France

Dates : 10 mai – 22 juin 1940.

 

Tout le monde le sait, le début de la Seconde Guerre mondiale a été désastreux pour la IIIe République. Au départ, les Alliés adoptèrent une stratégie défensive d’attente, qui s’explique par leur retard sur le Reich en termes de préparation. De plus, cette stratégie permettrait de se renforcer grâce aux ressources internationales (accès à la mer) et surtout américaines. Les manœuvres prévues ne furent pas exécutées ou échouèrent (cas de la Norvège). Gamelin imagina néanmoins des opérations secondaires en Scandinavie, dans les Balkans et en Norvège mais ne réussira pas à assurer la défense de son front principal.

 

Troupes allemandes

Troupes allemandes

Stratégie française

La stratégie française se résume en quelques mots : « durer pour se renforcer ». Cela consiste surtout à mobiliser militairement et économiquement le pays pour le préparer à une guerre qui serait probablement longue. On était en effet conscients que les Alliés, ne pourraient lancer d’offensives d’ampleur avant 1941 voire 1942 pour les plans de production de l’armement. Dans l’attente de cette offensive, il faudrait affaiblir l’Allemagne par le blocus et résister à d’éventuelles attaques. Il faudrait alors prendre l’initiative de l’attaque comme en 1918. Mais on oubliait que durant la Première Guerre, les armées du Reich avaient été très affaiblies par les grandes offensives et ont été opposées à des ennemis bien supérieurs. Et ce n’est pas un blocus partiel qui permettra d’affaiblir à ce point la Wehrmacht. Cela explique que les Alliés n’aient pas bougé alors que l’armée allemande était engagée en Pologne. On surestimait alors ses moyens.

Dans l’attente de 1941-1942, il faudrait diviser les armées allemandes avec des fronts secondaires, surtout dans les Balkans. Mais Gamelin ne voulait pas engager de forces importantes dans ces secteurs, privilégiant le front principal et espérant l’entrée en guerre des pays balkaniques. Les Anglais pensaient comme lui. Au contraire, Paul Reynaud était partisan d’une attitude plus agressive, avec engagements massifs de troupes franco-britanniques, sur les fronts secondaires. Weygand voulait une intervention dans les Balkans. Mais il n’y aura pas assez de troupes, comme le montre les minces effectifs engagés en Norvège.

Avance allemande en France en 1940

Avance allemande en France en 1940

La machine de guerre allemande

Après la guerre en Pologne, on peut tirer plusieurs conclusions sur l’armée allemande. En effet, la Wehrmacht était de plus en plus puissante, malgré certaines déficiences. Hitler poussait maintenant ses officiers à étendre la guerre, contre l’avis de l’OKH (haut commandement de l’armée de terre allemande : « Oberkommando des Heeres »). Cela lui vaudra de violentes critiques, et entraîna une tentative de putsch. Mais Hitler réussira à imposer ses idées. Le plan « Fall Gelb » est mis au point, malgré de nombreuses critiques. En effet, le 1er septembre 1939, la Wehrmacht n’était pas prête pour une guerre de longue durée, malgré les plans de redressement. En effet, en 1933, l’armée allemande ne comptait que 7 divisions sans matériel lourd ni blindés. L’aviation allemande, la Luftwaffe, n’existait pas encore et la marine ne comptait pas encore les U-Boote. En 1939, l’armée de terre compte 104 divisions, dont 6 blindées.

 

Français victorieux dans la Sarre

Français victorieux dans la Sarre

L’aviation compte 4000 avions tandis que la marine aligne 5 navires de lignes, 40 bâtiments légers, croiseurs et destroyers, et 57 sous marins. Mais il y a encore des problèmes. En effet, la marine ne dispose pas des réserves de combustible ni des chantiers navals nécessaires pour une guerre longue. L’armée allemande n’est pas préparée à un conflit étendu dans le temps. La marine subira de lourdes pertes en Norvège et ne s’occupera, ensuite, que de la sécurité maritime. Elle ne pourra pas empêcher l’évacuation de l’armée franco-anglaise par Dunkerque, ni déminer des secteurs côtiers qui auraient facilité le ravitaillement des troupes. La Luftwaffe, est très moderne, mais ne peut mener que des opérations tactiques, et pas d’opérations stratégiques lui permettant à elle-seule de faire triompher le camp allemand. Elle dispose de 4 000 appareils dont 1 500 bombardiers. L’armée de terre a aussi des problèmes, puisqu’elle n’est pas, elle non plus, en mesure en 1939 de mener une guerre d’envergure.

Tombes d'un soldat français (gauche) et allemand (droite)

Tombes d’un soldat français (gauche) et allemand (droite)

En moyenne, il manque pour chaque division d’infanterie d’active non motorisée l’équivalent d’un bataillon. De plus, l’artillerie et les blindés ne seront réellement prêts qu’en 1941. 2 divisions blindées sur 6 ne seront constituées qu’en 1938. Une division légère, deux de montagne, et deux d’infanterie sont formées à partir de l’armée autrichienne. Les divisions qui ont été constituées après la mobilisation sont de qualité très inégale dans tous les domaines (personnel comme matériel). Mais le problème majeur concerne l’approvisionnement en munitions durant les premiers mois de la guerre. Les allemands ne sont pas prêts à une guerre sur deux fronts. L’OKH a prévu 4 mois de réserves, mais rien que pour les armes individuelles, le déficit atteint parfois 70%. Pour l’artillerie, il atteint 50% et pour l’artillerie lourde, 75%. Il n’y a en plus aucune uniformité dans l’équipement et les structures. La production de guerre n’a pas pu suivre le rythme de la mobilisation, surtout pour les 50 divisions supplémentaires. 15 divisions ont du matériel tchèque, tout comme 10% des blindés.

