Finlande

Dates : 30 novembre 1939 – 12 mars 1940.

 

La Guerre d’Hiver, ou guerre de Finlande, est aussi intéressante que méconnue. Quand Staline lança son armée contre la Finlande, dont les forces étaient mal équipées et peu nombreuses, on était sûrs que la guerre serait rapide et décisive, comme la guerre de Pologne. Mais la stratégie soviétique, dont l’État-major était assez incompétent, se vit opposer une armée dont le moral était excellent et qui se servait admirablement du terrain et du climat. Il s’ensuivit un combat très inégal, de « David contre Goliath », qui suscita l’intérêt du monde entier et qui donna « matière à réfléchir » (mettre des espaces entre les guillemets) et affina les ambitions d’Hitler.

Soldats finlandais

Soldats finlandais

La guerre russo-finlandaise fut une conséquence directe du pacte germano-soviétique et dura du 30 novembre 1939 au 13 mars 1940.

Après avoir agrandi son territoire au détriment de la Pologne, Staline était soucieux de protéger l’accès du Nord-ouest. Entre le 28 septembre et le 11 octobre 1939, les républiques Baltes se virent contraintes de signer des pactes d’assistance mutuelle qui autorisaient aux Soviétiques l’installation des bases sur leur territoire. L’étape suivante était un accord similaire avec la Finlande.

 

Négociations

 

Soldats finlandais visant un avion

Soldats finlandais visant un avion

Le gouvernement bolchevik avait reconnu l’indépendance de la Finlande en décembre 1917. Il y avait alors encore des troupes révolutionnaires russes en nombre.

En janvier 1918, les socialistes finlandais tentèrent de constituer une république populaire, ce qui déclencha une guerre civile. Les Russes fournirent alors du matériel aux communistes finlandais alors que le « gouvernement bourgeois » recevait l’aide de la Suède et de l’Allemagne.

Ci-dessus et ci-dessous, des soldats finlandais à skis

Ci-dessus et ci-dessous, des soldats finlandais à skis

Soldats finlandais

Les Rouges furent écrasés, ainsi que la révolte, et les chefs partirent en exil en Russie. Pendant la guerre civile russe, le gouvernement finlandais favorisa les activités contre-révolutionnaires en Allemagne, alors aux prises avec une crise civile grave.

Les communistes finlandais paraissaient aux yeux de leurs compatriotes des traîtres à la solde des Russes. Au contraire, l’URSS considérait la Finlande comme hostile. Ils craignaient que les Finlandais laissent passer un ennemi de l’Union Soviétique et ne cherchent à renverser leur gouvernement. Les Russes avaient ainsi voulu revenir sur la décision de 1918 de soutenir une insurrection communiste en Finlande. Du fait de tous ces facteurs, il y eut une totale absence de confiance entre ces deux pays.

 

Négociations avec Moscou

Très vite, Staline chercha à négocier avec la Finlande. Le 5 octobre, le gouvernement russe demanda à la Finlande l’envoi d’un délégué pour traiter de « questions politiques concrètes ». Il savait déjà ce qui allait se passer. En effet, la défense de Leningrad passait par le contrôle d’un certain nombre d’îles du golfe de Finlande que les Russes demandaient aux Finlandais. Malgré le refus de ces derniers, les Russes renouvelèrent et augmentèrent leurs exigences.

Le gouvernement finlandais envoya néanmoins J.K Paasikivi pour négocier avec les Russes, puisqu’ils ne pouvaient les refuser. Ce dernier avait déjà dirigé la délégation finlandaise aux traité de Tarto en 1920, qui servit de base légale aux rapports entre les Russes et les Finlandais et qui fut complété par un traité de non-agression en 1932, valable jusqu’en 1945. Les ordres de Paasikivi étaient simples : le gouvernement finlandais ne signera aucun pacte d’assistance, aucune cession de territoire, aucune base russe sur son sol, qui ne seraient pas compatibles avec la politique de neutralité de la Finlande. Néanmoins, en échange d’une compensation équitable, elle pourrait céder trois îles situées au large de Leningrad, ce qui entraînerait la signature d’un accord semblable à celui signé par les États Baltes. Mais, les Finlandais, pour montrer leur détermination et pour appuyer leur position, mobilisèrent l’armée et évacuèrent les principales villes des régions frontalières.

Les pourparlers débutèrent le 12 octobre à Moscou entre Molotov et Paasikivi. L’URSS proposa un pacte d’assistance mutuelle général ou limité au golfe de Finlande. Staline réclamait en plus la concession de Hanko comme base militaire avec 5 000 hommes, la totalité des îles au large du golfe de Finlande, le déplacement de la frontière de l’Isthme de Carélie de 65 kilomètres au nord de Leningrad, la destruction de toutes les fortifications des deux cotés de la nouvelle frontière, la cession de la moitié Nord finlandaise de la péninsule de Rybachiy et un engagement des deux parties à n’adhérer à aucun pacte dirigé contre l’une d’elles.

En contrepartie, l’URSS proposait en Carélie soviétique un territoire d’une superficie deux fois supérieur à celle des territoires cédés par la Finlande. De plus, elle l’autorisait à fortifier les îles Alan, démilitarisées, comme elle le voulait en 1938. Selon Staline, ces concessions permettraient à l’URSS de défendre Leningrad efficacement.

En effet, Leningrad, seconde ville d’URSS, ne se situait qu’à 32 kilomètres de la frontière existante. « Nous ne pouvons pas modifier la géographie, ni vous non plus. Puisque Leningrad ne peut changer de place, c’est la frontière qu’il faut déplacer ». Bien sûr, ne pouvant décider seul avec les instructions qu’il avait reçu, Paasikivi retourna en Finlande pour consulter son gouvernement. Le refus finlandais repose sûrement sur les relations entre les deux pays. Personne ne voulait faire des concessions et seuls Paasikivi et Mannerheim, chefs désignés en cas de guerre, encourageaient les concessions, car pour eux, l’URSS et les autres pays du monde, ne devraient pas entraîner la Finlande dans la guerre, où elle aurait à combattre seule et serait sans nul doute vaincue très rapidement.

