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Samuel Pintel : l’enfant qui a survécu à la rafle d’Izieu et porte la mémoire de ses camarades

Le 6 avril 1944, dans la petite commune d’Izieu, un drame se déroule sous les ordres de Klaus Barbie, chef de la Gestapo de Lyon. Ce jour-là, 44 enfants juifs, âgés de 4 à 17 ans, et 7 adultes sont arrêtés dans une maison qui servait de refuge contre les persécutions nazies. Tous, à l’exception d’une seule adulte, seront déportés et ne reviendront jamais. Parmi eux aurait pu se trouver Samuel Pintel. Mais ce dernier, alors âgé de six ans, avait quitté la colonie quelques semaines avant la rafle, échappant ainsi à un destin tragique. Aujourd’hui, âgé de 86 ans, il témoigne inlassablement pour que l’histoire de ses camarades disparus ne sombre jamais dans l’oubli.

Une enfance marquée par la fuite et la survie

Né à Paris en 1937 dans une famille de juifs polonais, Samuel Pintel grandit dans un contexte de plus en plus hostile. En 1943, alors que la zone sud est sous contrôle allemand, sa mère, Tauba, tente de le protéger. Arrêtée lors d’un contrôle, elle est envoyée dans un camp. Samuel, alors âgé de six ans, est confié à une femme non juive qui le conduit au bureau de l’Union générale des Israélites de France (UGIF). De là, il est dirigé vers la maison d’Izieu.

À partir de novembre 1943, le jeune garçon trouve refuge dans cette grande maison transformée en colonie d’accueil par Miron et Sabine Zlatin. Les journées sont rythmées par les cours, les promenades et les jeux, mais pour Samuel, l’angoisse demeure : « Ce qui me tourmentait le plus, c’était de ne pas savoir où était ma mère. J’étais perdu », se souvient-il.

En janvier 1944, Samuel quitte la maison d’Izieu. Ses anciens voisins parisiens, Jeanne et Alexis Bosselut, viennent le chercher pour le cacher jusqu’à la fin de la guerre. Quelques mois plus tard, les enfants d’Izieu seront victimes d’une dénonciation qui conduira à la rafle orchestrée par Klaus Barbie.

Une révélation tardive

Pendant des décennies, Samuel Pintel ignore qu’il a vécu dans cette maison devenue symbole de la barbarie nazie. Ce n’est qu’en 1987, lors du procès de Klaus Barbie, qu’il reconnaît les lieux à travers les images télévisées. Il se rend alors à Izieu et y retrouve Sabine Zlatin, rescapée de la rafle. Elle lui montre des lettres et des listes confirmant sa présence dans la colonie. Samuel découvre alors qu’il était le dernier enfant à avoir quitté la maison avant le drame.

Cette découverte agit comme un déclic : « Je me suis dit que je ne pouvais pas les laisser tomber ». Depuis, Samuel Pintel s’est engagé dans un travail de mémoire aux côtés de Sabine Zlatin et d’autres survivants.

Une vie dédiée à la transmission

Malgré une enfance marquée par la perte et les séparations, Samuel Pintel a su reconstruire sa vie. Devenu ingénieur dans le domaine aérospatial, il n’a jamais cessé de témoigner pour honorer la mémoire des enfants d’Izieu. En 1994, il était présent lors de l’inauguration du musée-mémorial d’Izieu par François Mitterrand.

Aujourd’hui encore, il rencontre des élèves et des étudiants pour raconter son histoire et celle de ses camarades disparus. « Ces enfants n’avaient rien fait. Ils ont été arrêtés, déportés et exterminés simplement parce qu’ils étaient juifs », explique-t-il avec une émotion intacte.

Pour Samuel Pintel, transmettre cette mémoire est une mission essentielle : « Je ne demande pas aux jeunes d’aujourd’hui de porter mon fardeau mémoriel, mais je les incite à réfléchir et à devenir des citoyens responsables ».

Un devoir de mémoire universel

La maison d’Izieu est devenue un symbole universel de la lutte contre l’oubli et la haine. Samuel Pintel continue d’y voir un lieu de réflexion et de transmission : « Cette maison n’est pas seulement un mémorial, c’est un élément fondateur de ce que doit être notre humanité ».

Porté par un devoir de témoignage, Samuel Pintel incarne la résilience et la mémoire. Il rappelle, inlassablement, que le souvenir des enfants d’Izieu est une responsabilité partagée par toutes les générations. Une leçon de vie et d’humanité qui résonne encore, 80 ans après les faits.

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