Artillerie française

Artillerie française

Pour ce qui est des hommes en eux même, 50% sont jeunes et aguerris, le reste est constitué de réservistes nés avant 1901 et ayant été entraînés pendant la Première Guerre. Et ce constat est encore plus inquiétant pour les officiers. En effet, de 4 000 officiers en 1933, la Reichwehr en compte 19 400 en 1939. Mais pour cela, dès 1935-36, on est obligé de promouvoir au grade supérieur des centaines de sous-officiers et d’incorporer des officiers de police et de réserve. Le corps des officiers est donc de qualité inégale et les cadres qui ont eu une formation d’état major ne ont pas sûrs de la combativité de l‘armée. L’armée allemande a eu une croissance très rapide par rapport à l’armée de 1914, qui est arrivée à maturité après plusieurs décennies. Cela se remarque en Pologne où la victoire est dûe uniquement à l’aviation et aux blindés. La combativité de l’armée ne vaut pas celle de l’armée allemande de 1914.

Artillerie allemande

Artillerie allemande

Durant la campagne de Pologne, la consommation de poudre a dépassé de 80% la production mensuelle, la production d’explosifs de 167% et pour les munitions d’artillerie, le triple. Malheureusement, ces réserves seront complétées durant la pause jusqu’en mai 1940. Du point de vue des camions et autre véhicules à moteur, l’infanterie ne peut compter que sur le cheval. Il y a en effet réquisition de 400 000 chevaux et de 200 000 véhicules à traction hippomobile contre 12 000 véhicules à moteur. La production mensuelle de 1 000 unités ne permet même pas de répondre à l’usure normale des matériels. De plus, certaines divisions ont perdu 50% de leurs véhicules durant la campagne de Pologne. La production de véhicules est ralentie par la pénurie d’acier et de caoutchouc. Mais les Soviétiques livreront aux Allemands du fer, en plus du butin constitué en Pologne. L’URSS exige en contrepartie des matières premières, des machines, de l’équipement, et du matériel naval qui manquera aux Allemands.

Soldats britanniques tués

Soldats britanniques tués

Le Reich doit encore payer les ressources importées de Finlande, de Yougoslavie, et de Suède dont l’armée a grand besoin. Le manque de matières premières est catastrophique pour l’Allemagne. Au début de la campagne de France, le carburant couvre 4 mois de combat, le caoutchouc, 6 mois. L’Allemagne ne peut donc pas mener une guerre longue, malgré sa légère supériorité matérielle, contre des puissances supérieures économiquement. C’est pourquoi l’Allemagne a mis au point la stratégie de la guerre éclair. Entre 1939 et 1940, l’armée allemande fait encore des efforts dans la motorisation de l’armée et dans la puissance des unités blindées. Les Allemands produisent des chars plus lourds, comme les Panzer III ou IV, qui surclassent les Panzer I (avec des mitrailleuses) et les Panzer II (avec un canon léger).

Ainsi, le nombre des engins lourds a doublé tandis que celui des chars légers a diminué de 280. De ce fait, au moment de la guerre, le nombre de blindés est passé de 3 195 à 2 574 à la veille du 10 mai 1940. En revanche, ces unités sont mieux organisées et ont une puissance de feu accrues. De novelles divisions (Panzer et motorisées) ont été crées à partir de matériel tchèque comme Skoda 35 ou 18 t. On arrive donc au chiffre de 10 divisions blindées et de 7 divisions motorisées. Mais ces dernières ont moins de chars que celles des Alliés. Il faudra donc prélever des engins sur les divisions de réserve. C’est aux divisions de pointe de remporter la victoire. Il faudra donc une victoire rapide génératrice de butin…

Un soldat français blessé demande de l'aide

Un soldat français blessé demande de l’aide

Les préliminaires

La première vague allemande en mai 1940 est constituée de 35 divisions d’infanterie et des troupes motorisées et blindées. Ces hommes sont très entraînés, et avec un moral élevé. De plus, l’instruction des officiers a été améliorée, ils sont alors supérieurs aux officiers alliés. La victoire en France va reposer, comme en Pologne, sur les unités blindées et motorisées, ce qui ne permettra pas réellement d’évaluer la combativité des divisions d’infanterie. Au début de la guerre, en septembre 1939, Hitler espérait que les Alliés franco-britanniques ne mèneraient pas de réel conflit. Il espérait qu’ils se trouveraient contraints de déclarer la guerre à l’URSS, ce qu’ils n’oseraient pas.

 

Panzer en France en 1940

Panzer en France en 1940

Hitler pensait que la Pologne mettrait fin à la guerre. Mais du fait de la victoire facile, il se tourne vite vers l’ouest pour détruire la France et isoler la Grande Bretagne. Le 27 septembre 1939, Hitler déclare qu’il ne faut pas laisser l’initiative aux Alliés, mais profiter de la supériorité de l’Allemagne pour écarter toute menace, surtout sur la Ruhr. Le problème se pose à nouveau sur l’éventualité d’une guerre longue. Il faudra donc une guerre éclair. Une fois les bases aériennes et navales du Nord de la France, en Belgique et en Hollande sous contrôle allemand, il serait possible de mettre l’Angleterre à genoux. Mais Hitler se méfie de la Belgique, il faudra donc porter les opérations sur une partie des Pays-Bas.

Allemands en France en 1940

Allemands en France en 1940

C’est l’OKH qui devra mettre au point le plan d’opérations, sans attendre la réponse des Anglais à sa demande de paix, le 6 octobre. Le 9, il s’explique sur les raisons de l’offensive à venir. Il explique aussi qu’il veut prendre la direction des opérations. La conquête de la France devrait lui permettre d’occuper les bases, et d’avoir les ressources nécessaires et l’espace qui lui permettraient d’obliger les Anglais à céder. Pour Hitler, il faudra faire deux offensives majeures à travers la Belgique, le Luxembourg et la Hollande. Les blindés auront le rôle d’éviter le retour à une guerre de position. De son côté, l’OKW (Haut commandement inter-arme : « Oberkommando der Wehrmacht ») donne ses directives à l’aviation, à l’armée de terre et à la marine. La date de l’offensive dépendra du temps.

