Océan Pacifique

Dates : 8 – 23 décembre 1941.

 

L’ennemi conserva une pression aérienne sur l’atoll. Jour après jour, les bombardiers Nell basés à terre attaquèrent, désormais couverts par des chasseurs Zéro et épaulés par des hydravions Mavis utilisés comme bombardiers, puis bientôt par des bombardiers en piqué Val des porte-avions Soryu et Hiryu. Les avions s’attaquèrent méthodiquement aux positions de défense et aux batteries américaines. L’un après l’autre, les chasseurs des défenseurs furent détruits : le reste de l’escadrille fut alors convertie en infanterie.

 

Carte des installations de défense

Carte des installations de défense

Pendant ce temps, à Pearl Harbor, une expédition de secours était prête à appareiller. Les secours à proprement parler consistaient à l’envoi du cargo Tangier et du pétrolier Neches : leur mission était d’apporter munitions et renforts ainsi que de nouveaux avions, et de ramener les blessés et une partie des civils à Pearl Harbor. L’expédition devait être protégée des attaques aériennes, de surface ou sous-marines par le groupe Saratoga. Ce dernier comprenait le porte-avions du même nom, trois croiseurs lourds et neuf destroyers. Mais la progression du groupe était considérablement réduite, la vitesse maximum de son élément le plus lent, le vieux Neches, étant de 12 nœuds.

 

Un canon anti-aérien de 3 pouces (76,2 mm)

Un canon anti-aérien de 3 pouces (76,2 mm)

Le 21 décembre, des renseignements parvinrent à Pearl Harbor, indiquant une importante concentration de forces aériennes basée dans les îles Marshall, et la possibilité que le groupe Saratoga rencontre des éléments de surface durant son approche de Wake. Sommé de choisir entre la retraite ou le renforcement de Wake, l’amiral Pye, agissant en tant que chef suprême de la Flotte du Pacifique, décida finalement que le risque était trop grand. Au regard des pertes subies à Pearl Harbor, il ne pouvait prendre le risque de perdre un porte-avions ou un autre navire capital. Finalement, la flotte de renfort fut rappelée : elle se trouvait alors à 425 miles de Wake.

Ce que les Américains ignoraient, c’est qu’à ce moment précis, quatre croiseurs ennemis patrouillaient à l’est de Wake, séparés de la couverture de leurs porte-avions par plusieurs centaines de miles, faisant donc une cible facile pour les aviateurs du Saratoga.

 

Photo contemporaine d'un vieux canon de 5 pouces (127 mm) sur Wake

Photo contemporaine d’un vieux canon de 5 pouces (127 mm) sur Wake

De même, ils ignoraient que la force d’attaque japonaise dirigée contre Wake ne s’était pas préparée à une éventuelle attaque américaine de surface (les Japonais étant persuadés que le coup porté à Pearl Harbor leur laissait le champ libre dans le secteur). Ces informations à la disposition des Américains, l’histoire de Wake aurait certainement été bien différente.

Du côté japonais, les mêmes difficultés que pour la première tentative étaient prévisibles, mais le haut commandement conserva presque inchangées les bases du schéma d’attaque. Le nouveau plan était, au fond, une version amplifiée par ses moyens de l’originale qui avait échouée. Les navires coulés furent remplacés par deux nouveaux destroyers (le Asanagi et le Yunagi), ainsi que d’un troisième ajouté, le Oboro.

 

Marines du 4ème battaillon embarquant à bord du Tangier au quai de Pearl Harbor, le 15 décembre 1941, à destination de Wake

Marines du 4ème battaillon embarquant à bord du Tangier au quai de Pearl Harbor, le 15 décembre 1941, à destination de Wake

En complément, deux porte-avions (le Hiryu et le Soryu avec 118 avions), suivis des croiseurs lourds Tone et Chikuma et des destroyers Tanikaze et Urakaze, furent détachés de la force d’assaut sur Pearl Harbor pour être dirigés vers Wake. L’amiral Isoroku Yamamoto, le commandant en chef de la Flotte combinée, était désormais convaincu que Wake, au contraire d’autres objectifs du centre du Pacifique, était une pierre d’achoppement majeure. Pour laisser un minimum d’opportunités aux batteries côtières, il fut décidé que le débarquement initial aurait lieu dans l’obscurité, bien avant l’aube. Et pour renforcer l’effet de surprise, il n’y aurait pas de bombardement naval préliminaire.

 

Épave du dernier avion américain, sur la plage où il s'est écrasé le 22 décembre avoir avoir détruit un Kate japonais

Épave du dernier avion américain, sur la plage où il s’est écrasé le 22 décembre avoir avoir détruit un Kate japonais

Les Marines repérèrent la force japonaise le 23 décembre à 2 heures du matin. À ce moment, les 1 000 hommes de l’infanterie de marine japonaise étaient déjà en train de prendre place dans les barges de débarquement : deux se dirigèrent vers Wilkes et les autres vers la côte sud de Wake.

Sur l’île de Wilkes : à 2 heures 45, la compagnie japonaise comprenant environ 100 hommes débarqua sur la plage, sous le feu nourri de mitrailleuses dominant le terrain.

 

Le porte-avions japonais Hiryu

Le porte-avions japonais Hiryu

 

La petite garnison de Marines sur l’ensemble de Wilkes était de 70 hommes environ. Très rapidement, les Japonais s’emparèrent de la position de batterie la plus proche, puis entamèrent un mouvement vers l’ouest pour capturer la seconde batterie. Ici s’arrête ce que les Japonais parvinrent à faire sur place. La progression s’avéra vite impossible, le feu de mitrailleuses camouflées les clouant au sol. Vers 4 heures, la situation s’était stabilisée : les Japonais tenaient solidement la position de la première batterie, mais entourés par les Marines qui leur empêchaient toute extension de la tête de pont.