Le gouvernement ne voulait pas croire que l’URSS se résoudrait à la guerre, et pensait que les autres pays viendraient à son secours, encouragés par la sympathie des nations, y compris les USA, à part la Suède. L’Allemagne, au contraire, contrepoids traditionnel de l’influence russe dans la Baltique, encouragea la Finlande à accepter les propositions russes.

Paasikivi retourna à Moscou le 21 octobre, accompagné de Tanner, ministre des finances, qui devait empêcher son collègue d’être trop conciliant avec les Russes. Ils ne devaient que proposer de légères modifications de frontière dans l’isthme, et rien d’autre. Entretiens après entretiens du 23 au 25 octobre, Staline réduisit légèrement ses prétentions, mais pas sur le fond du problème. Pour lui, les prétentions de la Finlande étaient inacceptables tandis que Molotov disait : « Est-il dans vos intentions de provoquer un conflit ? » Staline commençait à s’impatienter.

Une fois de plus, la délégation retourna en Finlande, où les différents partis politiques s’opposaient par l’intermédiaire de leurs chefs. Mannerheim, soutenu par Paasikivi, proposait un compromis. Une lettre de Hanson confirma la position de la Suède. Les délégués retournèrent une fois de plus à Moscou pour offrir une petite concession supplémentaire de frontière dans l’isthme et pour refuser toute cession de base. Erkko, ministre des affaires étrangères était persuadé que l’URSS bluffait, mais il ne souhaitait pas la guerre.

Dans la nuit du 31 octobre, Molotov expliqua au Soviet suprême que le refus de la Finlande résultait de l’intervention des puissances hostiles à l’URSS, ce qui « émut le peuple finlandais » et poussa ce dernier à soutenir leur gouvernement. Le 3 novembre, les négociations étaient dans l’impasse. Molotov conclut : « Nous autres civils ne pouvons plus rien. La parole est maintenant aux militaires ».

Le lendemain, Staline proposa un certain nombre de propositions, refusées par les Finlandais, puis le 9, il chercha un nouveau compromis à propos des bases sans que les Finlandais puissent en discuter. Le 13 novembre, la délégation rentra à Helsinki. Pendant un certain temps il ne se passa rien, ce qui donna l’impression à la Finlande d’avoir bien manœuvré. Les évacués rejoignirent leurs villes, on parla de rouvrir les écoles et de démobiliser. On sait maintenant que Staline recherchait une solution pacifique mais ne voulait pas céder. Le 9 novembre, il était sûr que les négociations n’allaient pas aboutir et le 13 novembre marqua le début d’une politique de guerre.

Le but de Staline était de faire peser une menace fatale sur la Finlande, pour la faire céder, et si besoin est, de revenir sur la décision de 1918 et de l’envahir. Arvi Tuominen fut rappelé de Stockholm pour devenir premier ministre d’un « gouvernement populaire finlandais », composé de communistes exilés et de Finlandais d’URSS pour former une « armée populaire finlandaise ». Tuominen avait finalement refusé et c’est Kuusinen qui le remplaça.

L’Armée Rouge commença à mobiliser tandis que la propagande accusait les Finlandais d’être « à la solde du capitalisme international ». Le gouvernement finlandais aurait sans doute pu éviter la guerre, mais le 26 novembre, une salve d’artillerie tua quelques soldats russes sur la frontière de l’isthme. Les Russes accusèrent les Finlandais et demandèrent à Helsinki le retrait des forces situées sur la frontière. Le gouvernement finlandais refusa : ce fut la goutte qui fit déborder le vase.

L’URSS comprit que les Finlandais ne feraient pas de concession, elle alla plus loin. Le 28 novembre, elle dénonça le pacte de non-agression, le 29 rompit les relations diplomatiques, ignorant l’offre de la Finlande de retirer ses troupes. Le 30 novembre, elle envahit la Finlande par air, terre et mer. Le 1er décembre, elle annonça la formation d’un gouvernement populaire finlandais qui accepta toutes les exigences de l’URSS et exhorta la population à chasser le gouvernement actuel. Ce régime de fantoche élimina toutes les solutions de compromis avec le gouvernement légal.

 

Forces en présence

L’armée finlandaise

La population finlandaise atteignait 4 millions d’habitants en 1939, ce qui aurait permis de lever une armée de 16 divisions. Mais le conseil de défense n’avait pas réussi à avoir les crédits nécessaires et elle n’en alignait au final que 9, avec possibilité d’en former 3 autres après le début de la guerre. Elle se composait de trois éléments : un noyau d’officiers et de sous-officiers d’active qui encadraient un contingent de conscrits levés chaque année et formant l’armée du temps de paix en plus des réservistes.

Il y avait 9 districts militaires qui fournissaient une division, son État-major et des dépôts permanents. Dès qu’ils eurent reçu leur télégramme de mobilisation, les réservistes rejoignaient leur dépôt, où ils prenaient leur équipement, puis la division était prête à monter au front. Leur plan était simple : l’armée du temps de paix devait retarder l’ennemi en attendant les réservistes qui occuperaient les principales positions défensives. Ce plan était adapté à la géographie de la Finlande.

Mais l’armée finlandaise souffrait de graves problèmes en matière d’équipement. L’infanterie manquait d’armes automatiques (mais avait des pistolets-mitrailleurs Suomi). Il n’y avait pas assez de tentes et d’uniformes. L’artillerie manquait également, ce qui inquiétait les stratèges finlandais. Les divisions n’avaient que 18 mortiers de 81 mm et ceux de 120 mm n’avaient pas été livrés. Il n’y avait également que 36 canons par division, d’une faible portée et relativement vieux. Il n’y avait que 640 obus par mortiers et la cadence de construction des obus ne dépassa jamais 3 500 obus par jour.