Soldats allemands sous le feu

Soldats allemands sous le feu

Mais cette offensive ne fait pas l’unanimité. Von Brauchitsch par exemple, commandant de l’armée de terre, s’oppose à cette offensive, qu’il voit d’un mauvais oeil. En effet, il connaît les capacités de l’armée française, même si sa doctrine est trop « méthodique et rigide ». Surtout, il sait, comme de nombreux généraux, que le Reich ne peut supporter une guerre longue. Et du fait de la passivité des Alliés, il se pourrait que la guerre s’achève par une issue politique. L’OKH se prépare à la défense, refusant de violer la neutralité belge et hollandaise, ce qui empêcherait toute négociation. Il faudrait juste contre-attaquer si les Alliés pénétraient dans la Ruhr. Mais Hitler n’est pas de cet avis et l’OKH doit quand même mettre au point un plan d’offensive. Beaucoup d‘officiers supérieurs doivent agir contre leurs idées, dont Göring. Seul Raeder, chef de la marine, accepte sans broncher. Il ne reste à l’OKH qu’à essayer de temporiser pour négocier par l’intermédiaire de contacts secrets des opposants avec les Britanniques.

Rouen en flammes

Rouen en flammes

De son côté, Karl Heinrich von Stülpnagel rédige un mémoire contre cette offensive. Il explique qu’il faut encore attendre 2 ans pour que l’Allemagne puisse lancer une nouvelle offensive, les dotations en munitions étant insuffisantes et les unités blindées ayant souffert en Pologne. Brauchitsch ne manqua pas de critiquer ce projet devant Keitel, chef de l’OKW. Le chef du Groupe d’Armée C, von Leeb, commente le discours de Hitler du 6 octobre devant le Reichstag comme « un mensonge adressé au peuple allemand ». Il cherche aussi à convaincre von Bock et von Rundstedt, également sceptiques, dans une démarche allant vers leur démission si Hitler ne fait pas marche arrière. Il s’adresse aussi à von Brauchitsch pour que ce dernier essaie de convaincre Hitler.

Il pensa même aller jusqu’à renverser le pouvoir hitlérien par un coup d’état. Un certain nombre d’officiers contactèrent même les Anglais via le Vatican pour voir leur réaction en cas de coup de force. Les événements semblent arrivés à leur paroxysme. Mais suite à une dispute entre le Führer et von Brauchitsch, les officiers pensent que leur conjuration est découverte et annulent tout. De plus, ils ne sont pas sûrs que les officiers et le peuple ne les suivent. Il ne reste plus qu’à obéir à Hitler. Mais l’oberleutnant Oster communique aux Hollandais la date du 12 novembre et les plans allemands. Le but est de protéger les pays neutres et d’amener l’Allemagne à un échec, la guerre totale étant encore hors de portée du Reich.

Officiers allemands en France le 20 juin 1940

Officiers allemands en France le 20 juin 1940

Le plan Allemand

Pendant ce temps, l’OKH met au point plusieurs plans d’offensives. Le premier plan, mis au pont par Halder, est assez traditionnel : attaque frontale au nord de Liège, protégée par une autre par la Belgique, en Hollande et dans le Nord de la France. Ce n’est qu’une réédition du plan Schlieffen de 1914. Il n’y a en outre aucun plan pour exploiter une victoire des forces allemandes. Puis entre novembre 1939 et mai 1940 est mis au point le plan Fall Gelb. Il résulte des idées de von Manstein et d’Hitler. Il faudra 3 groupes d’armées, au sud les GAC, de Bâle jusqu’au Palatinat, qui doit fixer les forces alliées puis attaquer ultérieurement afin d’exploiter la victoire. Le GAA, au sud de la ligne Meuse-Sambre, est le fer de lance de l’attaque avec 7 divisions de Panzer. Il lui faudra traverser la Meuse entre Dinant et Sedan puis aller jusqu’à l’embouchure de la Somme, avec son flanc gauche protégé.


La pointe, constituée d’unités mécanisées, prendra ainsi à revers les fortifications françaises. Une armée de ce groupe doit aller jusqu’au secteur Liège-Houffalize, afin d’encercler Liège par le sud, puis franchir la Meuse à Fumay et poursuivre à l’ouest. Les armées alliées seront alors encerclées par le groupe A et détruites. La 13e armée du groupe B doit aussi occuper les Pays-Bas pour éviter une jonction des Belges, des Franco-britanniques et des Hollandais. La Luftwaffe doit soutenir l’armée de terre, dont un tiers est chargé d’assurer la protection de l’ouest du Reich. La marine doit assurer le siège de la Grande-Bretagne, le soutient des troupes au sol et le blocage des transports alliés.
Comme nous le savons tous, le plan Fall Gelb sera une des plus grandes victoires de notre siècle…

 

Les opérations

Organisations

Le 10 mai 1940, la Wehrmacht entre en Hollande tandis que la Luftwaffe bombarde les aéroports et lâche des parachutistes. C’est alors que les gouvernements hollandais et belges appelèrent à l’aide. Gamelin lança alors la manœuvre Dyle-Bréda, qui était très critiquée par le général George, commandant du front nord-est. En effet, elle répondait à des préoccupations plus politiques que stratégiques. Entrer en Belgique jusqu’à la Bréda pour aider les Hollandais, nécessite l’intervention de la VIIe armée du général Giraud, jusqu’alors tenue en réserve. Cela aurait pu marcher si les Allemands avaient agi comme en 1914. Ce ne fut pas le cas et il n’y aura plus d’armées de réserve pour agir rapidement. Les plans allemands de 1939 correspondaient aux idées d’offensives allemandes prévues par les Français, mais ils ont été modifiés le 18 février 1940, selon l’ordre de Hitler, et suivant les idées de von Manstein.

