Les héritages de la Première Guerre mondiale

À la conférence de la Paix réunie à Paris, de janvier à mai 1919, le «conseil des quatre» (France, Royaume-Uni, Italie et États-Unis) avait imposé la volonté des vainqueurs aux vaincus, respectant peu les principes annoncés dans les Quatorze Points du président Thomas Wilson. Ainsi, les rancœurs furent nombreuses et alimentèrent les problèmes des relations internationales de l’entre-deux-guerres. L’Allemagne, considérée comme responsable du conflit, était non seulement amputée territorialement, mais aussi désarmée et, surtout, soumise au paiement, pour des décennies, d’énormes réparations. Elle jugea que le traité de Versailles qui lui était imposé était un diktat inadmissible.

L’Europe centrale et orientale se retrouvait morcelée : la disparition de l’Autriche-Hongrie se traduisant par la création de nombreux petits États souvent très fragiles, mécontents de frontières qui ne tenaient que fort peu compte des problèmes de nationalités — autant de germes potentiels pour de nouveaux conflits. Les vainqueurs s’étaient surtout préoccupés de construire « un cordon sanitaire » contre l’extension de l’idéologie révolutionnaire hors de l’URSS. L’Italie, bien que victorieuse, était elle aussi mécontente de son sort, estimant la victoire « mutilée », car ses revendications territoriales en Dalmatie et en Albanie n’étaient pas satisfaites. Le Japon jugeait très insuffisantes ses acquisitions en Asie.

La France, le Royaume-Uni et les États-Unis avaient plus ou moins atteint leurs objectifs de guerre ; ils avaient anéanti l’arsenal militaire allemand, réorganisé l’Europe et, en 1920, institué la Société des Nations (SDN), dont l’objectif était de garantir la sécurité et la paix. Cependant, très vite, leurs politiques divergèrent. La France, dirigée par Georges Clemenceau, n’avait pas obtenu les garanties qu’elle demandait contre l’Allemagne ; elle se heurta au Royaume-Uni, qui, avec Lloyd George, prônait une politique plus modérée à l’égard des vaincus. Les États-Unis, quant à eux, étaient retournés dès 1919 à leur politique isolationniste traditionnelle ; le Sénat, désavouant Wilson, refusa de ratifier les traités.

 

L’échec des efforts de paix

Si les années vingt apparurent comme une période marquée par la volonté de bâtir une paix stable, la situation changea radicalement avec les effets de la grande crise et la montée des fascismes. La création, en 1920, à Genève, de la SDN répondait à un idéal généreux et soulevait un grand espoir : elle devait garantir la paix par la sécurité collective. Elle ouvrait une tribune internationale à tous les pays adhérents (mais seuls les vainqueurs ou les pays restés neutres pendant le conflit pouvaient y adhérer). Les pouvoirs de la SDN restaient toutefois limités à ses capacités de persuasion ; en cas de difficultés, elle ne pouvait prendre, contre un État récalcitrant ou qui contrevenait aux principes de l’organisation, que des décisions de sanctions morales ou économiques — ses membres étant libres de les appliquer ou non. En outre, les États-Unis, n’ayant pas ratifié le traité de Versailles, n’adhérèrent pas non plus à la SDN, limitant ainsi son action. D’autres indicateurs éclairent sur l’esprit pacifique des années vingt. Lors de la conférence de Washington, en février 1922, les principales puissances navales (États-Unis, Royaume-Uni, France, Japon, Italie) décidèrent d’un commun accord de limiter leur flotte selon un ratio déterminé. Les accords de Locarno, issus de la conférence du même nom (du 5 au 16 octobre 1925) illustrèrent la courte période de réconciliation franco-allemande, sous l’égide des deux ministres des Affaires étrangères, Aristide Briand et Gustav Stresemann ; ils furent accompagnés par leurs homologues britannique (Joseph Chamberlain) et belge (Émile Vandervelde), ainsi que par Benito Mussolini, chef du gouvernement italien. Les accords signés garantissaient les frontières européennes, en particulier celles de la France et de la Belgique avec l’Allemagne. En 1926, la France, rassurée, accepta l’admission de l’Allemagne à la SDN. Autre symbole du pacifisme à son apogée : le pacte Briand-Kellogg (des noms du secrétaire d’État américain et du ministre français des Affaires étrangères), signé à Paris le 27 août 1928 par une soixantaine d’États, était un pacte de « renonciation générale à la guerre » dont les signataires s’engageaient à résoudre tous les conflits « de manière pacifique ».

 

La montée des fascismes et l’établissement des dictatures totalitaires

Au sortir de la Première Guerre mondiale, les problèmes liés à l’application des traités ainsi que les difficultés économiques et sociales auxquelles furent confrontés les gouvernements les fragilisèrent rapidement et favorisèrent la montée des contestations politiques, en provenance de la gauche révolutionnaire communiste, mais aussi de nouvelles organisations qui revendiquaient une idéologie nouvelle, le fascisme.

