Nagumo, Chuichi (1887-1944)

Né le 25 mars 1887 à Yamagato, au nord de l’île de Honshu, Nagumo entre dans la Marine impériale en 1908. En 1917, il commande son premier destroyer et entre à l’École de Guerre l’année suivante. Il fait partie des dix premiers de sa promotion, à sa sortie en 1920, et maintient le cap d’une carrière brillante. Vers le milieu des années 20, Nagumo effectue des missions d’étude en Europe et aux États-Unis. À son retour, il dirige à nouveau des unités navales, puis obtient le grade de capitaine à l’École navale, en 1929. L’homme reste avant tout un passionné de la mer, et obtient à cet effet le commandement du croiseur léger Naka, puis de la 11ème division de destroyers. Le 15 novembre 1934, on lui confie le cuirassé Yamashiro. Avec le croiseur lourd Takao, il s’agit de la deuxième unité navale d’envergure à passer sous son commandement. Nagumo sera promu contre-amiral l’année suivante.

Chuichi Nagumo

Chuichi Nagumo

Lorsque la guerre de Chine éclate, Nagumo dirige alors la 8ème division de croiseurs. Il adresse cette profession de foi aux troupes engagées dans le conflit, le 15 juillet 1937 : « Je jure solennellement en ce lieu et en cette heure de participer à la guerre contre la Chine au risque de ma vie […] J’enverrai aux Chinois quelques décharges de mitraille et d’obus. Mon seul regret est de ne pas partir me battre en mer… » Preuve d’un indéniable patriotisme – d’aucuns diront « nationalisme » – et surtout d’un esprit, certes d’abord passionné par la marine et volontiers perfectionniste, soumis sans grande réserve à ses supérieurs hiérarchiques. Preuve encore que la guerre de Chine, telle qu’elle est amorcée en juillet 1937, s’annonce fraîche et joyeuse. Le Japon devra vite déchanter.

1939. La guerre éclate en Europe. Nagumo commande alors la 3ème division de cuirassés. Le 15 novembre de la même année, il est promu au grade de vice-amiral. L’année suivante, il dirigera l’École navale de Tokyo. Puis sera appelé au commandement de la 1ère flotte aéronavale, regroupant l’élite des porte-avions japonais, nomination qui ne l’enchantera guère. L’amiral Nishizo Tsukahara, commandant en chef de la 11e Flotte aérienne, rappellera à ce propos : « Nagumo était un officier de la vieille école, un spécialiste de l’attaque à la torpille et des grandes manœuvres. Ses origines, sa formation, son expérience, ses intérêts ne le prédisposaient pas à jouer un rôle majeur au sein de l’aéronavale japonaise. Il n’avait aucune idée du pouvoir véritable et des potentialités de l’armée de l’air lorsqu’il devint commandant en chef de la 1ère Flotte aéronavale ». Cela étant dit, Nagumo s’acquitterait parfaitement de sa mission, devenant l’un des plus redoutés leaders de l’aéronavale japonaise. Il est vrai qu’il serait entouré de brillants éléments : le commandant Minoru Genda, cerveau de l’aéronavale, le commandant Mitsuo Fuchida, pilote de combat et meneur d’hommes hors pair, et surtout le contre-amiral Rynosuke Kusaka, affecté en même temps que Nagumo à la 1ère Flotte par le Ministère de la Marine. Kusaka saurait pallier avec efficacité le manque d’expérience de son supérieur, au point que d’aucuns estiment qu’il en serait devenu son éminence grise – accusation qui reviendrait avec vigueur suite au désastre de Midway. Nagumo, qui dirige la Flotte expéditionnaire chargée de détruire Pearl, est considéré comme bien trop circonspect. On lui reprochera son refus de lancer une 3ème vague d’assaut contre la base américaine de Pearl Harbor, au matin du 7 décembre 1941. Cette vague aurait en effet pu détruire le porte-avions USS Enterprise (CV-6), de retour au port entre-temps, ainsi que les précieux dépôts de carburant de l’US Pacific Fleet.

