Royaume-Uni, 1917-21

Destroyers classe Town

Ces 50 bâtiments n’ont pas étés construits en grande-Bretagne mais aux États-Unis. Ils restent le meilleur exemple de l’aide massive que reçut la Royal Navy des USA au début de la bataille de l’Atlantique, car ils furent transférés en septembre 1940 au titre de l’aide « lend -lease » (en échange d’une location aux USA pour 99 ans de possessions Britanniques en Indes orientales et en Guyane Britannique), pour la durée de la guerre et destinée à compenser les saignées subies par les destroyers de sa gracieuse majesté en 1939-40. A l’origine il s’agit de 50 bâtiments survivants des 271 « four-pipers » (« quatre-tuyaux » en référence à leurs cheminées) construits en masse par les USA entre 1917 et 1921, les Wickes et Clemson, mais aussi trois bâtiments de la classe Caldwell (1918). Ces bâtiments servirent également massivement au sein de l’US Navy et subirent de lourdes pertes. Par ailleurs, quelques uns seront transférés à l’URSS en 1944.

 

Le destroyer HMS Campbeltown en 1942, photographié après le raid de St Nazaire, encastré dans les portes

Le destroyer HMS Campbeltown en 1942, photographié après le raid de St Nazaire, encastré dans les portes

Acceptables en 1918, leur valeur militaire n’était plus aussi brillante en 1939. On critiquait leur mauvaise tenue en mer, leur faible armement et leur faible rayon d’action. Néanmoins, modernisés et réarmés ils furent d’un précieux secours au cœur de leur utilisation dans l’Atlantique et en Arctique. La plupart perdirent une partie de leurs chaudières, converties en réserves de mazout supplémentaires afin d’accroître leur autonomie, reclassés comme LRE et SRE (Short-Range et Long-Range Escort), équipés de nombreuses grenades ASM et de mortiers, de Hedgehogs, de radars, d’antennes huff-duff de repérage trigonométrique des U-Bootes, et naturellement d’asdic-sonars.

Certains furent convertis en transports de troupes, et d’autres choisis pour des missions périlleuses, comme le très controversé raid de Saint Nazaire dans lequel se distingua le Campbeltown, le plus célèbre de cette classe portant des noms de petites villes Britanniques. 9 seront transférés à la RCN* en même temps parmi ces 50 navires. En 1944, en standard, ils possédaient une pièce de 102 mm, 1 canon de 76 mm multi-usages, 3 à 4 canons Oerlikon de 20 mm, 3 tubes lance-torpilles (avec des torpilles britanniques Mk.II) et 60 à 80 grenades ASM. La fiche ci-dessous retrace le standard en 1941. Ils n’avaient plus que la moitié de leur puissance originelle, leur donnant 35 nœuds.

Engagés assez durement jusqu’en 1944-45, (certains destroyers prêtés aux Russes étant retournés aux Britanniques en 1952), 9 furent perdus au cours des combats. Ils s’agissait des HMS Campbeltown, Belmont, Beverley, Broadwater, Cameron, Rockingham, St Croix, St Francis (tous deux Canadiens) et Stanley.

L’histoire du Campbeltown est assez intéressante pour qu’on s’y attarde: Lancé en janvier 1919 sous le nom de USS Buchanan (DD131), en tant que 56ème unité de la classe Wickes, il ne connût pas les patrouilles dans l’Atlantique comme la majorité de ses compagnons, l’armistice survenant quelques temps après le début de sa mise en chantier. Cependant il assura son service au sein de l’US Navy à partir de 1920, et faisait partie des survivants des mises à la casse et en réserve des années trente. Au titre de l’accord Prêt-Bail négocié entre Roosevelt et Churchill et approuvé par le Sénat Américain, le Buchanan fut transféré en septembre 1940 à la Royal Navy. Sa première affectation, comme ses siter-ships fut d’escorter les convois vers l’Amérique. Il se distingua dans ce rôle, participant à la destruction de l’U-141.

En 1942, dans le plus grand secret, il fut transformé afin de ressembler à un torpilleur Allemand de la classe Möwe. L’idée était de s’approcher du port de Saint-Nazaire, base très importante dans le dispositif Allemand pour les navires de surface, dont le seul bassin de la côte capable d’abriter le redoutable cuirassé corsaire Tirpitz. Il s’agissait de neutraliser les défenses du port en débarquant un commando et d’envoyer le destroyer, dont la proue avait été remplie avec trois tonnes de TNT contre les portes du bassin. Le navire ne naviguait pas seul, mais avec des « matelots », 16 vedettes qui devaient ramener les 611 hommes dont les survivants des 257 commandos spéciaux. L’opération était tellement risquée qu’elle ne bénéficiait d’aucun soutien de la Royal Navy. Ce sera le plus audacieux raid de la Royal Navy depuis l’opération de Zeebruge en 1918.

Dans la nuit du 27 au 28 mars, l’opération fut lancée. Mais arrivés à moins de 1000 mètres de l’entrée du port, les Allemands alertés ouvrirent le feu et coulèrent d’emblée la moitié des vedettes, le Campbeltown étant généreusement « poivré » comme il se doit. Mais même gravement endommagé, (par des canons légers de DCA -les attaques de la RAF étaient plus à craindre-), il réussit à s’encastrer dans les portes de la cale sèche. Les commandos débarquèrent et une bataille féroce s’ensuivit avec la garnison Allemande: Il y eut 387 hommes qui n’en revinrent pas, et d’autres seront faits prisonniers. En fait 224 rentrèrent au pays sur les frêles vedettes survivantes, à l’aube, dans des conditions épouvantables. Les Allemands pensaient avoir fait échouer le raid, mais lorsqu’ils envoyèrent une compagnie inspecter le vieux destroyer réduit à l’état d’épave fumante, la bombe à retardement explosa à 11 heures 45, tuant 400 hommes, pulvérisant les portes du bassin et détruisant une partie des installations du port.

*Royal Canadian Navy

 

Spécifications techniques

Déplacement 1 315 t. standard -1 795 t. Pleine Charge
Dimensions 95,7 m long, 11,3 m large, 3,7 m de tirant d’eau
Machines 2 hélices, 2 turbines Westinghouse, 2 chaudières White-Forster, 13 000 cv.
Vitesse maximale 22 nœuds
Blindage Aucun
Armement 2 pièces de 102 mm (2×1), 2 de 20 mm AA, 3 TLT 533 mm (1×3), 20 Grenades ASM
Équipage 100