La réserve d’artillerie n’était prévue que pour 9 divisions, il n’y avait en tout que 112 canons AC de 37 mm et 100 canons AA (canons de DCA), réservés à la défense du territoire. L’armée finlandaise manquait également de moyens de transport et d’équipement radio, ce qui impliquait l’utilisation d’estafettes et du téléphone de campagne, ce qui représentait un sérieux handicap. Il n’y avait que 100 avions, pas tous opérationnels. Par contre, ils avaient une petite marine et des défenses côtières, héritées de l’ancien empire de Russie. Les cadres manquaient d’expérience, et ils n’avaient jamais été formés pour la guerre à grande échelle. Ils devaient apprendre sur le tas.

L’Armée Rouge

L’Armée Rouge était bien mieux équipée. Ses effectifs étaient, au moment de l’offensive, de 180 divisions, dont 45 furent engagées contre la Finlande. Leurs divisions comportaient chacune 18 000 hommes contre 15 000 pour la Finlande. Mais c’est le domaine du matériel qui fit toute la différence. Une division russe comportait deux fois plus de mitrailleuses et de canons, auxquels se rattachaient des divisions d’artillerie et de chars. L’URSS utilisa environ 1 300 000 hommes, 1 500 chars et 3 000 avions, complétés par un nombre quasi-infini de munitions, d’un abondant matériel de transport et d’un excellent réseau de transmissions. Elle était largement supérieure.

Mais du fait des grandes purges staliniennes, elle manquait cruellement d’officiers compétents. Les Russes disposaient d’une aviation de chasse et de bombardement très fournie. Ils disposaient de gigantesques réserves énergétiques et humaines et d’une population infiniment plus nombreuse. Leurs réserves de blindées n’étaient également pas comparables à celles des Finlandais. Les soldats russes employés dans l’opération étaient dans l’ensemble très obéissants, la tactique russe nécessitant du courage pour des assauts de masse de chair à mitraille.

De plus, les Russes disposaient d’une importante marine qui pouvait appuyer un débarquement. Les divisions russes étaient motorisées et très mobiles, mais le climat les obligeait à employer les routes, ouvrant la voie aux embuscades. En revanche, les officiers étaient plus entraînés à la guerre à grande échelle (un mode de pensée hérité des guerres du XIXe siècle) qui sera déterminante pour l’issue du conflit.

 

Stratégies

Le gouvernement finlandais avait compris que la seule zone dangereuse était l’isthme de Carélie : c’était en effet le seul point où les Russes pouvaient déployer des forces suffisantes pour envahir la Finlande. Conscients de leur infériorité, les Finlandais avaient construit un système de défense en retrait de la frontière nommé « ligne Mannerheim ». Cette ligne avait pour but de retarder les Soviétiques le temps que les autres divisions soient mobilisées. Elle s’appuyait sur Koivisto, avec ses puissantes batteries côtières, ainsi que sur le lac Ladoga à l’ouest et à l’est. Entre la Vuoski et la mer, il y avait de vastes lacs et marais coupés par un vaste terrain découvert où passaient la route principale et la voie ferrée menant à Viipuri.

Le front s’étendait sur 65 kilomètres, occupés par des tranchées, des champs de mines, des barbelés, et des défenses antichars. Il y avait 75 ouvrages en béton datant des années 20, incapables de résister à une artillerie moderne, et une quarantaine de blockhaus récents. Mais il n’y en avait pas plus de trois par kilomètres, ce qui était insuffisant pour établir des feux croisés. De plus, ils n’avaient pas de canons antichars et pas de mitrailleuses modernes.

Au début des hostilités, Mannerheim installa son QG à Mikkeli. Les premières dispositions finlandaises étaient les suivantes :

– L’isthme de Carélie était tenu par l’armée du même nom, constituée de deux corps d’armée, l’essentiel constituée sur la ligne Mannerheim allant du golfe de Finlande à Vuoski. Trois divisions étaient en ligne et une en réserve, mais constituée de troupes de très bonne qualités. Le IIIe corps d’armée avec deux divisions tenait le cours de la Vioski jusqu’au lac Ladoga.
En avant de la ligne, quatre groupes de gardes frontières, des bataillons de chasseurs à pieds d’élite et quelques éléments de cavalerie, garde nationale qui s’intégrait aux réserves de l’armée.

– Au nord du lac Ladoga, deux divisions du IVe corps d’armée, et des éléments de couverture dont l’aile gauche s’appuyait sur Ilomantsi.

– Au nord, vers l’océan Arctique, un ensemble de compagnies et de bataillons spéciaux qui contrôlaient toutes les voies de communication. Deux divisions étaient en réserve, l’une à Viipuri et l’autre en formation à Oulu, au nord-ouest de la Finlande, sans artillerie et dont un des régiments avait déjà été envoyé en renfort vers l’isthme.

Le plan finlandais était le suivant : il fallait reculer en combattant jusqu’à la ligne Mannerheim et, une fois là, stopper l’avance russe. Au nord du Ladoga, le IVe corps devait s’opposer à toute pénétration sur les arrières de l’armée de Carélie, en les attirant le long des rives du lac et en contre-attaquant sur leurs flancs et leurs arrières. L’avance russe devait être arrêtée au nord d’Ilomantski et au cas ou des réserves seraient disponibles, elles lanceraient une contre-offensive sur les ailes et les arrières soviétiques et les anéantiraient.

Les forces russes présentes dans l’Isthme de Carélie appartenaient à la VIIe armée et comprenaient 12 divisions, un corps d’armée blindé et trois brigades de chars. Au nord du lac, le IVe corps d’armée finlandais faisait face à la VIIIe armée avec 6 divisions et deux brigades de chars. Au nord, la IXe armée avec 5 divisions et la XIVe armée avec 3 divisions, basée à Mourmansk.

Le plan russe de Meretskov consistait à envahir l’isthme, prendre Viipuri et obliquer vers Helsinki. En même temps, la VIIIe armée progressait au nord du lac pour contourner les défenses de l’isthme. La IXe armée traverserait la frontière en 3 points, sur les routes de Kuhmo Suomossalmi et Salla, et couperait en deux la Finlande en poussant jusqu’au golfe de Botnie, vers Oulu, puis vers la frontière suédoise. Enfin, la XIVe armée devait occuper Petsamo et interdire l’Arctique. La partie la « plus originale du plan », qui a bouleversé les plan finlandais, est la concentration de troupes au nord du lac.