Désormais, le plan Manstein accroît l’importance du centre allemand au détriment de l’aile droite (qui entrera en Belgique du Nord et en Hollande). Le GACentre doit percer les défenses de la Meuse pour pousser vers Abbeville et l’estuaire de la Somme. Le but est d’isoler les forces françaises qui se seraient avancées en Belgique. Enfin, le flanc sud a pour but de fixer les armées du Rhin et les défenseurs de la ligne Maginot. Le plan est néanmoins assez dangereux. En effet, faire pénétrer rapidement d’importantes formations blindées par les Ardennes, puis s’engager en plein dispositif français sans protection des flancs est assez audacieux. En revanche, on a assigné pour cette tâche jusqu’à 10 Panzer divisionen. Le 10 mai, les Allemands sont organisés comme suit : au nord, l’aile droite et le GAB de von Bock (29 divisions dont 3 Panzer) ; le GAA au centre sous von Rundstedt dispose de 7 Pzd et de 37 divisions. Au sud, le GAC de von Leeb avec 17 divisions. Le centre est donc très puissant. C’est à lui qu’incombe la tâche de prendre par surprise l’ennemi français très rapidement.

Les Français, au contraire, comptent sur une stratégie défensive. Gamelin est conscient que son armée de terre n’est pas prête malgré des efforts au cours de la drôle de guerre. Mais si les Allemands attaquent, il faudra bien mener la guerre. Le dispositif français est comme suit. Tout d’abord, le commandant du front nord-est a 3 GA (le GA1 sous le général Billotte de la mer à Longuyon avec 39 divisions dont 9 britanniques, le GA2 sous Prételat de l’est de Longuyon jusqu’à Sélestat qui tient les défenses de Metz, de la Lauter et du Bas Rhin, enfin, le GA3 veille sur le Haut Rhin. Ces deux dernières totalisent 43 divisions). De plus, 23 divisions sont tenues en réserve, dont 6 entreraient en Belgique et les autres défendraient la Suisse en cas d’offensive allemande. Pour ce qui est du GA de Billotte, un élément mobile doit pénétrer en Belgique (Giraud, Blanchard et Corap) avec les troupes les plus modernes dont 3 divisions légères motorisées, 1 division cuirassée et 5 divisions d’infanterie motorisées. De plus, de Givet à Longuyon, appuyées sur la Meuse et la Chiers, 10 bonnes divisions couvertes par de la cavalerie à cheval et motorisée servent à combler l’espace entre la région fortifiée et l’élément mobile. On ne pensait pas alors que l’on puisse percer par les Ardennes, ou que même si les Allemands essayaient, on pourrait rapidement les stopper. C’était oublier la doctrine militaire française qui stipule que « tout obstacle non battu par le feu est un obstacle nul »…

10 mai – 3 juin 1940

Le premier, le GA de von Bock, avance au Nord afin d’attirer l’attention, tandis que les armées du centre se dirigeaient secrètement au point de passage, à travers l’Eifel et les Ardennes. Les Allemands lâchent aussi des parachutistes, sur la Haye et les aérodromes. En 4 jours, l’armée de von Bock oblige les Hollandais à se rendre. Giraud n’aura pas pu les aider. La manœuvre Breda a échoué tandis que la VIIe armée est engagée le long du littoral jusqu’à Flessingue. Du côté des Belges, appuyés sur la ligne Liège-Anvers, qui repose sur la Meuse et le canal Albert, on retrouve le même scénario. Deux commandos aéroportés prennent deux ponts sur le canal, tandis qu’un commando des sapeurs d’assaut prend le fort d’Eben Emaël. Pendant ce temps, deux PzD sous Hoeppner prennent Maastricht où le génie construit un pont durant la nuit. En une journée, les positions belges sont enfoncées. Il aurait fallu cinq jours pour que les renforts alliés ne viennent et puissent se poser sur la puissante position entre Louvain et Namur. Les Alliés entrèrent en Belgique le 10 à 6 heures 30 avec le corps de cavalerie de Prioux en tête, constitué des 2e et 3e divisions légères motorisées, qui doivent couvrir, entre la Dyle et le canal, le corps expéditionnaire britannique et celui de Blanchard. Le 11, Prioux est en contact avec les Allemands. Il explique alors au général Billotte qu’il faudrait rester sur l’Escaut, mais n’est pas écouté.

Au contraire, les divisions alliées accélèrent leur progression pour occuper la ligne Louvain-Namur. Le corps britannique à Dyle, la Iere armée doit s’installer le 13 au niveau de la trouée de Gembloux. En même temps, le corps Hoeppner attaque violemment la cavalerie française. Le 14, une division marocaine, ainsi que la 15e division d’infanterie de montagne, tiennent le canal devant les Panzer pour permettre aux Belges de se replier sur la ligne Louvain-Angers. Au centre, la IXe armée occupe la zone de la Meuse jusqu’au confluent de la Bar, tandis que la IIe armée occupe la zone entre Sedan et Longuyon. Mais c’est entre Sedan et Dinant, au milieu des deux armées, que vont pénétrer les Panzer qui ont traversé les Ardennes. Le groupement blindé von Kleist a deux corps blindés, le 19e de Guderian a 3 PzD pour entrer en France par Sedan, tandis que Reinhardt avance sur Monthermé. Au nord, ils sont couverts par le 39e corps avec 2 PzD (dont celle de Rommel). Rommel le premier traversa la Meuse. Il arriva sur la rive droite le 12, s’infiltra par le canal de l’île de Houx et attaqua en force le 13. Pendant ce temps, à Monthermé, Reinhardt ne peut sortir de la vallée encaissée, bloqué par une demi-brigade de mitrailleurs coloniaux. Le même jour, Guderian passe la Meuse soutenu par l’aviation. Grâce aux ponts du génie, les Panzers retrouvent l’infanterie sur la rive gauche.

