Casco Bay. Ils rejoignirent cinq porte-avions partis des Bermudes, pour former la plus fantastique force navale jamais lancée dans les océans. Une armada de102 bâtiments d’une longueur linéaire de 50 km sur 40 de large pour franchir plus de 8 000 km sur un océan infesté de sous-marins allemands, les fameux U-Boote.

Pour feinter ces derniers, le parcours emprunté avait fait croire que le convoi se dirigeait vers Dakar. Le cap allait être remis sur le Maroc par la suite.
Lorsque les contre-ordres parvinrent aux sous-marins de l’Axe, il était déjà trop tard. Les GI’s prenaient pied sur le littoral marocain. Ils n’y trouvèrent pas d’Allemands, mais une armée locale résolue à défendre l’empire français contre toute agression.

Le général Béthouart, commandant de la Division de Casablanca, avait accepté de faciliter l’Opération Torch. En raison du mystère qui avait entouré ladite opération, il ne serait informé du lieu, du jour et de l’heure que la veille, ce qui ne manqua pas d’être la cause de l’échec du putsch militaire qu’il avait fomenté. L’intervention rapide du général Patton, dès le débarquement, le sauva ainsi que ses compagnons du peloton d’exécution. Les forces américaines, 9 000 hommes et 65 chars, débarquèrent à Mehdia pour s’emparer de la base aérienne du Port Lyautey (Kénitra). Afin d’occuper Casablanca par le nord et par le sud, ils débarquèrent 19 000 hommes et 65 chars à Fédala et 6 500 hommes et 108 chars à Safi. 172 avions embarqués sur les porte-avions de l’escadre fournissaient l’appui aérien. Si à Mehdia, Fedala et Safi, les opérations furent relativement faciles, en revanche, à Casablanca, une grande bataille, surtout navale, fit rage durant trois jours. Ce n’est que lorsque le port ne fut plus que ruines, incendie et cimetière d’épaves, regorgeant de tués et de blessés qu’on retiraient heure après heure, que le général Noguès et l’amiral Michelier firent arrêter les combats, juste à temps pour éviter le bombardement de Casablanca.

Effectivement, devant le refus de Noguès et de Michelier de se rendre, le général Patton, encercla la ville et décida d’en finir. Attaquer Casablanca le lendemain à 7 h 30 du matin. Bien qu’il répugnât à réduire en cendres Dar El Beida, il ordonna un bombardement naval et aérien. À minuit, ses plans étaient établis et ses hommes étaient disposés en ordre de bataille. À 4 h 30 du matin, son officier de renseignements lui rapporta que l’armée locale se préparait à se rendre.

Capitulation

Le général Patton refusa d’annuler l’attaque de Casablanca avant que la capitulation ne soit effective. Le général Noguès et l’amiral Michelier ordonnèrent donc à leurs troupes de cesser le feu immédiatement. La garnison de Casablanca rendit les armes et accepta de cantonner ses troupes dans leurs casernes. Seul le Jean Bart, puissant cuirassé de 35 000 tonnes, en voulait encore aux Américains. Il continua à lâcher ses bordées de 380 mm, répétées toutes les demi-heures, ce qui avait fait dire au contre-amiral Mac Whorter : « Faites-moi taire ce monstre ». Les aviateurs américains le rendirent effectivement muet.

La fin des hostilités fut saluée par des manifestations de joie des Casablancais. Les Américains ne furent des ennemis que pendant trois jours. Le général Patton avait son quartier général aux Roches Noires, qu’il déplaça ensuite dans les locaux de la Shell, et ses appartements à l’hôtel Majestic. Des campements avaient été installés, par l’armée, dans plusieurs endroits de la ville, et notamment, à l’emplacement actuel de la Fontaine lumineuse. Des maisons en préfabriqué pour abriter les bureaux, et les logements des officiers supérieurs furent installés à Ouled Haddou, actuelle California de Casablanca, en raison de son climat qui avait été comparé à celui de la Californie.

L’architecte de l’Opération Torch, Robert Murphy, aura été le seul civil de toute l’histoire américaine, à servir dans l’État-major d’un chef de guerre, sur le théâtre des opérations, avec accès à toutes les informations militaires. Il fut mêlé aux généraux Marshall, Eisenhower, Patton, Mac Arthur, Clark et Bradley.

tract opération torch

Tract de l’opération Torch – Crédits JEP

Le Général De Gaulle, qui ne devait en aucun cas, être mis au courant du débarquement du 8 novembre, comprit que le prénom de Robert, contenu dans le fameux message de la BBC, répété un nombre incalculable de fois depuis le 2 du même mois, était celui de Murphy. Le speaker de la BBC, répétait : « Allô Robert Franklin arrive ».

Robert Murphy était présent à la Conférence d’Anfa et au dîner offert par le Président Roosevelt en l’honneur de feu S.M. Mohammed V. Il était également présent lors de l’entretien que le Président eut avec le Roi, en présence de Son altesse Royale le Prince Moulay Hassan, actuel Roi du Maroc, et le Premier Ministre britannique Churchill.

Source : Maroc Hebdo International

 

Photographies réalisées à l’occasion du bombardement

Documents d’archive :
Rapport poste à la police du port de Casablanca en date du 15 novembre
Ordre de cesser le feu

Un grand merci à Roger B. pour le partage des documents et photos