Les Russes acheminaient leurs effectifs par des voies de communication insuffisantes.

 

Les opérations

Dans cette partie, nous allons voir le déroulement des opérations. Le côté diplomatique étant très important, j’ai adopté le plan suivant : l’action est décomposée en grandes parties, séparées par les négociations, pour faciliter la lecture et la compréhension.

 

Premiers contacts

Le début des opérations était conforme aux plans soviétiques : ils atteignirent la ligne Mannerheim le 5 décembre mais pas sur le front du IIIe corps, où le terrain était propice à la défense. L’avantage russe reposait sur une expérience du combat, surtout du combat antichar alors que les Finlandais n’avaient souvent jamais vu de blindé. Ces derniers causèrent une panique les premiers jours du fait que les Finlandais n’avaient souvent pas d’armes antichars, mais ils découvrirent vite l’efficacité du cocktail Molotov. Mannerheim forma vite des unités antichars qui apprirent aux troupes d’avant-garde à combattre à les combattre.

Les Russes envoyaient souvent une infanterie groupée en colonnes serrées, qui pouvaient être facilement repoussées avec de lourdes pertes tandis que les autres armes ne les aidaient pas efficacement. Ces premières victoires faciles galvanisèrent le moral des Finlandais. Mais au nord du lac, tout ne se passait pas comme prévu : le IVe corps avançait avec en tête les 168e et 18e divisions. Ils s’arrêtèrent le 10 décembre sur la ligne Kitela-Siksijarvi. À gauche, les Russes avancèrent jusqu’à Kollaa où, après trois jours de combat, ils furent repoussés.

En même temps, une division avançait sur Tolvajarvi et à l’extrême gauche, sur Ilomantsi. Mannerheim dû envoyer des renforts, prélevés sur ses réserves à Tolvajarvi et Ilomantsi, et décida le 6 de former un front spécial sous Talvela, qui, par une attaque dans la nuit du 8 au 9 décembre, rétablit l’équilibre sur Ilomantsi par une victoire à Tolvajarvi. La même opération dû être effectuée sur Tuompo.

Le 8 décembre, la 54e division russe fut repoussée sur Kuhmo par une série de contre-attaques, le 7 une autre division investit Suomossalmi, puis fut stoppée par des réserves venant d’Oulu. La marche sur Salla fut arrêtée le 20. À Petsamo, les Finlandais se replièrent avant d’arrêter les Russes à Nautsi le 18. En conclusion, fin décembre, le front s’était stabilisé mais Mannerheim avait déjà dû utiliser la moitié de ses faibles réserves. Il avait fallu dix jours aux Soviétiques pour déployer leurs forces, soit 9 divisions et un corps d’armée blindé, contre la ligne Mannerheim.

La préparation d’artillerie commença le 15 à Taipale et, bientôt, 3 divisions échouèrent dans leur assaut de la ligne. Ils essayèrent plus au nord du 25 au 27 décembre mais échouèrent à nouveau. Ces opérations n’étaient cependant qu’une diversion. L’assaut dans le secteur de Summa commença le 16 par un déluge d’artillerie, puis 70 blindés soviétiques percèrent les positions finlandaises, mais les fantassins retranchés repoussèrent l’infanterie puis liquidèrent les blindés à la tombée de la nuit. La manoeuvre se répéta les deux jours suivants, coûtant jusqu’à 200 chars supplémentaires aux Soviétiques.

Le 22, les assauts cessèrent, la position finlandaise était intacte, les réserves n’avaient même pas été engagées. Une chose était très importante, les blindés avaient néanmoins percé le front, et s’ils avaient été engagés en coordination avec l’infanterie, les Russes auraient sans doute enfoncé les lignes finlandaises. Les Finlandais lancèrent une contre-offensive très ambitieuse le 23 décembre, pensant que les Russes étaient désorientés et désorganisés, en engageant des éléments de 5 divisions. Mais l’opération avança si lentement qu’elle fut stoppée à la tombée de la nuit. En effet, les troupes finlandaises n’étaient pas entraînées pour une offensive de cette importance, en particulier du fait de l’artillerie, et les Russes n’étaient pas démoralisés mais solidement terrés. Les Finlandais perdirent 1 500 hommes. La première phase du combat, soit l’offensive russe, était endiguée, et l’initiative venait de passer aux Finlandais.

 

Politique

Les Finlandais, dans un premier temps, furent étonnés de l’attaque soviétique, qu’ils prenaient pour du bluff. Un « gouvernement d’union nationale » fut formé, avec pour but de reprendre les négociations ou de résister farouchement. Il tenta de reprendre ces premières par l’intermédiaire de la Suède et des États-Unis. Le 3 décembre, ils portèrent l’affaire devant la SDN (Société Des Nations : ancêtre de l’ONU). Mais la Russie considérait que le gouvernement de Kuusinen était le gouvernement légal de la Finlande. Il n’y avait donc pas besoin de négociations. Le 14 décembre, la SDN expulsa l’URSS et demanda à ses membres d’aider la Finlande.

Cet appel eut beaucoup de réponses et l’opinion mondiale prit le parti de la Finlande, mais l’Allemagne s’y opposa, pour payer le prix de son alliance avec Staline. Elle refusa de vendre du matériel à la Finlande, interdit le transit d’armes par son territoire et insista auprès des pays scandinaves pour qu’ils ne laissent pas passer sur leur territoire les troupes d’aide françaises et anglaises. De ce fait, toute aide devait passer par la mer jusqu’en Norvège, puis à travers la Suède. Peu des matériels et des volontaires arrivèrent à destination. La Suède fournit de grandes quantités d’armes, 80 000 fusils, 85 canons AC, 104 AA et 120 pièces de campagne qui purent servir à la défense de la Finlande.