Le 14, les contre-attaques menées par des petits groupes de Français échouent. Corap est donc coupé de Sedan, menacé au centre par Reinhardt, au nord par Rommel. Il ordonne la retraite sur la frontière et laisse donc seule la Ière armée qui devra se replier sur l’Escaut. En quelques jours, les Allemands partis de Sedan vont isoler les forces alliées. En 5 jours, Guderian arrive à Abbeville et la baie de la Somme, ce qui impressionne Hitler lui même. Saint-Omer est atteinte par Reinhardt le 24 tandis que Hoth déborde Arras le 23. Mais l’infanterie motorisée a du mal à suivre ce rythme. De ce fait, il y a entre les forces en Belgique et les armées que reforme le général George un couloir de 100 kilomètres. Les flancs allemands sont vulnérables. De Gaulle essaya de contre-attaquer sur ces derniers, le 20 mai, avec la 4e division cuirassée, les 2e et 3e PzD.

Le 19, Gamelin réfléchit à une manœuvre en tenaille depuis Arras et la Somme pour couper le couloir à son point le plus large. Il est alors, le jour même, démis de ses fonctions au profit de Weygand. Il reprend l’idée et ordonne au GA1 de marcher au sud, tandis que la VIIe armée ferait route au sud. Mais le temps joue contre les Français et il est bientôt trop tard pour éviter l’encerclement. Le 25, lord Gort propose un repli sur Dunkerque alors que l’armée belge est violemment prise à parti. Weygand suit cet ordre alors que le groupement Molinier, encerclé dans Lille, ne capitulera avec les honneurs que le 1er Juin. À Dunkerque, 220 000 britanniques et 100 000 Français embarquent. Mais sur les plages se trouvent 1 million de prisonniers et des tonnes de matériels.

Une dernière chance

Après le 20 mai, la situation devient de plus en plus critique pour les Français. En revanche les divisions Panzer, qui ont coupé les communications alliées des armées du Nord, ont avancé les flancs à découvert. Les troupes d’exploitation sont toujours au niveau de la Sambre. L’OKH craint d’ailleurs une nouvelle bataille de la Marne. En effet, il suffirait aux armées du Nord de percer vers le sud et des armées de la Somme vers le Nord. Cette double offensive permettrait de priver les Panzers de ravitaillement. Gamelin prévoyait des plans en ce sens mais est limogé le 19 mai et remplacé par Weygand. Il faudra 3 jours à ce dernier pour mettre au point un autre plan du même type. Le 24, il faudra combler la brèche au niveau de Bapaume, ce qui signifie que dans le même temps le front restera statique. Le 21 mai, le commandant du corps expéditionnaire britannique, Gort, essaie de rétablir les communications avec les lignes françaises de la Somme, qui se trouvent à 40 kilomètres, dans une offensive par Arras. Il dispose pour ce faire de deux divisions et d’une brigade blindée. Rapidement, la situation de la 7e Panzer est critique, et les chars allemands doivent faire demi-tour. Mais du fait du manque de blindés et puisque l’opération de soulagement de Weygand était relativement faible, l’ultime chance de victoire s’évanouissait. Plus le temps passe, plus le plan français devient impossible à réaliser.

Le dispositif allemand se constitue et se renforce au fil des jours. De la même façon, le réduit français se rétrécit. En effet, les 9 PzD attaquent au Sud en cercles concentriques, tandis que le groupe von Bock progresse en Belgique. 46 divisions alliées sont encerclées, soit 1 million d’hommes. A cela s’ajoute 1 million de réfugiés. Boulogne est aux mains des allemands le 24 mai tandis que le flanc du GA1 est découvert. « Les Français tiennent les deux extrémités du front sud. Le gros de la Ière armée est comprimé au sud-est de Lille. A l’ouest, le littoral est défendu par deux divisions de série B (60e et 68e DI). Là réside la clé du dispositif français. Si ce point s’effondre, l’encerclement sera total » (Michèle Battesti). Gort se rend alors compte que le plan Weygand n’est plus qu’une utopie. Les troupes britanniques sont à demi-ration, avec 10 jours de munitions pour l’artillerie. Il faut soit se rendre, soit trouver une solution rapide.

Dunkerque (26 mai – 4 juin)

Le 24 mai, le War Office anglais ordonne le retrait du matériel lourd à partir du Havre. Gort décide en parallèle de retirer ses troupes au nord d’Arras. De ce fait, Weygand ne peut plus exécuter son plan d’offensive. Gort organise une défense en hérisson le long des cours d’eau du nord. Le 25, il ordonne le retrait sur Dunkerque. Le 27, le War Office ordonne le retrait par voie maritime. Les Anglais avaient songé à cette possibilité très tôt, et commencé à organiser cela dès le 19 mai. Churchill avait approuvé un plan consistant à réunir un grand nombre de navires de toutes tailles vers les ports français. Au départ, il fallait déplacer des troupes dans le cadre de la contre-offensive. L’amiral Bertram Ramsay avait alors réquisitionné une flotte de 126 navires. Le 26 mai à 18 heures 57, commence l’opération « Dynamo » qui paraît alors n’avoir aucune chance. On prévoit 45 000 hommes en deux jours mais il n’y en aura le premier jour que 7 669. Le second, le chiffre est porté à 17 804. Mais cela reste très inférieur aux prévisions les plus pessimistes.

De plus, les Allemands sont encore présents. Même si les forces de surface n’interviendront pas, les sous marins (U-Boote) et les S-Boot (Schnell-Boot) feront des sorties. Mais ce sera la Luftwaffe qui portera l’effort principal. En effet, le 27 mai, 30 000 tonnes de bombes incendiaires seront larguées sur la ville. Les Stukas s’acharneront sur les navires. Les soldats embarquant seront mitraillés. Les opérations de jour seront rapidement annulées. Enfin, les Allemands largueront des mines magnétiques. Les Anglais ne seront pas en reste et les Spitfire et Hurricane abattront 133 avions allemands. Heureusement pour les Alliés la mer d’huile favorisera l’opération qui durera 9 jours, et le plafond relativement bas gênera les mouvements de la Luftwaffe.

