Aux Pays-Bas, une initiative de grande ampleur suscite à la fois intérêt et controverse. Depuis le 1er janvier 2025, les Archives nationales ont rendu public un fichier historique recensant 425 000 Néerlandais soupçonnés d’avoir collaboré avec les nazis durant la Seconde Guerre mondiale. Une démarche qui relance les débats sur la mémoire, la justice et la vie privée.
Un accès élargi à une mémoire longtemps verrouillée
Pendant des décennies, les dossiers de la CABR (Archives centrales de l’Administration spéciale de la justice) étaient accessibles uniquement à des chercheurs ou aux proches des personnes concernées. Ce changement, rendu possible par l’expiration des lois de confidentialité, marque une avancée pour la préservation de l’histoire. Les citoyens peuvent désormais consulter librement le fichier pour vérifier si des membres de leur famille ont collaboré.
Les archives contiennent des informations de base telles que les noms, dates et lieux de naissance. Cependant, pour connaître les détails des accusations ou jugements, une consultation sur place, à La Haye, reste nécessaire. Depuis l’ouverture de ces données, les demandes de rendez-vous se multiplient, témoignant d’un vif intérêt pour cet épisode de l’histoire nationale.
Des erreurs qui ravivent les blessures
L’initiative n’a pas été sans accrocs. Peu après la publication, des erreurs dans la base ont été mises au jour, notamment la présence de noms de victimes de l’Holocauste injustement inscrits sur la liste. L’historienne Karin van Coeverden a ainsi découvert les noms de membres de sa famille, déportés et assassinés, dans ce fichier de collaborateurs présumés. Une erreur que les autorités ont reconnue, retirant en urgence plus de 25 000 noms.
Ces anomalies soulignent les limites des documents historiques et alimentent une controverse déjà vive. Comme le précise le site des Archives nationales, certains noms figurent dans le fichier en raison de simples auditions ou erreurs administratives.
Un débat national sur la mémoire et la vie privée
La publication de ces données a provoqué des débats intenses aux Pays-Bas. D’un côté, des historiens saluent une avancée majeure pour la recherche et la mémoire. « Ces archives de guerre sont d’une valeur inestimable », déclarait récemment Eppo Bruins, ministre néerlandais de l’Éducation et de la Culture relate Le Parisien.
De l’autre, des voix s’élèvent pour dénoncer les répercussions sur les descendants. Ces derniers redoutent que la révélation des actes de leurs aïeux n’entache leur réputation. L’Autorité néerlandaise de protection des données a également exprimé des réserves sur le respect de la vie privée.
Un contexte mémoriel plus large
Cette ouverture intervient dans un contexte où les Pays-Bas confrontent leur passé. En 2020, le gouvernement a présenté des excuses officielles pour son rôle dans l’échec à protéger les Juifs durant l’Holocauste. Cette nouvelle transparence s’inscrit dans cette dynamique, tout en suscitant de nouvelles interrogations sur la manière d’aborder les pages sombres de l’histoire.
Si cette publication offre une opportunité unique d’explorer les archives et de mieux comprendre l’histoire, elle soulève également une question fondamentale : comment concilier mémoire collective et respect des individus ?