 

L’Italie fasciste

Face à une situation de crise à la fois économique, sociale et morale, l’Italie s’orienta vers le fascisme dès 1920. En 1921, Benito Mussolini fonda le Parti national-fasciste ; le 29 octobre 1922, il devint le chef du gouvernement et instaura une dictature nationaliste, fondée sur un État fort et dominée par un parti unique. Dans les années trente, de nombreux pays tombèrent à leur tour sous la domination de régimes dictatoriaux, plus ou moins directement inspirés du système italien ; les pays qui conservèrent un régime démocratique ne furent pas à l’abri du développement de partis fascistes plus ou moins virulents qui cherchèrent à déstabiliser les institutions. Les régimes fascistes se caractérisèrent par des politiques extérieures nationalistes, impérialistes et agressives, qui entraînèrent la déstabilisation des relations internationales et furent responsables du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale.

Paradoxalement, dans un premier temps, l’Italie tenta de se rapprocher des démocraties occidentales et, en avril 1935, à la conférence de Stresa, fut signé un accord entre la France, le Royaume-Uni et l’Italie. Les trois États semblaient s’unir contre l’Allemagne, mais cet accord demeura lettre morte en raison des volontés d’expansion de Mussolini et de son rapprochement avec l’Allemagne nazie.

 

L’Allemagne hitlérienne

La République de Weimar, qui dirigea l’Allemagne après la Première Guerre mondiale, ne put surmonter la grande dépression consécutive à la crise économique de 1929. Face au mécontentement de la population, le Parti communiste et le Parti national-socialiste remportèrent de nombreux succès. En janvier 1933, Adolf Hitler, le chef du Parti nazi, fut nommé chancelier par le président de la République Paul von Hindenburg. Le Führer (« guide ») prônait un fascisme dont la spécificité essentielle était son racisme exacerbé. Face à l’humiliation du diktat de Versailles, Hitler mit en avant la théorie du Lebensraum, c’est-à-dire le fait de procurer davantage d’espace vital au peuple allemand ; son appartenance à une race « supérieure », la race aryenne, donnant, selon lui, des droits sur les autres peuples.

 

Le Japon expansionniste

Le Japon n’adopta pas formellement un régime fasciste, mais l’influence de plus en plus grande de l’armée sur le gouvernement et sur l’empereur Hirohito amena le pays à une politique expansionniste dans toute la sphère de l’Asie de l’Est et du Sud-Est. Prenant, en 1931, le prétexte d’un affrontement d’importance négligeable avec les troupes chinoises près de Moukden (aujourd’hui Shenyang), les armées nippones envahirent toute la Mandchourie, le 18 septembre 1931, créant ainsi l’État-satellite du Mandchoukouo. En janvier 1932, le Japon conquit Shanghai et une partie du littoral, puis, dans les années qui suivirent, étendit sa domination à toute la Chine du nord. En 1937, lors d’une campagne d’une extrême violence, il chercha à s’emparer du reste de la Chine, dont il soumit les régions conquises à un régime d’occupation particulièrement sévère.

 

L’URSS stalinienne

En Russie, l’après Première Guerre mondiale fut également caractérisé par l’avènement d’un nouveau régime politique, qui favorisa l’installation d’une dictature (celle-ci ne reposait pas sur le fascisme, mais sur le communisme). En effet, en février 1917, la révolution des Soviets obligea le tsar Nicolas II à abdiquer. Puis, en octobre 1917, une nouvelle insurrection entraîna la mise en place d’un gouvernement soutenu par les bolcheviks et dirigé par Lénine. Le Parti bolchevique prit le nom de Parti communiste et une guerre civile ensanglanta le pays. Ainsi, en 1922, un nouvel État fut instauré, l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) et bientôt Staline prit la direction du Parti communiste et du pays, instaurant un régime de terreur au sein d’un État totalitaire.

 

Les agressions des dictatures

Hitler s’engagea dans une politique de violation du traité de Versailles : dès 1933, il quitta la SDN ; en 1935, il dénonça les clauses de désarmement du traité de Versailles, reconstitua une nouvelle force aérienne, la Luftwaffe, réintroduisit la conscription obligatoire (en mai 1935) ; il remilitarisa, en mars 1936, la Rhénanie, sans déclencher d’autres réactions que des protestations oratoires de la France. Hitler mit son nouvel armement à l’essai lors de la guerre d’Espagne, en soutenant les forces putschistes du général Franco. Cette opération, qui dura de 1936 à 1939, lui permit d’entrer en collaboration plus étroite avec Mussolini, qui soutenait également les chefs militaires rebelles. En outre, le Duce avait, dès 1935, commencé à mettre en pratique ses visées expansionnistes ; les armées italiennes s’étaient emparées de l’Éthiopie (3 octobre 1935), mettant en évidence les impuissances de la SDN, brouillant l’Italie avec le Royaume-Uni et la France.