Deuxième élément, les Panzer se sont arrêtés. Depuis le 24 mai, la ligne Lens-Aire-Gravelines n’a été traversée par aucun char. Cette inaction est le résultat d’un ordre direct de Hitler, tandis que les officiers supérieurs allemands voudraient détruire les armées alliées. On ne sait pas vraiment ce qui a motivé cet ordre. Peut-être Hitler a-t-il voulu ménager les Anglais pour leur éviter une humiliation. Mais quoi qu’il en soit, Hitler a commis une erreur majeure. On ne pense alors plus qu’au plan rouge. Pour Hitler, Fall Gelb est terminé. Le second temps de la campagne, c’est à dire prendre à revers la ligne Maginot pour en terminer avec l’armée française. Autre hypothèse, les Panzer sont exténués et ont atteint les marécages des Frandres, qui effraient le soldat de la Grande Guerre qu’est Hitler. C’est donc à la Luftwaffe de Göring de donner le coup de grâce. Dans le même temps, Weygand se rend compte qu’il ne peut plus contre-attaquer. Il ordonne donc à ses armées du nord de se replier. Le but est maintenant de former une tête de pont solide soutenue par la mer. Mais les Belges, qui devraient soutenir le flanc français, capitulent rapidement. En effet, le 27 mai, les Belges reculent devant von Bock, acculés à la mer et encerclés de réfugiés civils. Le 28 mai à 5 heures, Léopold III ordonne l’armistice. Le GA1 est donc sans protection.

La situation empire le 27 mai, quand Hitler annule son ordre. Les Panzer repartent à l’assaut avant de partir pour la Somme et l’Aisne. Ils ne sont alors plus qu’à 8 kilomètres de Dunkerque et pilonnent la ville avec leur artillerie. La position alliée s’étend sur plus de 100 kilomètres de profondeur pour 40 kilomètres maximum de largeur. Petit à petit, les Allemands continuent à avancer et menacent de couper les Alliés de la mer. Le 29 mai, Weygand ordonne le repli général et abandonne l’idée d’une tête de pont. Mais c’est trop tard : même si von Bock exploite mal la capitulation belge, et même si les Allemands hésitent, la chute de Cassel entraîne le repli (contre l’avis de Weygand) des Anglais. De ce fait, les Anglais abandonnent l’arrière-garde française. Le 28 mai, d’ailleurs, 6 divisions de la première armée sont encerclées près de Lille. Elles se rendront le 31 mai après une lutte féroce, ce qui donne un répit à Dunkerque. Le général Wögner offre tous les honneurs militaires au général Molinié, chef de ces divisions françaises. La réponse de Berlin ne se fera pas attendre et Wögner sera limogé.

Le 30 mai au soir, les derniers Anglais ont rejoint la tête de pont, encombrée de matériel abandonné. Mais la Luftwaffe ne parvient pas à stopper l’opération Dynamo. Peu à peu, les évacuations deviendront plus importantes. Le 29, partiront 47 310 hommes, 53 823 le 30, puis 68 014 le 31. Ils seront débarqués à Douvres. Pour ce faire, les Britanniques usent d’une logistique impressionnante. Il existe aussi d’autres points d’évacuation à l’est de Dunkerque. La Royal Navy fait appel à toutes les embarcations disponibles et à tous les hommes (pêcheurs, retraités …). De plus, 300 navires de guerre et de commerce français participent activement à l’opération. Une fois que les soldats sont dans le navire, on rejoint Douvres par la route Z, longue de 39 milles. Mais du fait de la proximité de l’artillerie allemande (la route longe la côte), une route Y de 87 milles est organisée. Cette fois, ce sont les S-Boot, patrouilleurs lance-torpilles, qui rendent dangereux ce point de passage. Après le 29 mai, une route X (55 milles) est draguée et sécurisée. Le 31 mai, 165 000 soldats seront évacués, mais seulement 15 000 Français. En effet, les soldats français sont refoulés, voire jetés à la mer.

Le même jour, se tient une rencontre à Paris entre Churchill, Weygand et Reynaud. Pour le premier, la France est virtuellement vaincue. Les propos sont en revanche pleins de « générosité ». Churchill par exemple insiste pour que les Français embarquent les premiers et que les Anglais assurent la défense !!! Mais il est vrai que le 1er juin, 35 013 Français sont évacués avec 29 416 Anglais. Falgade, commandant des troupes de défense du périmètre de Dunkerque, se bat avec acharnement et bravoure. Mais vite on se rend compte que ce sont les Français qui sont la dernière ligne de défense. A 3 contre 1, les Français résistent et même si les Allemands progressent, ils ne percent pas. Entre le 3 et le 4 juin, l’arrière-garde française est embarquée, tandis que les Allemands pénétrent dans les faubourgs de Rosendaël. L’organisation anglaise est une fois de plus exemplaire : les navires doivent aller si vite qu’ils ne jettent pas d’amarres.

À 3 heures 30, le dernier navire appareille. Ainsi, même si 30 000 Français n’ont pas été évacués et sont restés sur la plage, 342 618 franco-anglais auront été sauvés (1/3 de Français). Mais les pertes auront été lourdes : 2% des soldats embarqués ont été tués, 250 navires coulés (sur 860), dont 6 destroyers sur 39, 5 torpilleurs et deux contre-torpilleurs français. Dunkerque est un exploit de logistique et de courage. Mais 3 armées françaises ont été détruites, tout comme l’armée belge, et le corps expéditionnaire anglais. En chiffres, les Alliés ont perdu 1 200 000 hommes dont beaucoup de prisonniers, tandis que les Allemands comptent 10 255 tués, 8 543 prisonniers et 42 523 blessés. Pour finir, entre le 4 et le 25 juin, au cours de l’opération Aerial, 191 900 personnes seront évacuées de France pour échapper aux Allemands. Cela démontre l’importance du contrôle de la mer. Mais pendant ce temps, la France agonise…