De décembre 1941 à juin 1942, notre homme remporte, avec ses porte-avions, une série impressionnante de succès contre les marines alliées, au prix de pertes infimes. La chance tourne à Midway, le 04 juin 1942. Alors que ses porte-avions (réduits de six à quatre, pour cause de bataille de la Mer de Corail survenue entre-temps) doivent épauler la flotte d’invasion de cet atoll du Pacifique situé à mi-distance du Japon et de l’Amérique, tout en s’efforçant d’en finir avec les unités rescapées de l’US Navy, des escadrilles de torpilleurs américains tombent sur sa flotte et l’anéantissent. Trois porte-avions seront incendiés et coulés. Nagumo doit quitter son navire amiral, le porte-avions IJN Akagi, pour rejoindre le croiseur IJN Nagara.

Cette défaite le choque profondément et semble l’amener à se replier sur lui-même. Il laisse cette fois agir ses subordonnés, notamment Yamagushi, à la tête du porte-avions IJN Hiryu. Là encore, peine perdue. Si le porte-avions américain USS Yorktown (CV-5) est endommagé (et sera coulé par le sous-marin I-158), le dernier porte-avions nippon est envoyé par le fond dans la soirée.

Nagumo cherche à obtenir sa revanche, le 26 octobre 1942, lors de la bataille de Santa Cruz, pour le contrôle de l’île de Guadalcanal. Un porte-avions américain, le USS Hornet (CV-8), est coulé, un autre, le USS Enterprise (CV-6), est mis hors de combat, mais les deux tiers des pilotes nippons ne reviennent pas, consécration de l’usure de l’aéronavale japonaise – et la lutte pour Guadalcanal reste indécise.

Cet échec sonne le glas de la carrière de Nagumo. Il est affecté au commandement de la base navale de Sasebo, mais retrouve son poste de commandant en chef de la 1ère Flotte aéronavale en octobre 1943 et entreprend de la réorganiser. Il n’aura cependant pas le temps de la mener à la victoire…

Vers la mi-février 1944 en effet, l’aéronavale américaine accomplit des raids dévastateurs sur la base japonaise de Truk, position forte de l’archipel des Carolines. Si la flotte combinée de l’amiral Koga – le successeur de Yamamoto – a réussi à évacuer l’île à temps, 275 appareils nippons et 200.000 tonnes de navires auxiliaires sont détruits par les avions américains. Le Premier Ministre japonais, Hideki Tojo, prend alors la décision de muter Nagumo au commandement du secteur « Pacifique centre » en mars 1944. L’ancien vainqueur de Pearl Harbor installe ses quartiers à Saipan, l’île principale de l’archipel des Mariannes, prochain objectif de l’US Pacific Fleet sur la route de Tokyo.

Au cours de la bataille des Mariannes, Nagumo dirige l’aviation basée à terre, devant coopérer avec la Marine impériale pour annihiler l’US Navy dans un ultime baroud d’honneur. Le plan japonais, conçu par l’amiral Toyoda et mis en application par les amiraux Ozawa et Kurita, est un échec total. Trois porte-avions japonais sont coulés, près de cinq cents appareils sont abattus. L’aéronavale japonaise a cessé d’être.

Le 15 juin 1944, neuf jours après le débarquement en Normandie, les marines prennent pied à Saipan. En un mois, ils s’emparent – péniblement – de l’île. Alors que toute résistance organisée cesse d’exister le 06 juillet, Nagumo décide de ne pas tomber vivant aux mains de ses adversaires. À l’aube de cette journée noire pour le Japon, il se tire une balle dans la tête. Son corps sera retrouvé par les marines dans les ruines des bâtiments de l’Amirauté, son ultime poste de commandement.

 

Source : http://www.1939-45.org/