Mais ce qui manquait le plus, c’était les effectifs. La Suède refusa d’en fournir et s’opposa à la France et à l’Angleterre qui avaient prévu d’envoyer des forces. Il n’arriva au final que deux bataillons non équipés. L’aide fut minime mais elle soutint le moral du peuple et les canons AA firent des ravages. Au final, ces livraisons diverses ne permirent pas de repousser significativement l’échéance.

 

Seconde phase de la guerre – la résistance russe

Malgré une relative accalmie sur le front de l’isthme, les Finlandais lancèrent une série de contre-offensives à l’Est. Le schéma était toujours le même : une armée russe voyait son avance stoppée par la résistance finlandaise, le climat et les difficultés d’approvisionnement. Les Finlandais contre-attaquaient alors en utilisant leur mobilité pour surprendre les flancs et les arrières de l’ennemi. Les Russes étaient alors décimés mais, au lieu de faire retraite, ils s’enterraient dans des « hérissons », où ils résistaient jusqu’au dernier. Les plus grands, ravitaillés par avion, tinrent jusqu’à la fin de la guerre tandis que les petits furent anéantis.

Au nord du lac, la 168e division fut stoppée à Kitela, la 18e à sa droite. Le 12 décembre, une tentative pour prendre les Russes de flanc et de revers échoua, une seconde tentative le 17 ne réussit pas plus. Mais les Russes ne surent pas exploiter leurs succès et les Finlandais lancèrent une offensive le 26. Les conditions climatiques gênaient les Russes, mais pas les skieurs. Le 5 janvier, point culminant des attaques, la 18e division se vit encerclée et fut détruite. Le 11, c’était au tour de la 168e d’être cernée aux abords de Kitela.

Les Russes qui fuyaient furent massacrés, mais ceux qui résistaient causèrent des pertes aux Finlandais au terme d’un combat d’usure. Des éléments de la 18e division tinrent jusqu’à la fin de la guerre, encerclés. Ils furent ravitaillés par l’aviation et les Finlandais ne purent que repousser les colonnes de secours. Le 6 mars, une division rejoignit la 18e mais elle était pratiquement anéantie et les Finlandais se servirent du matériel pris aux Russes. D’un autre côté, le fait que les Russes n’aient pas plié, mais furent juste encerclés, mobilisa beaucoup de forces finlandaises qui auraient pu causer des dégâts supplémentaires aux Soviétiques sur le reste du front.

La 139e division fut repoussée après deux jours de combat et détruite le 14. La 75e division partie à son secours subit le même sort et fit retraite le 21. Le 24, les Russes furent repoussés sur Aittojoki où le front se stabilisa jusqu’à la fin du conflit. La victoire de Tolvajarvi rapporta de nombreux chars et canons (60 et 30), mais l’opération destinée à détruire la 155e division sur Ilomantsi échoua et le front se stabilisa. Plus au nord, la bataille de Suomussalmi fut remportée par les Finlandais. La 163e division fut concentrée sur le village et Siilasvuo, où elle combina une attaque de front avec un harcèlement sur les flancs et le 21, les Russes résistaient toujours. Bientôt, la 44e division arrivait à son secours. Malgré une contre-attaque russe, les Finlandais repoussèrent la 163e division avec des renforts et la division cessa d’exister. Les Finlandais capturèrent 11 chars, 25 canons et 150 camions.

La 44e subit le même sort : elle s’enterra et se disloqua le 5 janvier dans les bois où les skieurs finlandais les exterminèrent tous. Ils prirent 35 chars, 25 canons et 250 camions. La victoire était totale. L’avance russe sur Oulu était stoppée. Les Finlandais utilisèrent à nouveau cette 9e division à Kuhmo contre la 54e division. Elle trouva les Russes terrés dans leurs tranchées. Ils résistèrent jusqu’à la fin de la guerre en mobilisant toute la 9e armée de Siilasvuo. La 23e se porta à son aide mais fut repoussée. Les Russes employèrent par la suite des unités à skis qui furent exterminées car trop hâtivement entraînées. Mais Kuhmo fut une défaite pour les Finlandais.

Ils tentèrent une opération similaire sur Salla le 2 janvier, mais la technique du harcèlement échoua. L’artillerie finlandaise ne permettait pas des barrages massifs qui auraient permis de plus grandes offensives. Malgré quelques succès, ils durent laisser des forces considérables derrière eux car les colonnes qui avaient pénétré leur territoire n’avaient pas toutes été éliminées. Ces troupes auraient sûrement été utiles dans l’isthme.

 

La recherche de la Paix

L’évolution de la guerre faisait croire aux Finlandais leur possible victoire, et même Mannerheim, plutôt pessimiste et prudent, pensait qu’avec l’aide étrangère, le pays pourrait tenir plus longtemps. Mais les Finlandais cherchaient la paix et voulurent rentrer en contact avec les Russes par l’intermédiaire des Allemands. Les Russes, craignant que les Allemands ne se servent de l’occasion pour accroître leur pouvoir, refusèrent. Le 1er janvier, Hella Wuolijoki contacta Tanner pour lui présenter son amie Kollontai, ambassadeur soviétique en Suède. Tanner donna son accord le 10 janvier et les négociations aboutirent le 29 janvier par une note de l’URSS : « l’URSS ne voyait en principe aucune objection à conclure un accord avec le gouvernement Ryti-Tanner » et ajouta que la Finlande devait faire connaître la nature des concessions auxquelles elle était à présent résolue.

Hanko restait la clé des exigences soviétiques, mais les dirigeants finlandais n’étaient pas encore prêts à y répondre. Tanner alla négocier en personne à Stockholm. Mais la Finlande était obnubilée par ses succès militaires, par la promesse d’une intervention franco-britannique et voulait obtenir des conditions plus favorables. Le 10 février, Tanner et Ryti, en présence de Mannerheim, discutèrent de l’issue possible, entre faire la paix avec l’URSS en offrant en contrepartie l’île de Hanko, poursuivre la guerre avec la participation de la Suède, ou accepter, en dernier ressort, l’aide franco-britannique. Le 12 février, le comité des affaires étrangères était favorable au projet de paix, mais le même jour le front craqua en Carélie.

