Après la guerre, les populations européennes qui avaient subies la barbarie nazie demandèrent justice. C’est dans cette optique que fut mis en branle le procès de Nuremberg où furent jugés les principaux chefs nazis. Ils étaient accusés d’un crime nouveau, celui contre l’Humanité, concept alors inédit.
Le procès
Qui sont ces hommes ?
Premier rang, de gauche à droite (voir photo ci-dessous) : Hermann Göring , Rudolf Hess , Joachim von Ribbentrop , Wilhelm Keitel , Ernst Kaltenbrunner , Alfred Rosenberg , Hans Frank , Wilhelm Frick , Julius Streicher , Walther Funk , Hjalmar Schacht.
Deuxième rang, de gauche à droite : Karl Dönitz , Erich Raeder , Baldur von Schirach , Fritz Sauckel , Alfred Jodl , Franz von Papen , Arthur Seyss-Inquart , Albert Speer , Konstantin van Neurath , Hans Fritzsche.
Chefs d’accusation
Ce n’est qu’en 1945 que le monde découvre officiellement et avec effroi la réalité : six millions de Juifs, du seul fait de leur naissance, ont péri dans les chambres à gaz, de même que des tziganes et des homosexuels. L’Europe et le monde sont atterrés. La nature humaine est-elle donc capable de telles atrocités ?
Le Premier ministre britannique, Churchill, réclamait le châtiment des crimes commis. Une autre solution fut retenue : le jugement des principaux dirigeants du IIIe Reich et d’organisations civiles et militaires national-socialistes. Les modalités du procès furent fixées au cours de la conférence de Potsdam, le 8 août 1945. Les pays alliés signeront ensuite les accords de Londres établissant les statuts d’un tribunal spécial interallié, composé de quatre juges représentant les quatre grandes nations (un américain, un britannique, un soviétique et un français). Le choix du lieu est symbolique : Nuremberg, l’ancienne « ville sainte » du nazisme (qui avait accueilli notamment des parades nazies). Les plus hauts dignitaires du parti national-socialiste et les chefs de la Wehrmacht comparaîtront devant lui pour y répondre de trois principaux chefs d’accusation:
– crimes contre la paix ;
– crimes de guerre : violation des lois et coutumes de guerre, c’est-à-dire p.ex. assassinat, mauvais traitements de prisonniers de guerre, exécution d’otages, pillage de biens publics ou privés, destruction sans motif des villes et villages… ;
– crime contre l’humanité, c’est-à-dire tout acte inhumain commis contre les populations civiles, toute persécution pour motifs politiques, raciaux ou religieux.
Le verdict est rendu le 1er octobre 1946 : 12 sont condamnés à mort, 3 à la prison à vie, 4 à des peines de 10 à 20 ans ; 3 sont acquittés.
Une image de la justice
Déjà en 1918, nombre de généraux et d’hommes politiques français avaient souhaité constituer un tribunal pour juger Guillaume II et les chefs militaires allemands. Mais ce sont les atrocités de la deuxième guerre mondiale qui provoquent, pour la première fois dans l’histoire, la création d’un tribunal affirmant juger au nom de la conscience universelle.
Les limites du procès
Le procès, pour lequel il fallut, au préalable, définir une loi écrite internationale, érigeait en quelque sorte les vainqueurs en juges des vaincus : il parut donc partial aux Allemands, d’autant plus qu’il n’inscrivait pas dans sa compétence les exactions causées par des chefs alliés.
Pour exemple, le procès a occulté l’exécution par les Soviétiques de 4 500 officiers polonais découverts dans le charnier de Katyn, tout comme les bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki par l’aviation américaine. Par ailleurs, de nombreux responsables nazis en fuite ont échappé à son verdict et certains d’entre eux ont même été utilisés et protégés par les Alliés eux-mêmes, à l’époque de la guerre froide.
À l’inverse, le procès pouvait passer pour être celui de la nation allemande dans son ensemble. Or il existait des familles allemandes anti-hitlériennes et parmi les alliés, on comptait aussi des collaborateurs au régime hitlérien.