 

Le croiseur léger Yubari, du contre-amiral Sadamichi Kajioka, utilisé dans les opérations contre Wake

Le croiseur léger Yubari, du contre-amiral Sadamichi Kajioka, utilisé dans les opérations contre Wake

Les deux groupes de Marines présents groupèrent alors leurs forces et tentèrent de reprendre la position perdue. Après la réussite de l’assaut, les pertes japonaises s’avéraient terribles : ils avaient au total perdu 4 officiers et 90 hommes.

Du côté américain, 9 Marines et 2 travailleurs civils avaient été tués. Mais la ligne de communication avec le poste de commandement était coupée, et cela induit le major Devereux en erreur sur le déroulement des opérations, lui laissant croire que Wilkes venait de tomber aux mains des Japonais.

 

Le navire de patrouille n° 33 échoué et détruit. Wake, 23 décembre 1941

Le navire de patrouille n° 33 échoué et détruit. Wake, 23 décembre 1941

Autour de 8 heures du matin, après que leurs forces aient été totalement repoussées, les Japonais entamèrent un bombardement aérien et naval, jusqu’à finalement parvenir à détruire ces fameuses batteries côtières.

Sur l’île de Wake, pendant ce temps vers la côte sud, les navires de patrouille no 32 et 33 (deux vieux destroyers) foncèrent délibérément vers le rivage afin de s’échouer à une des extrémités de l’aéroport. Alors que les compagnies japonaises sautaient à terre, le lieutenant Hanna et ses équipiers tirèrent avec un canon de 3 pouces dans la coque du navire qui explosa immédiatement. Aidés par la lumière du navire en flammes, Hanna et ses hommes reportèrent leur feu sur l’autre navire, qui fût à son tour sévèrement touché. Néanmoins, profitant de la concentration des défenseurs sur les deux destroyers, deux autres barges de débarquement réussirent à atteindre le récif, un peu à l’est du canal menant à Wilkes : la force japonaise, d’environ 100 hommes, prit rapidement position sur le rivage avant d’infiltrer la zone de broussailles devant eux.

 

Troupes japonaises rendant un dernier hommage au lieutenant Uchida, tué ainsi que 2 autres officiers et 29 hommes de son unité lors de l'assaut final

Troupes japonaises rendant un dernier hommage au lieutenant Uchida, tué ainsi que 2 autres officiers et 29 hommes de son unité lors de l’assaut final

Peu après, une nouvelle force de débarquement s’essaya près des destroyers échoués. Quelques instants plus tard, le détachement américain conservait toujours sa position au sud de l’aéroport, mais était désormais cerné par les renforts japonais qui tentèrent plusieurs assauts. Le Soryu et le Hiryu lancèrent alors leurs avions en soutien des troupes au sol. À 7 heures 15, les bombardiers en piqué parvinrent au-dessus de l’île et éventrèrent les positions défensives restantes. Avec son poste de commandement sous le feu ennemi, persuadé de la perte de l’île de Wilkes et au vu de l’écrasante supériorité aérienne ennemie, le major Devereux leva le drapeau blanc. La garnison, dispersée et épuisée, se rendit aux assaillants.

 

Épilogue

Quatre-vingt-un Marines, huit marins, et 82 travailleurs civils furent tués durant la bataille. Les Japonais, cependant, payèrent chèrement leur victoire. Des informations fragmentaires et de plausibilité variable proviennent de diverses sources. Néanmoins, les estimations suivantes peuvent être faites : 21 avions détruits et 51 endommagés, 3 navires détruits ou coulés et 8 endommagés, plus de 1.000 hommes tués ou disparus.

 

Major James P. S. Devereux

Le Major James P. S. Devereux, l’officier supérieur des Marines sur Wake

Au regard de la puissance accumulée pour l’invasion et des maigres forces des défenseurs, il s’agit d’une des batailles les plus humiliantes que la Flotte japonaise ait eue à subir. Enfin, la résistance de Wake avait ralenti la progression de la campagne japonaise prévue pour la conquête du Pacifique.

Énervés par leurs pertes, les Japonais traitèrent brutalement les prisonniers militaires. Certains furent contraints de se mettre nu ou à demi-nu. La plupart avaient les mains attachés dans le dos avec du câble de téléphone. Enfin, cinq des défenseurs furent décapités à bord du navire Nitta Maru. À l’exception de 100 travailleurs civils qui restèrent sur l’île, tous les autres furent envoyés en captivité avec les militaires.

 

Travailleurs civils marchant vers la captivité après leur capture par les Japonais

Travailleurs civils marchant vers la captivité après leur capture par les Japonais

Durant le reste du conflit, Wake fut la cible de raids aériens américains, le premier en février 1942. Le raid d’octobre 1943, cependant, eut des répercussions fatales pour les prisonniers sur place. Le commandant japonais de l’atoll, craignant que ces raids soient précurseurs d’un important débarquement et que ces civils se transforment en cinquième colonne, les fit tous exécuter. Pour cela, il fut condamné comme criminel de guerre après la fin des hostilités.

Wake ne fut pas reprise durant la guerre. Aucun débarquement sanglant ne fut tenté, car la supériorité aérienne américaine et leur contrôle des mers ne rendait pas la capture de l’île nécessaire. Les Américains reprirent possession de Wake après la capitulation japonaise en 1945.

 

Raid de bombardiers Dauntless sur Wake en 1943

Raid de bombardiers Dauntless sur Wake en 1943

En 1945, la garnison japonaise rendit Wake aux Américains après la capitulation

En 1945, la garnison japonaise rendit Wake aux Américains après la capitulation