 

Offensive décisive

Le commandement soviétique, devant l’échec de son offensive, était persuadé que pour réussir il faudrait préparer soigneusement un assaut des positions finlandaises. Le déploiement commença le 26 décembre avec une nouvelle armée à la place de la VIIe armée au flanc droit du front. Le 28, on décida que la stratégie ne passerait plus par des attaques massives, les Russes s’entraînèrent pour coordonner l’action des trois armes (Infanterie, Marine, Aviation). L’infanterie devrait progresser derrière un déluge de feu.

Le 7 janvier, le commandement du front nord-ouest passa à Timochenko, ce qui revenait à lui donner la direction des opérations. À partir du 15 janvier, dans l’isthme, l’artillerie soviétique commença à détruire systématiquement les positions finlandaises, qui étaient consolidées chaque nuit. Les canons finlandais n’avaient ni la puissance ni la portée pour répliquer. Le 1er février, les Russes lancèrent des reconnaissances d’infanterie. Les Finlandais disposaient de six divisions : deux le long de la Vuoski, et quatre entre la rivière et la mer. Le secteur de Summa était tenu par la 3e division. En réserve, une bonne division et deux formées de réservistes. Ces réserves travaillaient à la formation de deux autres lignes de défenses. Aucune des deux ne fut terminée lors des combats.

Sur la droite, la XIIIe armée, ses 9 divisions, sa brigade blindée et ses deux bataillons de chars, devait attaquer entre le lac Muolaanjarvi et la Vuoski avec 5 divisions et une brigade blindée. L’objectif final était la ligne Kakisalmi-Antrea, derrière les positions finlandaises. La VIIe armée, avec 12 divisions, 5 brigades blindées et deux bataillons de chars, devait attaquer Summa avec 8 divisions et une brigade blindée et avait pour objectif la ligne Viipuri-Antrea. Un groupe spécial de trois divisions et une brigade blindée devait pousser sur les eaux gelées du golfe de Finlande, à l’ouest de Viipuri, et contourner le flanc des positions finlandaises.

L’attaque débuta le 1er février. 400 canons bombardèrent les positions de Summa tandis que l’infanterie, amenée avec des traîneaux blindés tirés par les chars, concentra son offensive sur les blockhaus. L’aviation les soutenait tandis que les chars tiraient dans les meurtrières des bunkers. Les Finlandais évacuèrent vite les blockhaus pour rejoindre les tranchées. Les Russes se retirèrent à la tombée de la nuit, laissant des Finlandais épuisés, dans des tranchées glaciales et devant essayer de remettre en état les casemates.

Cela recommençait les trois jours suivant, puis après une pause de 24 heures, encore trois jours de suite. Le 9 février, nouvelle accalmie, et les Finlandais envoyèrent un bataillon en renfort. Cette unité ne savait rien des nouvelles tactiques soviétiques, et la 123e division perça le 11 février les défenses finlandaises. On ne sait pas très bien ce qui se passa, mais à 12 heures 30 une partie du front de Summa était abandonné et, à la fin de la journée, les Russes avaient atteint l’arrière des positions finlandaises. Toutes les contre-offensives échouèrent. Malgré tous ses essais, Oquist, chef du IIe corps d’armée finnois, ne put rétablir le front et Mannerheim l’autorisa à faire retraite sur la position intermédiaire. Mais sur tous les autres points de la ligne, les Finlandais avaient tenu, souvent à grand-peine. La défaite de Summa marquait le tournant de la guerre.

Les Finlandais n’avaient pas bien implanté leurs défenses, si bien que les blockhaus ne pouvaient se défendre mutuellement et les Russes les détruisirent l’un après l’autre. La stratégie soviétique exploita au maximum ces défauts. De plus, les Finlandais manquaient de munitions d’artillerie, et aucune des unités n’avait ses effectifs au complet. Le gouvernement avait formé de nouvelles unités avec les réserves. Ces jeunes conscrits ne pouvaient qu’à peine dormir, repoussant continuellement les assauts soviétiques. Même les troupes d’élite étaient à bout. Par manque de munitions, les Finlandais ne pouvaient résister aux attaques ennemies.

 

Derniers assauts

Le 17 février, toutes les troupes finlandaises se replièrent sur la position intermédiaire en abandonnant la ligne Mannerheim. Les Russes reprirent contact le même jour et pénétrèrent les défenses finlandaises le lendemain. Oquist déclara à Mannerheim que la position ne pourrait être tenue longtemps mais ce dernier voulait conserver le plus de terrain possible en attendant les négociations.

La pression russe s’accrut jusqu’au 21 février, où Timochenko ordonna une pause pour regrouper ses effectifs. Mais le front était déjà percé en deux points. Mannerheim voulait résister quelques semaines de plus, mais il dut mettre au point un plan de retraite. Le 25 février, le 3e régiment d’infanterie finlandaise, dont les compagnies ne comptaient plus que 50 hommes environ, lâcha pied sous les assauts violents des Russes. Le lendemain, Oquist contre-attaqua avec ses 15 derniers blindés, qui semèrent la panique dans les unités finlandaises qui ignoraient que le pays en possédait.

Malheureusement, les armées finlandaises ne savaient combattre en accord avec les chars, la moitié fut détruite et l’autre s’enlisa. Le 27, Mannerheim ordonna l’évacuation de la « position intermédiaire » qui avait tenu 12 jours mais qui avait occasionné des pertes importantes. La position arrière partait de Viipuri et rejoignait Vuoski. Le secteur était facile à défendre, il était accidenté et rocailleux, impraticable aux chars et partiellement inondable. Le point faible était Tali, en terrain dégagé et peu défendu mais pourvu de nombreux obstacles antichars. Les Russes arrivèrent sur les lieux entre le 29 février et le 2 mars.

Le plan soviétique était assez simple : une poussée passerait par le golfe de Finlande gelé, une seconde vers Tali et une troisième devait franchir la Vuoski. Si le plan réussissait, le IIIe corps d’armée finlandais serait isolé. Le commandement finlandais avait vu le danger que représentait une avance russe par le golfe et tenta de l’empêcher en creusant des trous dans le glace, mais ceux-ci se refermaient immédiatement du fait du grand froid. De plus, ils n’avaient prévu aucun plan de défense de la côte ouest de Viipuri. On créa un front côtier et une division y fut affectée. Mais les lignes de communication seraient coupées en cas d’offensive soviétique.