L’avance de la 7e Panzer de Rommel

Au 5 juin, Rommel (avec la 7e Panzer), se trouve dans la région de Flixécourt et Bourdon, au nord du canal de la Somme. Les 19 et 20 mai, tous les ponts, d’Amiens à la mer, ont été détruits sauf deux ponts de chemins de fer, oubliés par les démolisseurs, qui se trouvent dans le secteur de Rommel. Ce dernier ordonne d’enlever les rails pour laisser passer ses chars. En face, des soldats sénégalais. Les Allemands qui travaillent sont hors de vue des coloniaux. Les défenseurs n’ont pour se défendre qu’un canon AC de 25 mm. Mais ils tiennent. Même si les Panzer percent au Sud, dans une vallée morte, Hangest, point d’appui principal des Sénégalais, tient toujours. L’attaque d’un bataillon blindé échoue du fait du terrain (les moteurs calent), mais Rommel envoie vite des automoteurs de 150 mm pour préparer une attaque d’infanterie. A la fin de la matinée, la ville est investie. Les Panzer attaquent alors vers le sud, débouchant sur le plateau qui va de la Somme à la Seine. Ils sont accueillis par l’artillerie lourde française et par des Sénégalais cachés dans les bosquets. Le point de Quesnoy-sur-Airaines a été solidement fortifié, et il faudra attendre l’arrivée des Panzer IV pour le réduire.

Le 6 juin, durant la nuit, les Français ont contre-attaqué avec des chars, détruisant une batterie de 88. Mais à partir de 10 heures, Rommel avance déployé sur 2 kilomètres et profond de 20. La Xe armée du général Altmayer est coupée en deux, la ligne Weygand est percée. Les Français se rendent alors réellement compte qu’ils n’ont plus aucune chance de boucher la faille. Le 7 juin, Rommel entre en Normandie, et seul la rivière Andelle le coupe de Rouen. Mais cette ligne est défendue par des éléments franco-britanniques. La 7e Panzer échoue d’abord à Sigy, mais, le 8 juin, perce et fonce sur Rouen. Rommel tombe sur une colonne blindée britannique mais le soir, il n’est plus qu’à 8 kilomètres de la ville. Rommel décide alors de capturer deux ponts sur la Seine, en fonçant sur Elbeuf. Les paysans qui les voient passer les prennent pour des Anglais, et les acclament puisque les Allemands ne pourraient pas être déjà là !!! Le bataillon de motocyclistes de la division est envoyée pour capturer les ponts. Puis Rommel perd tout contact avec eux. Il se rend sur place et se rend compte qu’ils n’ont toujours pas attaqué. Mais alors qu’il leur réitère son ordre de prendre les ponts, ces derniers sont détruits. Le 25e régiment Panzer se dirige alors vers Boos, tandis que Rouen est prise par la 5e Panzer.

Rommel prépare ensuite une offensive contre le IXe corps d’armée français, et la 51e division britannique. La chute de Rouen a rendu leur position très risquée. Ils manquent d’être encerclés et leur seule chance de salut résiderait en une retraite de 100 kilomètres vers le Havre. Et Rommel est bien décidé à la leur couper. Élément décisif, les Alliés progressent de 20 kilomètres par jour alors que Rommel avance à 40 kilomètres par heure. Le 10 au matin, les engins de reconnaissance allemands sont en vue de la Manche, aux Petites-Dalles, encerclant 50 000 soldats alliés. La solution pour les généraux Ihler et Fortune résiderait en un réembarquement. Dans cette poche française, il existe deux ports, Saint Valéry et Dieppe. Mais le second a été rendu impraticable par les Français afin qu’il ne tombe pas aux mains des Allemands. Il faut donc tenir jusqu’à l’arrivée des navires alliés.

Le 10, deux destroyers britanniques sont atteints par l’artillerie allemande alors que Rommel renforce sa position. Il occupe une falaise qui domine le port, d’où son artillerie et ses mitrailleuses pilonneront les Alliés. Malgré la défense acharnée de ces derniers, la poche se rétrécit inexorablement. Fortune annonce au War Office que la seule chance de s’en sortir consiste en une évacuation maritime dans la nuit du 11 au 12 juin. Rommel se rend compte de ce qui va se passer et accroît la pression sur les Alliés. Les Franco-britanniques profitent du brouillard pour se cacher et attendent les navires de secours. Ils ne viendront pas … Ihler capitule le 12 juins à 8 heures, Fortune le même jour à 11 heures. En effet, les 3 bataillons écossais, privés de l’appui des Français et d’armement lourd, ne peuvent plus résister. Les Allemands auront capturé 12 généraux, 46 000 hommes, 100 canons, 58 chars, 368 mitrailleuses et plus de 1 000 camions.

L’effondrement

Au lendemain de Dunkerque, Weygand ne dispose plus que de l’équivalent de 71 divisions. La Luftwaffe domine le ciel alors que 139 divisions allemandes se réorganisent afin de reprendre l’offensive. Le 29 mai, les troupes motorisées et blindées quittaient Dunkerque pour devenir le fer de lance de la seconde phase de l’opération. En face, Weygand compte sur le terrain et les lignes d’eau pour retarder le choc inévitable. Le nouveau front passe par la Somme, le canal Crozat, l’Ailette et l’Aisne jusqu’à Vouziers puis est relié à la Ligne Maginot par Montmédy. Le front n’est pas d’égale qualité. Si le front sur l’Aisne existe depuis mai, le front de la Somme est assez faible, plus encore car les Allemands ont créé des têtes de pont sur la rive sud. Malgré les contre-attaques, rien ne peut ébranler ces avant-gardes allemandes. Weygand propose alors une tactique en hérisson : des points d’appui laissent passer les chars mais bloquent l’infanterie d’exploitation. Début juin, c’est ce qui se met en place alors que le général en chef essaie de reconstituer deux groupements blindés autour des 1ère et 3e Divisions Cuirassées.