Du moins les accusés purent-ils librement choisir leurs avocats et présenter le système de défense qui leur paraissait le plus efficace.
Mais le grand succès du procès de Nuremberg a sans doute été, au-delà de la condamnation et du châtiment des coupables, de démonter le mécanisme de destruction mis en place par les nazis (le processus de dénazification en Allemagne devait suivre), et de faire reconnaître juridiquement les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité tout en définissant le crime de génocide.
L’introduction d’une justice internationale
Dans son principe, ce procès représente quelque chose de positif puisqu’il constitue une première pierre de l’édifice d’une justice internationale. Le tribunal de Nuremberg a ébauché de fait une juridiction internationale qui s’exprime aujourd’hui dans deux instances créées par le Conseil de sécurité de l’ONU :
– le tribunal pénal international de La Haye pour juger les crimes de guerre commis dans l’ex-Yougoslavie, créé en 1993 ;
– le tribunal pénal international d’Arusha chargé de juger les instigateurs du génocide rwandais, créé en 1995.
Et l’on est en passe de mettre sur pied une Cour pénale internationale, susceptible de juger tous les crimes de guerre et crimes contre l’humanité, où qu’ils aient été commis. Son avenir dépendra de la volonté de la » communauté internationale « …
Trois dates à retenir dans l’édification de la justice internationale :
En 1948, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté une convention pour prévenir et punir le crime de génocide.
En 1964, les crimes contre l’humanité ont été décrétés imprescriptibles.
En 2000, la route est ouverte vers une Cour pénale internationale à l’échelle planétaire…
Les condamnations
Motifs d’inculpation :
Crimes contre la paix , préparation de guerre d’agression , crimes de guerre , conspiration contre l’humanité.
Condamnés à mort:
GOERING : maréchal du Reich, commandant de la Luftwaffe, ministre de l’air, 1er ministre de Prusse, président du Reichstag (se suicide avant l’exécution)
STREICHER : directeur de journal antisémite, führer de Franconie.
FRICK : ministre de l’intérieur, Reichprotektor de Bohême-Moravie
RIBBENTROP : ministre des affaires étrangères
KALTENBRUNNER : plus haut dignitaire des SS et de la gestapo après Himmler
SAUCKEL : plénipotentiaire général pour la main d’œuvre
KEITEL : maréchal, chef d’État-Major
JODL : général, chef du bureau des opérations de la Wermacht
FRANCK : gouverneur général de Pologne
ROSENBERG: théoricien du NSDAP, ministre des territoires occupés de l’Est
SEYSS-INQUART : l’un des artisans de l’annexion de l’Autriche, commissaire du Reich pour les Pays-Bas
BORMANN : conseiller de Hitler, disparu le 2 mai 1945 et condamné par contumace
Prison :
HESS : dauphin de Hitler
prison à perpétuité
FUNK : ministre de l’économie
prison à perpétuité
RAEDER : commandant en chef de la marine
prison à perpétuité
SPEER : architecte, ministre de l’armement
20 ans de prison
VON SHIRACH : chef des jeunesses hitlériennes, gauleiter de Vienne
20 ans de prison
VON NEURATH : ministre des affaires étrangères reichprotektor de Bohême-Moravie
15 ans de prison
DOENITZ : commandant de la marine
10 ans de prison
Acquittés:
VON PAPEN : chancelier en 1932 vice chancelier du 1er gouvernement Hitler puis ambassadeur
SCHACHT : ministre de l’économie président de la Reichsbank
FRITZSCHE : chef des information au ministère de la propagande
Seules deux personnes admettront une part de responsabilités et des regrets pour leurs actions : Baldur von Schirach , le chef des Jeunesses Hitlériennes, et Speer le ministre de l’Armement et de la Production (tous deux condamnés à 20 ans de prison).
Sources : Espace-citoyen.be et Lescamps.org