Les Russes et leurs chars légers s’aventurèrent sur le golfe et un accrochage eut lieu le 4 mars à Vilajoki, où les Soviétiques repoussèrent toutes les contre-attaques finlandaises. Le 4 mars, la route de Viipuri à Helsinki se trouva sous le feu russe et les Finlandais firent monter en ligne toutes leurs réserves, de chaque coté de la tête de pont soviétique. C’était très risqué pour les Soviétiques qui pouvaient être isolés des autres unités de l’Armée Rouge. Mais d’un autre côté, ces troupes mobilisèrent d’importantes forces finlandaises, loin de leur position principale.

Le 3 mars, les Russes atteignirent Viipuri défendue par les 3e et 5e divisions finlandaises. Le 5 mars, Oquist demanda combien de temps il devrait défendre la position arrière. Il fallait attendre le repli du IIIe corps d’armée qui risquait l’encerclement. La ville fut finalement abandonnée. Au Nord-est, le secteur de Tali était tenu par la 23e division finlandaise, division de réserve, qui inonda cette zone. Mais l’eau gela et les Russes attaquèrent le 5. Le 9, les Russes arrivèrent sur les arrières des Finlandais et une unité d’élite soviétique mit en déroute les défenseurs. Ils avancèrent donc progressivement jusqu’au 12, date à laquelle ils stoppèrent l’attaque pour attendre les ravitaillements. Le 13, les Soviétiques avaient virtuellement enfoncé la position arrière à Tali. En effet, les Finlandais manquaient de munitions et de matériel et le moral était au plus bas.

Mais sur le côté droit, la XIIIe armée n’avait pas atteint les objectifs prévus et la grande offensive du 21 février contre la position intermédiaire avait échoué. Aussi le chef fut remplacé. Une fois que les Finlandais eurent abandonné leurs positions, cette unité atteignit la Vuoski vers Vuosalmi, ou les défenses finlandaises étaient faibles. En effet, le sol était gelé et cahoteux à tel point qu’on ne pouvait y creuser des tranchées ou des abris. Les Russes s’assurèrent une tête de pont le 7 mars tandis que la 21e division de réservistes prenait place. Elle se replia le 13 devant l’avance des Soviétiques.

Le 13 mars, la situation était la suivante : la progression dans l’isthme ne se ralentirait sans doute pas tant que les Russes n’auraient pas atteint la ligne de défense finnoise Viipuri-Antrea-Kakisalmi. Les Russes étaient prêts à reprendre l’offensive contre le IVe corps d’armée, au nord du lac, où il avait brisé l’encerclement de la 168e division.

Toutes les unités finlandaises étaient engagées et étaient épuisées, perdant presque toute valeur au combat. Les Finlandais durent évacuer Viipuri et se replier sur la ligne golfe de Finlande-Vilajoki-lac Saimaaa- lac Ladoga ce qui présentait un danger : si les Russes pouvaient assurer leur tête de pont à Vilajoki, et repousser la prochaine contre-attaque, le pivot de la nouvelle ligne serait brisé. Mais les Russes n’excellaient pas dans l’art du harcèlement et avançaient « pas à pas ». Pour les Finlandais, il fallait établir une nouvelle ligne de défense pour gagner du temps et attendre l’aide étrangère.

 

La paix

Le 12 février, lors de la chute de Summa, les Finlandais ne voulaient toujours pas céder Hanko et continuait à chercher des solutions de rechange. Les Alliés envisageaient une intervention mais leurs points de vue divergeaient. La France voulait y créer un nouveau front, l’Angleterre voulait couper l’Allemagne du train des mines de fer suédois. La SDN fournissait à la France et à la Grande-Bretagne l’occasion de violer la neutralité suédoise.

Le 23 février, les Russes firent communiquer aux Finlandais (par l’intermédiaire des Suédois) les conditions de paix : concession de Hanko pour 30 ans, perte de la totalité de l’isthme de Carélie et des rives du lac Ladoga. En même temps, elle devrait signer un pacte d’assistance mutuelle couvrant le golfe de Finlande. L’URSS évacuerait la région de Petsamo.

Le gouvernement finlandais ne se décida pas tout de suite mais la Suède interdit le passage de troupes sur son territoire. Les Alliés étaient prêts à envoyer 20 000 hommes qui arriveraient le 15 mars, mais pour cela, la Finlande devait appeler à l’aide pour obtenir l’accord des pays Scandinaves. Le gouvernement finlandais hésitait encore.

Le 26 février, Tanner retourna en Suède pour entendre que son gouvernement limiterait son aide à 16 000 volontaires et que si les Alliés forçaient son territoire, il s’allierait aux Russes. Le premier ministre suédois expliqua à Tanner qu’il valait mieux céder devant les Russes. Dans ce cas la Suède fournirait une aide économique et aiderait à défendre les nouvelles frontières.

Finalement, les Finlandais acceptèrent d’entamer les négociations et les Soviétiques fixèrent la date du début des pourparlers au 1er mars. Mais, voyant leurs plans échouer, les Alliés proposèrent 50 000 hommes à la Finlande. La Finlande devait leur adresser une demande d’intervention le 5 mars, estimant que le moment venu, la Suède donnerait son accord. Le 5, la date limite fut reportée au 12, mais Helsinki revint aux propositions soviétiques.

Le 6 mars, une délégation dirigée par Ryti partit pour Moscou, mais les Russes s’opposèrent à la demande d’armistice. La délégation de Molotov demanda même de nouvelles concessions : la cession de la région de Salla, une voix ferrée entre Mourmansk et Kemijarvi et le golfe de Botnie. Le gouvernent finlandais n’était pas d’accord mais des rapports signalant que le front serait bientôt percé poussèrent Mannerheim à proposer à son gouvernement d’accepter les propositions de Moscou. Le 11, les Alliés s’opposèrent à la paix et le 12, le gouvernement finlandais donna les pleins pouvoirs à ses représentants.