Il faudrait disposer de troupes pouvant attaquer sur les flancs les colonnes de Panzer. L’offensive reprit le 5 juin. A ce moment l’organisation de l’armée allemande a été modifiée : l’armée du Rhin passe à 24 divisions, le GAB de von Bock (qui devra attaquer Paris et la Basse Seine) compte à présent 41 divisions et 6 PzD, et le GAA de von Rundstedt (qui doit prendre à revers la ligne Maginot) se voit attribuer 41 divisions et 4 PzD. Au jour fixé pour lancer l’offensive, le GAB attaque le GA3 (20 divisions). Mais si la 7e armée du général Frère résiste, la 10e armée est enfoncée par Hoth dès le 6 juin. Le 9, Rommel atteint la Seine. Manstein avec son 18e corps d’infanterie motorisée fait tout aussi vite. Le 9 toujours, le GAA attaque. La 12e armée est bloquée par De Lattre de Tassigny et Aublet entre l’Argonne et Rethel. Mais à l’ouest de Rethel, La PzD de Guderian crée une tête de pont. Le groupement blindé Buisson contre-attaque et ralentit un moment l’avance allemande, mais à l’ouest, le front s’écroule. Le 10, l’armée allemande atteint la Meuse. De ce fait, la ligne de l’Aisne doit être reculée en direction des monts de Champagne.

À partir du 10 juin, la guerre est virtuellement terminée. L’armée française est en retraite sur toute la largeur du territoire, sans réserves. Toutes les divisions sont désorganisées et mélangées à des milliers de réfugiés. Le 12 juin, Weygand annonce au conseil des ministres que la guerre est perdue et que « la cessation des hostilités s’impose ». En réalité, le GA2, malgré des prélèvements, constitue encore un « ensemble homogène », et le front italien tient pied à pied. Mais l’avance allemande est très rapide, dans toutes les directions. Hoth force la Basse Seine le 13 juin. Le même jour, von Kleist déborde Paris et prend les ponts de Nogent et de Romilly. Le 14 la « ville ouverte de Paris » est occupée. Hoth prend la route de la Bretagne et de Cherbourg où les Anglais rembarquent le 18, juste avant que la garnison ne se rende le 19. Plus à l’est, la 12e armée et Guderian avancent également très vite. Chaumont est prise le 14, Besançon et Vesoul le 16, la frontière suisse le 17. Le GA2 est isolé dans les Vosges, attaqué par le GAC depuis la Sare et le Rhin le 14. Au centre, mis à part le cas de la résistance des ponts de Saumur, la Seine et la Loire sont rapidement franchies.

Pétain devient président du conseil après la démission de Paul Reynaud. Il débute les négociations le 17. Le 21, à Rethondes, une délégation française « prend connaissance des conditions d’armistice ». Elles sera signées le lendemain. Le GA2 a tenu jusqu’au dernier moment. Les garnisons de la Ligne Maginot ne déposeront les armes que début juillet. Dans les Alpes et sur l’Isère, la 6e armée (général Olry) se bat jusqu’au 25, moment où les Italiens et les Allemands la prennent à revers (lire La bataille des Alpes 20 – 25 juin 1940).

 

L’Armistice

Début juin 1940, la France est désorganisée et sur le point d’être vaincue. Il n’y aura pas de nouvelle bataille de la Marne. Les milliers d’actes héroïques ne compensent pas les pertes énormes. Le 16 juin, Reynaud démissionne, espérant peut-être que Lebrun (président de la République) le rappelle dans un nouveau cabinet dont seraient éliminés tous les partisans d’un arrêt des combats. Mais c’est Pétain qui fut appelé. Ce dernier fit tout pour communiquer avec l’Allemagne et l’Italie. Le 17, Pétain annonce à la radio : « L’heure est venue de cesser le combat ». Cette phrase a fait sensation car sous-entendait que des milliers de soldats étaient morts pour rien. Il y avait alors 3 solutions :

    • l’armistice qui engageait le gouvernement.
    • la capitulation de l’armée (punie de mort par le code militaire français car déshonorante).
    • La continuation de la guerre avec les colonies, la marine ..

La seconde alternative était impensable. Un accord franco-britannique du 28 mars 1940 avait fixé que les deux pays ne pourraient conclure ni armistice, ni paix séparée. Les Anglais y consentiraient si la marine et l’aviation quittaient la France pour l’Afrique ou les ports britanniques. Le problème est que si la France continuait la guerre en Afrique, Hitler pourrait franchir l’Espagne et envahir l’Afrique du Nord. Le 18 juin 1940, De Gaulle fit un discours à la BBC pour que la France continue le combat. Mais il était seul. De son côté, Mussolini voulait sa part du gâteau. Les Allemands ne voulaient pas d’une paix mais d’un armistice. L’armistice entre la France et l’Allemagne est signé le 22 juin à 18 heures 30 en forêt de Compiègne, dans le wagon de l’armistice de 1918. Le 23 juin, les plénipotentiaires français arrivent à Rome, l’armistice sera signé le lendemain.

En 45 jours, l’armée allemande a détruit 8 divisions hollandaises, 22 belges, 9 britanniques et 94 françaises. Les armées britanniques ont pu être rembarquées mais tout leur matériel est resté aux mains des Allemands. Toutes les côtes, de la Norvège au golfe de Gascogne, sont occupées par les forces allemandes. C’est donc une pique évidente en direction de la Grande-Bretagne. Une fois de plus, la Blitzkrieg a montré son efficacité. Poussé par le temps, Hitler a du chercher rapidement la décision et a pour cela forgé une puissante machine de guerre. A cela s’ajoute un plan audacieux qui a créé la surprise initiale. Mais il ne faut pas oublier que la France s’est battue. Les Français eurent 90 000 tués (soit autant que lors des six premiers mois de la Première Guerre mondiale), 200 000 blessés et 1,9 million de prisonniers. Les Allemands, eux, dénombrèrent 27 000 morts, 120 000 blessés et 18 000 disparus. Les Belges perdirent 7 500 hommes et les Anglais 3 500.

 

Auteur : Guillaume Sevin