Le rapprochement de l’Allemagne, de l’Italie et du Japon aboutit à la signature de plusieurs traités d’alliance ; en novembre 1936, l’axe Rome-Berlin fut proclamé et, le 25 novembre 1936, un pacte Antikomintern, auquel l’Italie adhéra l’année suivante, fut signé entre le Japon et l’Allemagne. Les trois États constituèrent les puissances de l’Axe.

 

La marche vers la guerre

L’Anschluss

Hitler se lança dans une politique expansionniste en annexant l’Autriche en mars 1938. Mussolini lui apporta son soutien. Les démocraties européennes demeurèrent passives, s’inquiétant davantage de leurs problèmes de politique intérieure et considérant le problème du statut de l’Autriche comme une affaire interne à l’Allemagne — ce que revendiquait Hitler. Les États-Unis, par ailleurs, avaient considérablement limité leur pouvoir d’action en cas d’agression d’un autre pays, en votant une loi sur la neutralité qui leur interdisait d’apporter une assistance matérielle aux nations en proie à un conflit international.

La Tchécoslovaquie et la conférence de Munich

En septembre 1938, Hitler menaça d’annexer par la force la zone frontalière de la Tchécoslovaquie, la région des Sudètes, où vivaient 3 millions d’habitants d’origine allemande. Le Premier ministre britannique Neville Chamberlain entama des négociations qui débouchèrent sur une conférence à quatre (lui-même, Hitler, Mussolini, et Daladier pour la France) ; ni la Tchécoslovaquie ni l’URSS n’étaient représentées. Le 29 septembre 1938 furent signés les accords de Munich, par lesquels les Tchèques, sous la pression des Britanniques et des Français, cédèrent la région des Sudètes à l’Allemagne, contre la promesse d’Hitler de ne pas s’emparer d’une plus grande partie du territoire tchèque. L’intégrité de la Tchécoslovaquie avait été sacrifiée par ses alliés, pour sauvegarder la paix. Munich fut le symbole de la passivité des démocraties. L’Europe fut soulagée : les Britanniques, partisans affirmés de la politique d’apaisement, pensaient avoir obtenu « la paix pour notre époque », les Français étaient plus perplexes ; certains, très critiques, condamnèrent cette reculade, d’autres estimèrent qu’elle permettrait de gagner du temps pour se préparer à une guerre jugée inéluctable.

Moins de six mois plus tard, en mars 1939, Hitler s’empara du reste de la Tchécoslovaquie et constitua le protectorat de Bohême-Moravie. Alarmé par cette nouvelle agression et par les menaces d’Hitler à l’égard de la Pologne (revendication de Dantzig et du corridor polonais), le gouvernement britannique déclara qu’il viendrait en aide à ce pays si l’Allemagne menaçait son indépendance. La France avait déjà signé un traité de défense mutuelle avec la Pologne.

Les systèmes d’alliance

Cependant, les puissances de l’Axe continuaient de s’organiser en vue d’une guerre et, le 21 mai 1939, l’Allemagne et l’Italie signèrent le pacte d’Acier, un traité d’assistance militaire. Face à la montée de la crise, l’Union soviétique de Staline occupait une place primordiale. Maintenant que la guerre menaçait, l’URSS se voyait placée devant une alternative : les deux parties lui proposaient des négociations. Les pourparlers avec les démocraties à propos d’un pacte d’assistance mutuelle n’aboutirent pas ; Staline jugeait son pays trop faible encore pour se lancer dans un conflit et Hitler lui faisait des propositions plus attirantes. Alliée avec le Royaume-Uni et la France, l’Union soviétique aurait été obligée de combattre alors que l’Allemagne ne lui demandait que sa neutralité. Ainsi, le pacte germano-soviétique fut signé à Moscou, dans la nuit du 23 août 1939. La partie officielle, qui fut publiée le lendemain, mentionnait que l’Allemagne et l’Union soviétique s’engageaient à ne pas intenter d’actions l’une contre l’autre : c’était un pacte de non-agression. Mais un protocole secret délimitait les « sphères d’influence réciproques en Europe orientale » et permettait à Staline de s’emparer de la Finlande, de l’Estonie, de la Lettonie et de la Bessarabie, territoire de la Roumanie ; les deux États décidèrent également de se partager la Pologne. Le pacte germano-soviétique permettait donc à Hitler de continuer sa politique expansionniste sans craindre (au cas où les forces franco-britanniques se décideraient à intervenir) le risque d’avoir à combattre sur deux fronts.

 

Source : « Guerre mondiale, Seconde » Encyclopédie Microsoft® Encarta® en ligne 2003