Au dernier moment, l’ambassadeur britannique déclara aux Finlandais qu’il passerait outre la Suède. Mais un traité fut signé à Moscou et les hostilités cessèrent le 13 mars à 11 heures. Par le traité de Moscou, la frontière redevint celle de 1721, et les Finlandais durent céder la région de Salla-Kuusamo, la moitié de la péninsule de Rybachiy. De plus ils devaient louer Hanko pour 30 ans et construire la ligne de Kemijarvi mais les Russes abandonnèrent le projet de pacte d’assistance mutuelle et restituèrent Petsamo.

Ces annexions étaient nécessaires sur le plan militaire. En effet, le fait de contrôler Hanko donnait le contrôle du golfe de Finlande, le fait de repousser la frontière permettait une défense de Leningrad en profondeur, les hauteurs de Salla protégeaient la voie ferrée de Mourmansk et la péninsule de Ribachiy améliorait la défense de Mourmansk. Ces éléments assuraient la sécurité militaire de l’URSS. Il est étonnant que Staline n’ait pas envahit complètement le pays, surtout quand on sait que cette opération, qui devait être une démonstration de force, tourna en combat de grande envergure et en guerre d’usure. Staline avait engagé 1 200 000 hommes, 1 500 chars et 3 000 avions.

 

Conclusion

Staline craignait certainement une intervention alliée alors qu’il voulait éviter d’entraîner son pays dans la guerre qui s’annonçait, ce qui explique sa réticence à envahir la Finlande. Les Russes perdirent, selon certaines sources, 600 000 hommes dont 200 000 tués. Les Finlandais dénombrèrent moins de 80 000 pertes dont 25 000 tués. Les Russes perdirent un important matériel et il est sûr que si l’URSS se trouvait à l’avenir dans une situation difficile les Finlandais en profiteraient. De plus, la nouvelle frontière chèrement acquise ne servit à rien lors de l’opération Barbarossa.

Cependant, les Russes tirèrent des enseignements de cette « victoire ». Il leur fallait une tactique d’infanterie plus souple et surtout une meilleure coordination entre les armes. De plus, ils intensifièrent l’entraînement des troupes. Pour les Finlandais, la frontière était plus dure et plus longue à défendre et les pertes étaient lourdes sur un effectif total de 200 000 hommes. Mais ils tirèrent aussi des enseignements de ce conflit. En 1941, elle possédait 16 divisions bien mieux équipées et entraînées. Géographiquement, la Finlande perdit un dixième de son territoire, sa seconde ville et des complexes industriels. En plus des frais occasionnés par la refonte de l’armée, les Finlandais durent reloger 400 000 réfugiés. Ils cherchèrent alors des appuis partout.

Les Russes s’attendaient à une campagne rapide qui s’achèverait par une occupation totale de la Finlande, mais les officiers se montrèrent incapables de se servir de leur abondant matériel. La doctrine militaire soviétique ne pouvait pas s’adapter à la Finlande, et ce fut la grande faiblesse des Russes. Leurs unités étaient entraînées pour opérer en terrain découvert, et non à combattre dans les forêts où ils étaient obligés de suivre les routes. Le pire de leurs défauts était l’État-major. Après les grandes purges qui éliminèrent jusqu’à 90% des cadres, les différentes armes n’étaient pas coordonnées et se battaient séparément, sans s’aider mutuellement. De plus, la présence des commissaires politiques limitait l’esprit d’entreprise et d’initiative des soldats. L’Armée Rouge était incapable de suivre les plans des rares chefs compétents qu’elle comptait dans ses rangs.

Les Russes étaient, paradoxalement, mal équipés pour la Guerre d’Hiver, et les unités de skieurs n’avaient pas d’équipement couleur neige ni de matériel capable de tenir par ce froid. Pendant toute la campagne, les conditions climatiques furent détestables, ce qui handicapa les Russes.

Même l’aviation russe eut des résultats décevants, la maîtrise totale des airs n’eut pas d’impact sur le résultat de la guerre. Elle obligea les Finlandais à des déplacements de nuit mais elle ne causa pas de pertes importantes et la DCA finlandaise lui infligea une perte de 800 appareils.

Malgré tout cela, la supériorité matérielle russe aurait dû lui assurer un rapide succès : sur la carte, la frontière paraît indéfendable. Mais le terrain se composant essentiellement de marécages, lacs et forêts, qui opposaient de nombreux obstacles à une armée moderne les Finlandais n’avaient finalement pas à tenir un front continu : en réalité, ils devaient défendre les principaux axes, et une armée modeste pouvait organiser des coups de forces très importants. Sur les 1 000 kilomètres de frontières, les Russes ne purent en réalité déployer que 12 divisions à la fois, donc 9 divisions pouvaient leur barrer le passage dans des conditions favorables à la défense.

L’URSS devait naturellement gagner à la longue, mais les Finlandais attendaient l’aide extérieure avant cette date. Le sous-équipement des forces finlandaises fut compensé par le moral et l’entraînement des hommes. Les chefs ont adapté leur stratégie à la géographie du pays et à ses conditions climatiques. Les hommes savaient utiliser à leur avantage les forêts et se déplacer sur la neige, pour prendre de flanc un ennemi contraint d’utiliser les routes. L’emploi des skis était très développé et les hommes étaient habitués à vivre dans le pays, à utiliser leur esprit d’initiative et d’entreprise individuel. Mais chose très importante, ils se battaient pour leur patrie et sa survie.

Une intervention des Alliés aurait tourné à la catastrophe car ils n’auraient tenu sur les fronts allemand et russe. Mais il reste qu’une nation de 4 millions d’habitants réussit à mettre en échec une armée gigantesque, ce qui est un exploit. Chose très importante, l’Allemagne, devant la défaite russe, se mis à sous-estimer sa puissance, ce qui fut déterminant pendant le conflit germano-russe.
Auteur : Guillaume Sevin